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Etat en perdition

Un mois après, rien n’a changé. Où va la Tunisie ? Son Premier ministre, Hamadi Jebali, a présenté sa démission ce mardi, après l’échec de négociations en vue de créer un nouveau gouvernement composé de technocrates. Un mois après l’assassinat de l’opposant Chokri Belaid, Jebali avait promis la mise en place d’un gouvernement apolitique face à la montée de contestations venues du peuple. Le Premier ministre tunisien avait annoncé démissionner en cas d’échec des négociations, il a donc tenu parole. Le numéro deux du parti au pouvoir, Ennadha, devait présenter sa démission peu après son entrevue avec son président, Moncef Marzouki. Après un week-end de discussions, aucun accord n’était parvenu et la formation d’un nouveau gouvernement avait encore été repoussée. Pis encore, l’allié politique du parti islamiste Ennahda, le Congrès pour la république (CPR) est sorti de ces deux jours de pourparlers au bord de l’implosion interne. Trois de ses députés ont démissionné et leur chef, Mohamed Abbou aurait voulu claquer la porte. De plus, la statue commémorative sur le lieu de l’assassinat de Belaid a été vandalisée dans la nuit de dimanche à lundi créant de nouveaux heurts à Tunis.

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Un futur incertain

Alors quel avenir pour le peuple tunisien ? Où va le pays ? Deux ans après la « Révolution de Jasmin », pionnière des Révolutions Arabes, ayant conduit à la démission de Ben Ali, rien n’a évolué. L’exécution le 6 février d’un des plus populaires opposants au parti au pouvoir, l’avocat Chokri Belaid, a été exécuté froidement alors qu’il sortait de son appartement. Un crime de trop pour les Tunisiens qui sont sortis dans la rue pour se soulever face au gouvernement islamiste. L’opposition rassemblée autour de la gauche, le Front Populaire, ajoutée aux forces centristes (le Parti Républicain, Al Massar, et Nida Tounes) ont conduit la révolution de la rue, et ont appelé à la grève générale ainsi qu’à la suspension à la participation à l’Assemblée nationale qui est donc actuellement figée. Comme un signe, Chokri Belaid avait prononcé la veille de sa mort un discours sur les violences en Tunisie et avait demandé un dialogue national contre la violence au sein du pays.

Depuis le départ de Ben Ali, l’insécurité a fortement augmenté en Tunisie. En octobre dernier, le secrétaire général du parti Nida Tounes, Lotfi Naguedh, avait été abattu en pleine rue soulevant une première vague d’indignation. Des vagues de violences politiques et sociales sont fréquentes depuis l’été et la Tunisie semble plus que jamais au bord du chaos. Suite au départ de Zine Ben Ali en janvier 2011 mettant fin à 24 années de règne, l’ancien parti au pouvoir, le Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) a été dissous. Ennahda a remporté les élections législatives en octobre 2011 pour devenir la force politique numéro un en Tunisie.

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Mais qui est Ennahda ?

Fondé en juin 1981 sous le nom de mouvement de la tendance islamique (MTI) par Rached Ghannouchi, le parti islamiste a évolué au cours du temps. Au départ basé sur une idéologie nationaliste inspiré de Nasser, Ennahda s’est dans les années 70 converti aux idées des Frères Musulmans égyptiens. Longtemps contrôlé par le pouvoir de Ben Ali, notamment par le biais d’emprisonnements de cadres et d’exils forcés, le premier parti national a été interdit jusqu’en mars 2011. Son chef Rached Ghannouchi est rentré d’exil seulement en janvier 2011 après vingt ans passé à Londres suite à son expulsion forcée par le contrôle total de Ben Ali. Depuis, Ennahda est devenu la première force politique du pays. Allié au Congrés pour la République (CPR) du président Marzouki, au mouvement Wafa, ainsi qu’au Bloc parlementaire Liberté et dignité, l’alliance politique a acquis une majorité absolue à l’Assemblée avec 125 élus sur 217. Ces quatre mouvements ont pour but de lutter contre la corruption, restructurer l’économie et une stricte application de la loi ayant pour but de restructurer l’ordre au sein du pays. L’amorce d’un éventuel nouveau gouvernement sans cesse repoussé montre bien la difficulté que le pays a pour se relever. Le départ de Ben Ali, deux ans après, n’a rien changé. La Tunisie est aujourd’hui un pays fragilisé par un contexte politique décadent, et une animosité sociale sans précédent. Le départ de Jebali est comparable à celui d’un capitaine de bateau en pleine dérive, et jette un voile sombre sur le futur du plus petit Etat du Maghreb actuel.

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