Un homme à trois époques différentes de sa vie : telle est l’idée de départ de Me, Myself & I. Une comédie originale, pour l’instant réussie avec son mélange d’humour et d’émotion.
C’est quoi, Me, Myself & I ? C’est l’histoire de Alex Riley , un homme que l’on suit à trois périodes de sa vie. D’abord à 14 ans, lorsque Alex (Jack Dylan Grazer) et sa mère emménagent avec le nouveau compagnon de celle-ci et son fils adolescent, et qu’il intègre une nouveau collège. Nous le retrouvons à l’âge de 40 ans où, vivant de ses inventions et père d’une petite fille, Alex (Bobby Moynihan) est en plein divorce. Enfin, le voilà à 65 ans, lorsqu’il (John Larroquette) prend sa retraite et tente de reconstruire sa vie sentimentale. D’une époque à l’autre, on découvre l’évolution du personnage et la manière dont toutes ses expériences ont contribué à faire de lui l’homme qu’il est devenu.
Parmi les comédies lancées cette saison, Me, Myself & I bénéficie sans doute du concept le plus décalé. Avec des épisodes au format classique d’une vingtaine de minutes, la série ne perd pas de temps pour mettre en place ses (son?) personnages : Alex est un nerd / inventeur, dont on va suivre les aventures dans trois phases différentes de sa vie. En un : adolescent, il est sur le point d’intégrer un nouveau collège et un nouveau foyer, lorsque sa mère épouse un pilote de ligne, et il se retrouve flanqué d’un demi-frère de son âge. En deux : à quarante ans, père d’une petite fille, il peine à vendre ses inventions et fait face à un douloureux divorce, après avoir découvert que son épouse le trompait. En trois : dirigeant sa propre entreprise, il est victime d’une crise cardiaque et décide alors de prendre sa retraite pour profiter d’une vie bien remplie.
L’idée centrale – trois versions du même personnage à des époques-clés de sa vie – est à la fois intrigante et pleine de promesses, et en tous cas plutôt originale. Si certaines plaisanteries sont un peu faiblardes, Me, Myself & I réussit néanmoins son entrée, efficace mais légèrement différente de ce qu’on pouvait supposer. Elle a déjà trouvé son rythme, pour passer allègrement d’une période à l’autre avec habileté. Les épisodes ne sont pas constitués de trois actes nettement différenciés, mais de plusieurs allers-retours entre les différentes périodes. Cette construction aurait pu engendrer une certaine confusion ; toutes les séquences sont liées par un thème sous-jacent, qui permet de garder une réelle harmonie. Se faisant, la série évite le principal écueil auquel elle aurait pu se heurter, à savoir juxtaposer trois récits sans autre fil rouge que le personnage. Tout au contraire, il est indéniable qu’il s’agit de plusieurs chapitres de la même histoire, cohérente malgré la chronologie éclatée.
Me, Myself & I a une autre qualité : elle ne cède pas à la tentation de la facilité. Pour l’instant en tous cas, elle nous épargne les clichés et ressorts narratifs habituels, préférant donner corps aux différents protagonistes. Par exemple, lorsque Alex rencontre sa nouvelle famille, on pourrait s’attendre à ce qu’il ne s’entende pas avec son demi-frère Justin (Christopher Paul Richards) et que celui-ci soit dépeint comme un gamin insupportable… Or, le garçon est extrêmement sympathique, prend Alex sous son aile, et des années après, il existe toujours un lien solide entre les deux frères. Même chose lorsque, à la même époque, notre héros tombe amoureux de LA fille du collège, celle qui fait l’objet de tous les fantasmes adolescents : au lieu de s’enferrer dans le piège du gamin qui n’a aucune chance de séduire l’inaccessible beauté de l’école, les auteurs empruntent une autre voie, plus subtile et touchante, et qui aura des répercussions dans le futur. Dernier exemple, lorsque devenu quadragénaire, Alex voit son univers s’écrouler lorsqu’il découvre que sa femme lui est infidèle : la série ne le montre pas comme le type dépressif et pathétique qu’il pense être, mais comme un père aimant qui décide de s’occuper de sa fille.
Juste et émouvant sans tomber dans le mélo, le propos n’exclut évidemment pas l’humour. Mais plutôt que de grands éclats de rire, la série suscite des sourires et un amusement mâtiné de tendresse. On s’attache vite à Alex, quel que soit son âge, un type normal, sans rien d’outré ou de caricatural. L’utilisation de la voix off s’avère d’ailleurs judicieuse, parce qu’elle accentue d’emblée la connivence avec le spectateur, sans que le procédé n’apparaisse forcé ou artificiel. On soulignera aussi le choix inspiré des acteurs : sur le plan physique comme dans les attitudes ou les postures, on a vraiment l’impression de voir non pas trois mais un seul personnage. C’est une jolie performance qu’accomplissent ensemble Jack Dylan Grazer, Bobby Moynihan et John Larroquette, bien qu’ils soient séparés à l’écran.
A lire aussi : On a vu pour vous … le premier épisode de Young Sheldon
On ne l’attendait pas forcément, mais Me Myself & I pourrait être une des petites surprises de la rentrée. Sans être exceptionnels, toutefois drôles et émouvants, les premiers épisodes laissent espérer une comédie un peu différente, originale et bien pensée. Moins évidente que The Young Sheldon, elle prend en tous cas une direction semblable, entre humour, tendresse et émotion. Un parallèle accentué par le défi similaire que vont devoir relever les deux séries : composer avec une histoire dont la conclusion, déjà écrite, est connue des spectateurs. On connaît le Sheldon de The Big Bang Theory, et on connaît désormais le Alex 3.0. Ce n’est pas forcément un problème puisque, dans les deux cas, il nous reste à découvrir comment les deux personnages sont devenus tels qu’ils sont.
Me, Myself & I (CBS)
Saison 1 en cours de diffusion