Kiefer Sutherland fait face au terrorisme et aux complots politiques – cette fois en tant qu’improbable président des États-Unis dans Designated Survivor. Retour sur la saison 1, alors que la deuxième vient de débuter en France sur Netflix.
C’est quoi, Designated Survivor ? A Washington, Tom Kirkman (Kiefer Sutherland) s’apprête à regarder à la télévision l’intervention annuelle du président des États-Unis face au congrès. Modeste secrétaire d’état peu considéré, il est aussi le designated survivor: choisi par le président, c’est à lui qu’incomberait la charge de diriger le pays en cas de vacance de l’ensemble de l’exécutif. Horrifié, Kirkman assiste alors à l’impensable : une bombe explose au Capitole, décimant (quasiment) la totalité de l’assistance. Notre homme se retrouve de fait président des États-Unis, un rôle auquel il est d’autant moins préparé qu’il va devoir faire face à la menace terroriste, dans un pays traumatisé et en plein chaos, où toutes les institutions sont à reconstruire.
Que se passe-t-il lorsqu’un homme ordinaire devient président des États-Unis? Voilà le point de départ de Designated Survivor – terme que, admettons-le, nous étions peu nombreux à connaître… La série n’est pas foncièrement originale : elle s’inscrit dans la lignée des thrillers politico-dramatico-familiaux à la Scandal – le côté soap en moins. Car tout ici est très sérieux, très patriotique et très américain. Pour le meilleur et pour le pire. Par sa construction classique, ses personnages manichéens, son propos volontiers grandiloquent, les envolées lyriques des discours naïfs du nouveau président et même sa musique martiale, Designated Survivor est calibrée pour exalter la grandeur des États-Unis, ce qui peut rapidement agacer… Mais si l’on se prend au jeu, elle s’avère vite addictive. Apparue entre deux saisons de House of cards et en même temps que le reboot de 24, Designated Survivor se situe quelque part entre les deux, en mêlant intrigues politiques, terrorisme et conspirations, avec un bel équilibre.
Premier axe, l’intrigue politique. Catapulté président des États-Unis, Kirkman se retrouve détenteur du pouvoir, en dépit de la défiance (voire du mépris) général. Attendu au tournant par ses détracteurs, face à une opposition virulente au sein même de l’administration et de l’armée, il va devoir rapidement trouver ses marques et convaincre ce qui reste de la classe politique, la presse, l’armée, les dirigeants des autres pays, et plus largement l’ensemble du peuple américain. Une tâche d’autant plus ardue que l’union sacrée consécutive à l’attentat dévastateur qui a frappé le pays fait long feu, les complots politiques et intrigues de couloir ne tardant pas à refaire surface. On a cité House of Cards, mais à dire la vérité on pense davantage à Commander in Chief, où la vice-présidente (incarnée par Geena Davis) accédait au pouvoir après la mort du président. Si le contexte et le propos politique restent crédibles et réalistes, on le doit en partie à Kal Penn : interprète du porte-parole de la Maison blanche, il a aussi tenu un rôle de conseiller en tant qu’ex-consultant auprès du cabinet de Barack Obama. Sans faire l’impasse, la série reste toutefois assez simple dans son discours et ne s’appuie pas vraiment sur les aspects techniques de l’exercice du pouvoir aux États-Unis ou les subtilités du jeu politique.
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Il faut dire que ce n’est pas le sujet principal, la série reposant entre autres sur le drame personnel vécu par le nouveau président, qui a du mal à asseoir un légitimité dont lui-même n’est pas convaincu, et qui aurait préféré continuer de mener sa petite vie tranquille, de bon père de famille et modeste fonctionnaire en marge du pouvoir…Kiefer Sutherland porte indéniablement la série sur ses épaules, sans toujours parvenir à faire oublier le personnage de Jack Bauer, auquel il est immanquablement associé : on a parfois envie de conseiller à Kirkman de passer un coup de fil à Bauer, qui réglerait la situation en… 24 heures chrono! Sur le long terme, on finit toutefois par en faire abstraction et, malgré quelques tics récurrents dans son interprétation, l’acteur est plutôt correct dans le rôle.
Second axe, l’enquête sur l’attentat à la bombe qui a détruit le Capitole. Le récit se développe autour du personnage de Hannah Wells (Maggie Q), agent fédéral particulièrement perspicace, qui ne se laisse pas prendre au piège tendu par les véritables commanditaires de l’attaque. A savoir (ce n’est pas un spoiler : on le découvre dès le premier épisode) des personnalités haut placées au sein du gouvernement et de l’armée. On est en pleine théorie conspirationniste, dans une course contre la montre où il s’agit à la fois d’empêcher le prochain attentat et de démasquer les traîtres. Scènes d’action rythmées, rebondissements efficaces et coups de théâtre en guise de cliffhangers suffisent à tenir en haleine le spectateur, malgré quelques clichés et séquences convenues.
Habilement reliées entre elles, ces deux intrigues se mêlent à la vie personnelle du président, qui tente de gérer les répercussions de son improbable promotion au niveau familial. L’ensemble est en général bien construit, en dépit d’un défaut majeur dans l »articulation de la mi-saison. Diffusée en deux parties, la saison 1 de Designated Survivor ne parvient pas totalement à raccrocher les wagons : certaines intrigues sont vite expédiées, voire tuées dans l’œuf (comme celle autour du vice-président) Mais ne boudons pas notre plaisir : ce léger flottement mis à part, Designated Survivor est assez prenante pour que l’on enchaîne les épisodes sans se lasser, voire avec gourmandise. Et c’est déjà très bien, en attendant de voir si la saison 2 suit la même voie.
Designated Survivor n’est certes pas la série du siècle et elle passerait presque pour un plaisir coupable. Peu importe, puisqu’elle réunit tous les ingrédients d’un bon divertissement : des complots politiques, des attentats terroristes, des personnages héroïques, des traîtres, des méchants Russes et des méchants Iraniens, des dilemmes moraux, le portrait réconfortant d’un pays traumatisé mais capable de se relever après les pires épreuves… Et en creux, on ne peut s’empêcher de penser au contexte actuel : humble, ouvert au dialogue et à la remise en question, capable d’une diplomatie qui n’exclut pas le recours à la force et à l’autorité, Kirkman semble aux antipodes de l’actuel président des États-Unis. Au terme d’une saison 1 efficace malgré ses défauts, on se dit qu’on échangerait volontiers Trump contre Kirkman !
Designated Survivor.
Disponible sur Netflix