Graffeur dans l’âme ? Venez découvrir une véritable galerie de street art à ciel ouvert. Nicolas Obadia, lui-même artiste pochoiriste, vous fera partager sa passion lors d’une virée unique sur les berges du canal Saint-Denis. Pour une visite gratuite, vos pieds ou un vélo suffiront !
« Voir Saint Denis sous un autre jour »
Pour l’Euro 2016, une vingtaine de graffeurs se sont illustrés dans un projet de fresques parcourant le canal Saint Denis. Du parc de la Villette au stade de France, différentes sensibilités de l’art urbain sont exposées : graffitis, pochoirs, collages, en une ou plusieurs dimensions … Les graffeurs investissent le territoire et en deviennent de véritables acteurs. Par leur talent, ils montrent un autre aspect d’une ville poursuivie par sa mauvaise réputation. S’emparer des quartiers abandonnés et leur redonner vie, tel est leur credo. Camille, étudiante de 20 ans originaire de Seine-Saint-Denis, s’enthousiasme : « je n’avais jamais vu ma ville sous un si beau jour ».
Ce graff rend hommage à l’Histoire de la Seine Saint Denis. Les couronnes superposées sur la tête du guépard rappellent la royauté. Et pour cause, la ville abritait le fort de la Double-Couronne qui protégeait Paris à la fin du XIXe siècle jusqu’à son explosion en 1916.
La visite débute comme un rêve. « On nous ouvre les portes du paradis ! » s’émerveille Camille. Deux lourdes portes s’ouvrent lentement et un halo de lumière envahit l’écluse qui retient le bateau. L’aventure peut commencer. Le guide nous fait partager son univers et ses travers. À travers son flot de paroles, on discerne sa passion pour l’art des rues et son authenticité. Son intérêt pour les banlieues et la réappropriation du territoire. Les jeunes, les marginaux, les oubliés, comment chacun a posé son blaze à l’édifice.
Histoire de se rebeller
La visite devient l’occasion d’en savoir un peu plus sur l’Histoire de l’art urbain. À l’origine, défiance et marginalité sont au cœur du Street Art. Il puise sa source dans les lieux abandonnés où les artistes risquent le moins de se faire attraper. La visite débute à l’endroit même où une vie parallèle s’est créée. Le terrain vague de Stalingrad, berceau historique du graffiti et de la culture hip hop française dans le milieu des années 80. Des artistes comme JonOne directement importés de New York rejoignent la scène artistique de Paris. Des graffs illégaux dans le métro aux spots exposés, le cercle des rebelles se forme. Éloigné des codes habituels, il ne cherche pas à vendre ses produits et investit les lieux délaissés. En totale liberté.
À Stalingrad, le courant artistique s’assume. Place visible depuis le métro aérien, les artistes cherchent à être remarqués. La lutte avec les autorités devient féroce. Mais plus elles entrent en guerre contre ces marginaux, plus ils s’épanouissent dans leur art et se font connaitre du grand public. Apparu comme un art vandale, plateforme d’expression privilégiée des non conformistes, le street art est devenu un courant artistique reconnu et adulé. Mais Nicolas Obadia le rappelle, « pour certains artistes, les amendes continuent de pleuvoir ».
« L’art urbain sait d’où il vient. Tout en sachant se régénérer. Se renouveler »
Un art des rues qui gagne à être reconnu. La Tour Paris 13 a été un tournant. Ce projet a mobilisé plus d’une centaine d’artistes de Street Art de 15 nationalités différentes pour transformer une tour avant sa destruction en 2014. Avec le soutien de la Mairie du 13ème, un projet hors normes est né. Cette exposition marque le passage à la troisième dimension d’un mouvement en constante mutation. 4 500 m² de surface au sol, 36 appartements. Une véritable invasion. Et surtout, un formidable terrain de jeu pour les créateurs de l’urbain.
Nicolas Obadia se jette à l’eau. Il évoque ses doutes sur l’avenir du Street Art. Conservera-t-il sa sincérité en intégrant le marché de l’art ? La Tour Paris 13 a été un véritable succès. Plus de six heures de queue pour réussir à entrer ! De nombreux investissements ont suivi. Aseptisé et uniformisé, tel peut être le retour de la vague pour un art institutionnalisé. Dès lors, que faire pour éviter de se trahir ?
La croisière « Street Art Avenue » semble avoir trouvé l’équilibre idéal. Certes, elle s’apparente à une traversée pour hipsters sur les traces d’un art rebelle à la mode. Mais elle respecte ses codes fondamentaux. À travers une excursion vers les lieux reculés de la Seine, elle rend hommage à cette culture populaire. Un art éphémère, parfois caché mais toujours accessible aux riverains. Laissez-vous bercer par le flot des artistes au cours de cette balade insolite. Après le parcours c’est prouvé, vous n’aurez qu’une seule envie, taguer !