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Hover, ou le refus de la musique comme « produit de consommation »

Hover, alias Clément, est un jeune DJ parisien appartenant au label LCA Records. La vingtaine rayonnante, ce perfectionniste nonchalant m’a parlé de son rapport existentiel à la musique dans le cadre de la sortie de sa nouvelle track, « Yoga ». Découverte.

Tu fais les Fessées Hybrides jeudi au Panic Room (12 octobre) ? 

H: Oui, petit set live hybride avec ma gratte.

D’où vient le nom Hover ?
H: En anglais ça veut dire « planant ». Ca sonnait bien et ça correspond à mon style musical.

Toi qui viens du rock, jazz, blues, comment t’en es arrivé à l’électro ?
H: J’en écoutais pas trop mais c’est venu avec la French touch

On le ressent pas mal dans tes morceaux. Ça sonne très French touch.
H: C’est vrai que ça m’a beaucoup influencé, avec la nouvelle vague un peu Frenchie, notamment du côté de Roche Musique. Ca m’a beaucoup plu, j’ai été inspiré par des mecs comme Darius, FKJ et tous les nouveaux, Crayons, Dune tout ça… Ils m’ont beaucoup inspiré.

Du coup ton style, tu le définirais comment ? House ? Future ?
H: Ouais bah plus trop en fait, « Future ». Je colle un peu moins à ça en ce moment. Là c’est vrai que je fais pleins de nouveaux trucs et ça va plus vers la Soul, le Hip hop tout en gardant le côté House. Je m’éparse un peu.

Même ton nouveau titre « Yoga » qui va sortir, c’est carrément Hip-hop.
H: Yes, c’est ça, ouais.

*Transition sur le projet* Le chanteur de Yoga (clip sorti le vendredi 13 octobre sur la chaine de LCA Records) c’est un pote à toi ?
H: Ouais, donc c’est Tall T, c’est un bon pote avec qui j’avais envie de collaborer, il m’a motivé à bosser ce morceau. Je l’avais commencé en rentrant du Népal où j’étais avec Jules (LCA Records) et j’ai enregistré plein d’ambiances, de sons au cours du voyage. J’ai une grosse banque de sons qui viennent de là-bas alors je me suis dit pourquoi ne pas donner une petite ambiance. Dans « Yoga » tu retrouves des voix d’enfants qui chantent, une interview d’un maître yogiste, des ambiances de rue…
Ce voyage ça nous a vraiment marqué. Ce morceau s’appelle « Yoga » car à la base c’est le sample de voix que t’entends à la fin, dans l’interview réalisée sur place.

Et le clip a été tourné où ?
H: Tourné aux US, c’est un réalisateur qui travaille avec Parisian Spirit. Il a écouté le son, il était plutôt emballé et il partait faire un road trip avec ses potes du coup il s’est chauffé pour faire un petit clip qui n’a pas grand chose à voir avec le son mais qui donne une autre ambiance, un autre regard sur le son.

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On sent un changement par rapport à ce que tu faisais au début (Papa loko, Don’t keep me down…) et à partir de « Breakin’ », j’ai trouvé que tu tétais ouvert à un autre horizon musical.

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H: J’ai toujours fait un peu de trucs typés House mais que je n’avais pas forcément sorti. C’est venu un peu avec les « Hendeks (Lac de la Zup) » où je me suis marré.

Parle moi un peu des Hendeks.

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H: J’ai vu la vidéo et ça m’a fait marrer. Je me suis amusé à sampler le gars et j’ai fait écouter aux gars de LCA et ça les a fait rire. C’était juste un délire et les mecs du Comptoir ont été emballés et ils m’ont chauffé à le sortir. Mais je ne m’attendais pas du tout à ce que ça fasse le buzz.

Papa loko c’était aussi un hasard. Il te l’avait balancé parce que ça les faisait marrer et t’en avais fait un son.

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H: Ouais c’est ça, j’aime bien partir – plus trop maintenant parce que je change de façon de composer – d’un centre de voix, de trucs auxquels tu ne t’attendais pas forcément…

Justement, comment tu composes généralement ?
H: Alors ça change vraiment à chaque fois. Généralement je m’amuse sur mon piano, je cherche des accords et quand je trouve des harmonies que j’aime bien, je les tourne en boucle. Je pars sur une rythmique. La basse ça m’inspire beaucoup en ce moment. C’est un des instruments les plus importants. Ca apporte un truc, un coté abouti. Ca fluidifie le morceau, ça rajoute un côté intéressant.

