La 27ème cérémonie des Goyas, plus haute récompense du cinéma espagnol, s’est déroulée hier soir au Palais des Congrès de Madrid. La crise économique qui frappe le pays de plein fouet était sur toutes les bouches.
25% de chômage, 50% chez les jeunes. La péninsule ibérique va mal et son cinéma n’est pas épargné. Hier soir, il ne fallait pas chercher très loin derrière les costards clinquants pour le découvrir. Les subventions quasi inexistantes ou l’augmentation de la TVA de 8% à 21% ont été unanimement dénoncés par le gratin du grand écran espagnol réunis pour l’occasion. Eva Hache, célèbre humoriste, n’a pas manqué de le faire savoir. Choisie pour introduire la soirée, elle s’est livrée à un exercice de sarcasme en règle, s’adressant directement à José Ignacio Wert, ministre de la jeunesse, de la culture et du sport : « Félicitations ! On ne doit pas vous le dire souvent en ce moment. Mais félicitations ! Je le dis parce que c’est bientôt votre anniversaire. Pour le reste, non, bien sûr. » Le ministre s’est efforcé de rire, embarrassé par l’hilarité générale d’un parterre acquis à la cause d’Eva Hache. Puis, dans un registre plus grave, ce fut au tour du directeur de l’Académie du cinéma,Enrique Gonzalez Macho, de dresser le tableau : « Nous avons vécu douze mois d’inquiétude (…)« , a-t-il déclaré face la tête baissée du ministre Wert. « Le plus grave a été l’augmentation de la TVA », qui a entraîné « de nombreuses faillites et un chômage alarmant » dans le milieu, a-t-il poursuivi.
Les allusions se sont succédé au fil des remises de prix. Candela Peña, meilleur second rôle, a par exemple fait part de ses difficultés devant une assemblée médusée. Les larmes aux yeux, elle a expliqué ne pas avoir travaillé pendant trois ans, vu son père mourir dans un hôpital public sans couverture ni eau et s’inquiéter pour l’éducation de son fils. Elle a conclu en invitant les réalisateurs à l’embaucher : « j’ai une famille à nourrir ». Maribel Verdu, sorcière dans le Blancanieves de Pablo Berger, a ensuite dénoncé « un système injuste » qui « vole aux pauvres pour donner aux riches ».
Un bil
an en demi-teinte
Le cinéma espagnol affiche pourtant un bilan remarquable pour cette année 2012 avec 106 millions d’euros de recette, soit le meilleur résultat de tout les temps. La part de films espagnols sur le territoire est même passée à 17,9%, soit 3% de plus que l’année dernière. Les stars sont-elles devenues hypocrites? Pas vraiment. Car ces résultats spectaculaires sont surtout le fait de films à très grand succès, parmi lesquels Lo Impossible (L’impossible). Le drame, récit du combat d’une famille après le tsunami de 2004, a attiré plus de 5 millions de spectateurs pour une cagnotte de 40 millions d’euros. A noter également, le très bon score du film d’animation Tadeo Jones (18 millions d’euros) et de Tengos Ganas de Ti (12 millions d’euros). Les trois films se sont fait une place dans le top 10 des succès de l’année toutes origines confondues. Ils représentent à eux seuls deux tiers des 106 millions d’euros.
Derrière donc, le désert. Très peu de films ont passé la barre des deux millions d’entrées. Les productions souffrent de la crise et le nombre de tournage a baissé de 5% en un an, après une chute de 15% en 2011. Le bilan économique est la façade derrière laquelle se cache un triste spectacle. La cure d’austérité administrée au pays par le Premier ministre Mariana Rajoy ne présage pas d’horizons plus radieux. Une politique une nouvelle fois dénoncée à travers Gérard Depardieu : « Plutôt que d’aller en Russie, (il) n’avait qu’à franchir les Pyrénées : en amnistie fiscale, nous sommes les maîtres ». La référence francophone n’est pas restée isolée puisque « Intouchables » a été désigné meilleur film européen de l’année. Face à la crise, la meilleure solution reste parfois l’humour.
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Max Beucher
