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Youssoupha : chantre des valeurs communes

Youssoupha

Le rappeur français Youssoupha a sorti son nouvel album NGRTD (abréviation du mot « négritude ») en mai dernier. Né d’une mère sénégalaise et d’un père Congolais, influencé par différents styles musicaux, le rappeur veut parler à travers ses textes au plus grand nombre et rassembler les gens autour de valeurs communes. 

« Moi, j’suis l’meilleur rappeur d’un pays où je n’suis même pas né. » Dans la chanson Salaam, la deuxième de son nouvel album NGRTD, Youssoupha évoque par cette phrase sa vie, chamboulée, tumultueuse, souvent difficile, mais qui a fini par faire de lui l’artiste qu’il est devenu.

Youssoupha est né d’un père Congolais (le musicien zaïrois Tabu Ley Rochereau) et d’une mère sénégalaise. Il a grandi à Kinshasa, élevé dans la religion musulmane et selon les traditions ouest-africaines par sa mère. Il a vécu à Bruxelles puis a connu la vie tumultueuse des cités franciliennes. Ces différents fragments de vie ont fait de lui un homme et un artiste complexe, riche de nombreuses expériences et de différentes influences.

Osny Youssoupha

La cité de la Rvinière à Osny, où Youssoupha a rejoint sa tante et ses cousins en provenance du Congo Kinshasa (photo : skyrock).

Youssoupha est noir. Le titre de son nouvel album est une façon pour lui de valoriser enfin sa « négritude », ce qu’il n’avait pas encore osé faire dans ses albums précédents. L’artiste s’approprie bien sûr l’héritage d’Aimé Césaire et Leopold Sédar Senghor, tout en s’éloignant de tout académisme, de tout « mimétisme » historique.

« Affirmer ses différences ne signifie pas s’exclure de la société »

Le rappeur avait expliqué dans une entrevue avec le magazine RFI musique : « La « négritude » recouvre des facettes plurielles. Je livre la mienne, personnelle : celle de Youssoupha, né d’une mère sénégalaise, d’un père congolais, enfant de la diaspora africaine en France, nourri, à travers le hip-hop, de culture afro-américaine… Tous ces éléments fabriquent « ma » négritude, tout comme ce sentiment d’appartenance à un ensemble plus vaste – culturel, originel – qui transcende les caractéristiques physiologiques, ou la couleur de peau… »

Transcender. Voilà ce que fait Youssoupha en revendiquant ce qu’il est. « Affirmer ses différences ne signifie pas s’exclure d’une société, mais bien participer à son élévation autant que sortir de ce jeu de dupe du « tout lisse, tout caché ». J’apprends des autres parce qu’ils diffèrent de moi. » Et c’est en faisant de la musique que le Franco-congolais transcende l’humanité. Il affirme ne pas faire du rap pour les rappeurs mais pour le grand public, comme MC Solaar l’avait fait avant lui.

Dans la chanson Entourage, il invite l’auditeur à partager le « son » en formant une chaîne. « Envoie ce son à trois personnes de ton entourage, qui l’enverront à trois personnes de leur entourage (…), qui l’enverront à trois personnes et ainsi de suite. » La musique est donc un lieu de partage, d’enseignement et d’utilité et non d’affrontements et de clashs.

https://soundcloud.com/coyoterecords/youssoupha-entourage

Son combat judiciaire contre le polémiste Eric Zemmour

Même s’il affirme que le rap est un lieu de partage et non d’affrontement, Youssoupha ne s’est pas fait que des amis. En 2009, le polémiste Eric Zemmour porte plainte contre lui. Dans sa chanson A force de le dire, teaser de l’album Sur le chemin du retour, le rappeur se serait rendu coupable de « menaces de crime et d’injures publiques ».

En cause, les paroles suivantes : « À force de juger nos gueules, les gens le savent, qu’à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards, chaque fois que ça pète on dit qu’c’est nous, j’mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Éric Zemmour ».

Eric Zemmour (à gauche) et Youssoupha, engagés dans un bras de fer judiciaire dont le rappeur sortira vainqueur (photo : francetvinfo.fr).

Eric Zemmour (à gauche) et Youssoupha, engagés dans un bras de fer judiciaire dont le rappeur sortira vainqueur (photo : francetvinfo.fr).

Si Youssoupha perd le procès dans un premier temps, la Cour de Paris va finalement lui donner raison en appel. L’instance judiciaire affirme que ces propos n’étaient pas diffamatoires  car ils « n’excédaient pas les limites admissibles en matière de liberté d’expression artistique. » Sa chanson Le score (ft Nemir), fait d’ailleurs référence à cet épisode.

Plus tard, dans Le Parisien, l’artiste précise que ces propos ne signifiaient pas faire taire Zemmour par la force mais par des arguments : « Le faire taire, c’est le remettre en place… Les paroles ne parlent ni de meurtre, ni d’agressions, ni de blessures… Je n’ai ni l’envie de le faire tuer ni de le priver de sa liberté d’expression. Le faire taire, c’est le remettre en place, le mettre face à ses propres contradictions. »

Le contexte des attentats

Pour autant, Youssoupha refuse qu’on lui affuble l’étiquette de « rappeur conscient » ou politique. Le rôle du rappeur n’est pas d’influencer les gens, selon lui. « Mais ce n’sont pas mes rimes qui vont vous éduquer », chante-t-il dans le morceau Entourage. « En vérité, je n’défends pas la vérité, j’défends mes opinions », clame-t-il encore dans Mannschaft.

Même s’il refuse d’être un « rappeur conscient », ses textes font échos à l’actualité, notamment aux graves événements qui ont touché la France en cette année 2015. Le 9 janvier, alors qu’il enregistrait au Studio Davout avec la chanteuse Ayo dans le 20ème arrondissement de Paris, a lieu à deux pas l’attaque de l’hyper casher Porte de Vincennes.

Studio Davout Youssoupha, Ayo,

Le Studio Davout, dans le 20ème arrondissement paririen, où Youssoupha et Ayo ont enregistré la chanson Love musik (phto : skyrock).

« Avec Ayo, on voulait faire un freestyle. Après-midi de janvier, studio Davout à Porte Montreuil. Ce qui se passait à la Porte de Vincennes a complètement cassé le délire. » La chanson Love musik, qui ne devait être au départ qu’un freestyle, va ainsi devenir malgré elle « un message de paix en temps de guerre ».

Dans cette chanson, la chanteuse allemande d’origine nigériane et tzigane roumaine entonne le refrain : « Love is the answer, love is the key » (l’amour est la réponse, l’amour est la clé). Et Youssoupha lui répond : « Et pourquoi on s’élimine ? 7 milliards d’ennemis Ayo ».

Youssoupha est un artiste de son temps, tout simplement. Un artiste humaniste. Un artiste du rassemblement, de l’union, du vivre ensemble. En ces temps troublés marqués par le fanatisme et le refus de considérer l’autre, quittons-nous sur ces paroles issues du titre Points communs : « Bien sûr qu’on travaille pour le bien commun. Cherchons pas nos failles mais nos points communs. Gagner des batailles de nos propres mains. De nos propres mains, de nos propres mains. » 

 

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