La guitare wah, c’est ta signature sonore ?
H: *rires* Ouais du coup vu que c’est mon instrument de base. J’ai commencé la musique avec la guitare à l’âge de 9-10 ans. La guitare ça m’a amené dans le rock, le blues.

Justement, tu t’en sers de ces influences-là, les Pink Floyd et tout ça ?
H: Bah au début beaucoup, maintenant moins. Dans deux morceaux pas encore sortis dont un que je travaille avec Tall T, je m’inspire de la House, du Jazz.

C’est la mode en ce moment. Tu prends Bellaire, il s’inspire pas mal de jazz, ou de la soul, du disco. Le jazz et la soul ça revient pas mal dans l’électro.
H: Carrément ! En ce moment j’écoute beaucoup un artiste qui s’appelle Henry Wu. C’est un producteur de House et il a récemment créé un trio qui s’appelle Yussef Kamal. Lui est au synthé, il y a un super batteur et un bassiste. Ils font principalement du jazz. C’est un mouvement qui est en train de monter, c’est un espèce de jazz hip-hop, un espèce de jazz fusion. On a aussi Alfa Mist, pas mal de mecs comme ça et ça m’inspire beaucoup.

T’avais fait l’école de Jazz, si mes souvenirs sont bons ?
H: Oui, l’école d’improvisation de jazz de Mont Saint-Aignan mais c’était plutôt du jazz manouche. Je joue très peu de manouche maintenant, je n’ai pas eu la patience de rentrer dans le manouche…

Quand t’enregistres, c’est où ?
H: Chez moi, dans ma chambre. J’ai une petite carte son sur laquelle j’enregistre ma basse et ma guitare. Tout ce qui est synthé c’est du clavier mélangé avec des plugins. J’ai un piano chez mes parents dont j’ai enregistré le son avec un enregistreur mais c’est pas ouf, c’est vraiment pour sampler, rentrer ça dans des textures. Par le biais de mon école aussi mais principalement chez moi.

Et Le Comptoir Auditif ça t’apporte quoi ?
H: Avant tout c’est un groupe de potes, une famille, ça m’apporte pleins de trucs, ce sont les premières personnes à qui je fais écouter mes sons, ils me donnent un retour constructif grâce auquel je peux avancer. Et derrière c’est eux qui me trouvent mes dates, qui sortent mes sons. Je m’occupe de faire du son et derrière ils gèrent tout ce qui est à côté.

C’est cool de bosser avec ses potes ?
H: C’est carrément cool, ouais. Si on peut tous monter ensemble, se faire avancer mutuellement c’est cool.

Tu comptes faire des feats avec des artistes du Comptoir ?
H: J’aimerais bien. J’ai fait des feats avec Masta (Hugo). On en a sorti un mais on en a fait 4/5 qui sont dans les tréfonds de mon ordinateur. J’aimerais bien faire plus de trucs avec les mecs du comptoir mais ce n’est pas forcément facile, on n’habite pas forcément dans les mêmes villes, ça prend du temps. On peut faire ça par internet, mais c’est plus compliqué. J’aimerais bien faire des trucs avec Jean (Boubou/Bellaire), ou avec Yodji.

Dans l’avenir, si ça marche tu comptes rester dans un label indépendant ou tu comptes signer chez une major ?
H: Dans tous les cas je reste dans le Comptoir. Le Comptoir c’est vraiment la maison. Après, c’est signer un editing dans une grosse boîte tout en restant un artiste du Comptoir. La grosse boîte ça t’amène à un public plus large, t’as plus de moyens mais en restant chez le Comptoir car c’est grâce à eux que j’ai pu monter. Je ne suis pas du tout connu mais sans eux je ne ferai pas de dates.

Ca commence à marcher un peu, là non ? T’as fait le Bateau-Phare ?
H: J’ai fait Bateau phare, le Social Club, des dates au Panic Room, des dates à Rouen. J’ai fait des trucs cool, ouais.

Dans l’avenir proche tu comptes plutôt capitaliser sur les prods ou faire plus de live ?
H: Clairement, le but c’est de faire du live mais avant il faut que je bosse pas mal de morceaux. Un EP pour ensuite le jouer en live, ce serait mon kiff. Peut-être faire du live-looping, de l’impro mais ça prend du temps à monter. Avec tous mes cours à côté, ça prend du temps. Je travaille sur plein de trucs (court-métrage) et faut trouver un bon équilibre entre tout. Les court-métrages ça me plait bien…

Tu préfères le live ou faire des prods ?
H: Pour l’instant je n’ai jamais vraiment fait de live. Produire j’adore ça. Faire du live je pense que j’adorerais ça aussi. Le seul truc un peu live que j’ai fait c’est une sorte d’hybride avec un DJ set et une guitare à côté. Pour l’instant j’aime produire, monter un live ça prend du temps, et ça demande du matos que je n’ai pas forcément. L’avantage de la MAO (Musique Assistée par Ordinateur) c’est que t’es tout seul, tu fais vraiment ce que t’as envie de faire et t’as des moments où t’as l’euphorie de la compo, qui est vraiment le meilleur moment. D’un coup tu tiens un truc et ça avance tout seul. C’est pas un truc que t’as tout le temps mais quand ça arrive c’est vraiment génial.

Faut être solitaire donc pour faire de l’électro ?
H: Faut être très solitaire. Après tu peux travailler aussi avec des musiciens. J’aimerais bien travailler avec des batteurs. J’aime bien travailler avec des chanteurs ou des rappeurs. Car généralement je fais ma prod, je l’envoie au chanteur ou la chanteuse et il/elle en fait une dimension toute autre.

C’est dans « Don’t keep me down » que le gars t’a balancé sa voix sans que tu lui demandes?
H: L’histoire est dingue. J’ai fait la prod, je l’ai postée sur Soundcloud et deux semaines après je reçois un message d’un mec qui fait « ouais salut, j’ai bien kiffé ton son, est-ce que je peux chanter dessus ? ». Le gars vient d’Hawai. Et je fais ouais, envoie-moi une démo, le gars avait pas forcément sorti de prod, donc bon. Là il m’envoie un truc et j’ai été vraiment surpris, avec une voix de malade. Alors j’ai dis au gars direct de m’envoyer son son et je l’ai rajouté à ma prod et ça a donné « Don’t keep me down ». Ca donne une dimension complètement différente et c’est ça que j’aime bien, c’est vraiment faire le son, l’envoyer à un chanteur et voir ce qu’il va en faire. Pour l’instant je n’ai eu que des bonnes surprises. Après on verra, ça peut arriver de pas aimer le truc.
Justement je vais peut-être travailler avec une chanteuse pour une autre track qui devient un peu plus soul, un peu plus hip-hop.

La prod que t’as préféré produire ?
H: Je peux pas te dire. « Don’t Keep me Down » j’ai bien kiffé mais c’est difficile à dire parce que toutes les prods que j’aboutis, c’est vraiment un kiff. « Won’t stand up » aussi j’ai bien aimé, le son avec la chanteuse. J’avais commencé ça après avoir emménagé dans mon nouvel appart et je n’avais pas d’enceintes, j’avais rien. J’ai commencé avec un casque, pas forcément de matos. Je l’ai fini une fois que j’avais pu ramener du matos et j’avais vraiment bien kiffé. J’ai pas mal travaillé le début et l’intro avec pas mal d’instruments que j’avais fait chez moi : des tintements de verre que j’avais mis en reverse. Je m’étais bien fait kiffer sur le bruitage et j’avais vraiment bien aimé.

Et celle qui t’a fait le plus galérer ?
H: En fait elles me font toutes galérer parce que quand je rentre dans un truc, elles paraissent jamais finies en fait. Je pense que c’est « Won’t stand up ». On avait travaillé dans l’optique de chanter directement avec une chanteuse, ça sortait sur un autre label, fallait voir avec le label, alors c’était compliqué dans l’aboutissement du projet. Là y en a une autre qui me donne beaucoup de travail, mais elle n’est pas encore sortie.

Tu m’as parlé des artistes qui t’inspiraient en ce moment. Quel regard tu portes aujourd’hui sur le milieu de l’électro, sur ce qui se fait ?
H: Plein de trucs vraiment intéressants, mais plein de trucs mainstream qui m’énervent un peu. Y a plein de trucs hyper poussés – je te parlais de Youssef Kamal, BadBadNotGood – qui mêlent jazz et électro, qui vont chercher des sonorités avec des musiciens qu’ils vont chercher. Tu vois, Red bull Studio ils poussent ce délire-là, et ça c’est vraiment cool et ils le rendent un peu populaire avec FKJ notamment. C’est accessible un peu à tout le monde et ça ça m’intéresse bien, ouais.

Aujourd’hui, si tu peux faire tout ça de chez toi c’est aussi grâce à Youtube, à Soundclound, etc… t’en penses quoi qu’aujourd’hui un artiste n’ait pas besoin d’une grosse major, d’être dans un gros label pour devenir ultra connu en quelques clics ? Est-ce que tu penses que Youtube c’est un moyen à long terme de faire carrière, au final ?
H: Bah en fait je trouve ça génial car tu peux t’affranchir des règles, des Majors. Tu fais ton son, ton post et tu peux exploser.

N’y a-t-il pas une sorte d’amateurisation ?
H: Justement ça amène une course aux clics que j’aime pas trop. Avec tout le délire youtubeurs, ça amène une liberté, il y a beaucoup de contenus, beaucoup de trucs et y a peut-être beaucoup de gens qui veulent faire comme les autres. Y’a beaucoup de gens qui font dans le genre de, le truc de…

Et puis ce n’est pas forcément à long-terme. Aujourd’hui, pour que ça dure, il faut poster régulièrement, prenons l’exemple de Rilès qui s’obligeait à poster une prod toutes les semaines. Alors que toi tu prends ton temps *rires*.
H: Rilès, il a fait ça pour se faire remarquer et ça a bien marché finalement. Il est aux US maintenant et ça c’est vraiment cool. Mais ça appauvrit un peu le contenu et ça appauvrit la manière de consommer la musique. La musique c’est un produit de consommation aujourd’hui et c’est un peu dommage. Les gens ne vont même plus écouter les sons en entier. Je vois aujourd’hui, les gens sur soundclound quand ils écoutent un son, ils l’arrêtent à la moitié, ils vont à la fin, retournent en arrière et prennent plus le temps d’écouter.
Ca fait un peu vieux con même si je suis pas vieux, mais avant les gens achetaient un album et l’écoutaient en entier. T’achetais ton vinyle, t’achetais ton CD, t’avais envie de rentabiliser le truc, alors tu l’écoutais en entier, tu l’écoutais plusieurs fois. Aujourd’hui c’est vraiment devenu un produit de consommation et c’est vraiment dommage.
Je fais des études d’ingénieur du son, je ne me destine pas forcément à travailler dans la musique, dans les studios mais peut-être, c’est ce qui me plait vraiment et c’est triste pour les ingénieurs du son aussi. Les gens veulent produire de plus en plus rapidement et donc les gros studios (Davoux par exemple) pas destinés aux petits producteurs, musiciens a fermé parce que les gens prennent plus le temps, la maison de disque ne veut plus investir dans la création de beaux contenus. Aujourd’hui, tu peux faire ton album de chez toi en 6 mois, en investissant 2000€ pour ton album alors qu’il y a 10 ans, t’en avais pour 30 000€ dans un studio. C’est sûr que les grosses maisons de disques n’ont plus envie d’investir car tu peux te faire ton album et les gens vont écouter, car les gens ont baissé leurs exigences. T’écoutes aujourd’hui les albums sont dégueulasses. Pas tous mais par exemple Metallica, dans leur album de 2009. Ça avait fait un gros débat dans le milieu des ingé-sons plus au niveau du mastering mais ça colle à la consommation des gens. Ils veulent que ça sonne fort mais ça n’a plus de dynamique, ça n’a plus rien. T’écoutes l’album, au bout d’un quart d’heure t’as mal aux oreilles parce que c’est trop fort, t’as plus de saveur, rien. Alors que Metallica c’est légendaire.

Tu penses que le format album est dépassé ?
H: Non je ne pense pas. Mais les gens n’ont plus le temps d’écouter un album. Enfin ils l’ont mais ils ne veulent plus le prendre. Même moi, je kiffe écouter les albums en entier mais tu n’as plus le temps de te poser. Et puis écouter un album dans le métro c’est un peu triste.
C’est un truc qui me touche particulièrement, la qualité des albums, parce que je suis destiné à devenir ingé-son. La qualité de la prise de son ça me tient à coeur.

C’est sûr que c’est important. Quand t’arrives à reproduire ce que tu as dans la tête c’est magique. Après ça peut être un peu égoïste parce que ce que tu aimes ce n’est pas forcément ce que l’autre aime.

H: Tu fais la musique pour te faire kiffer, pas pour faire kiffer les autres. Et on revient à Youtube et Soundcloud, le côté, je sors des sons pour qu’ils soient le plus possible écoutés. La question c’est : est-ce que j’ai envie de faire un son pour me faire kiffer, pour faire de la musique, ou pour que les gens aiment ?

Pour finir, t’es plutôt Jujujul saint Jean de la Puenta, ou Dab stratosphérique à la Dimitri Crackers?
H: Ah je suis plutôt dab, je kiffe le dab, je pratique le dab, même.

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