En général, quand on parle d’addiction, on pense à la drogue, au café, au tabac, parfois aux jeux vidéos ou aux jeux d’argent. Néanmoins, il existe une addiction dont on parle peu et qui touche principalement les hommes de plus de 15 ans : la porno-dépendance. Cela peut paraître surprenant mais l’addiction à la pornographie touche beaucoup plus de personnes que l’on ne le croit. J’ai eu la chance de discuter avec Jonathan (Nom d’emprunt) de son addiction à la pornographie pour savoir les conséquences que cela avait sur sa vie de tous les jours.
Dans la peau d’un porno-dépendant
Interviewer : Est ce que vous pouvez vous présenter, votre âge ainsi que ce que vous faites dans la vie?
Jonathan : Je m’appelle Jonathan (Nom d’emprunt), je viens d’avoir 28 ans, je travaille dans le social depuis bientôt 6 ans et je suis un ancien porn addict.
Comment êtes-vous devenu porn addict?
J : Alors, je ne suis pas devenu porn addict du jour au lendemain, c’est quelque chose qui arrive progressivement, sur plusieurs mois, voire plusieurs années. J’ai regardé mon premier film pornographique à 14 ans. Comme j’étais jeune, je n’ai pas très bien compris ce que je voyais mais c’était un film assez soft, qui se rapprochait d’un rapport sexuel dit classique. Puis avec le temps j’ai commencé à regarder des films de plus en plus hard, des gangbangs, des pratiques sado-maso, de l’anal… A 19 ans, je me masturbais de plus en plus souvent, jusqu’à 6 fois par jour, certains jours je passais plus de 5h devant des vidéos pornographiques.
A 19 ans, je me masturbais de plus en plus souvent, jusqu’à 6 fois par jour.
Comment savoir si ce n’est pas plutôt une dépendance à la masturbation ?
J : Dans mon cas, c’était toujours l’envie de regarder de la pornographie qui venait en premier, l’érection suivait après un temps de visionnage. L’inverse arrivait par moment mais dans la majorité des cas c’était la vidéo qui déclenchait l’érection. De plus, je ne pouvais pas me masturber sans pornographie ce qui ne doit pas gêner un addict à la masturbation.
A quoi ressemble la journée d’un porno-dépendant ?
J : Si c’est un jour de travail, c’est déjà une première masturbation dès le réveil, puis une deuxième avant de partir de chez soi, une à la pause du midi, puis plusieurs chez soi après le travail et enfin une avant de s’endormir et bien sûr à chaque fois avec des vidéos pornographiques. Ça devient un rythme de vie assez spécial, mais en cas de journée chargée, il m’est déjà arrivé de me masturber au travail, en cachette, j’avais besoin de ça pour décompresser et tenir la journée.
Il m’est déjà arrivé de me masturber au travail, en cachette, j’avais besoin de ça pour décompresser et tenir la journée.
La porno-dépendance dans le couple
Est-ce que vous êtes en couple ? Et est-ce que cette addiction a affecté vos relations ?
J : Pendant ma période d’accro, j’ai eu 2 relations sérieuses. La première a duré 2 ans et ça fait 3 ans que je suis avec ma copine actuelle. Lors de la première c’était très dur au jour le jour, car ma copine de l’époque avait horreur de la pornographie donc je faisais tout pour lui cacher ma situation, je devais le faire au toilette ou sous la douche pour éviter de me faire prendre. Avec ma copine actuelle au début je lui cachais aussi mais pas de la même manière, elle savait que je consommais des films pornographiques régulièrement mais elle en consommait aussi de son côté. Par contre, je lui cachais la fréquence à laquelle j’étais, tout simplement parce que je n’assumais pas et j’avais peur d’être pris pour un pervers, un malade, ou un obsédé.
Votre addiction affectait-elle les relations sexuelles que vous aviez ?
J : Oui, clairement à force de voire des corps nus et des pratiques sexuelles plus folles les unes que les autres on se lasse vite du corps de sa conjointe. Alors au début de la relation, on ne connait pas ou peu le corps de l’autre donc les rapports sont intenses et fougueux, puis on se lasse, les rapports sont moins intenses, je m’ennuyais car j’avais l’impression de ne pas faire ce que je voyais en vidéo.
Je m’ennuyais car j’avais l’impression de ne pas faire ce que je voyais en vidéo.
Ça vous est déjà arrivé de vouloir reproduire ce que vous voyiez sur internet lors de vos rapports ?
J : Oui très souvent, mais je demandais toujours au préalable car je sais que ces pratiques ne sont pas communes et peuvent surprendre. Même si la plupart du temps elles étaient d’accord pour essayer, elles n’appréciaient pas et donc on ne le faisait plus par la suite. Ce qui me frustrait énormément et donc faisait que je me réfugiait encore plus dans mon addiction.
La prise de conscience
Comment avez-vous pris conscience que vous étiez dépendant ?
J : Un jour je suis tombé sur la page de gestionnaire de temps d’écran sur mon téléphone et j’étais halluciné par le temps que j’avais passé sur des sites pornographiques : presque 20 heures sur les 7 derniers jours. C’est là, que je me suis rendu compte que ce n’était pas normal, à plusieurs reprises j’avais fait passer mon désir de vidéos pornographiques avant des choses importantes, comme le travail ou un rendez-vous. J’ai donc pris mon courage à deux mains et j’en ai parlé à ma copine qui a été très compréhensive, on a donc cherché des solutions. Lui en parler m’a énormément aidé.
Pensez-vous que vous auriez pu en sortir avant si vous vous étiez ouvert plus tôt ?
J : Oui, très clairement, grandir dans une famille religieuse et avoir eu une ex-petite amie très fermée sur le sujet a fait de mon problème un tabou. Je n’osais pas en parler et à l’inverse d’autres addictions, on ne remarque pas sur vous de changement particulier, donc personne ne peut vous venir en aide.
Par quels moyens vous êtes vous débarrassé de cette addiction ?
J : J’ai trouvé sur internet pas mal de forums qui évoquaient mon problème, comme Stopporn.fr qui propose des méthodes pour arrêter. Mais j’ai finalement suivi le conseil de ma copine : j’ai diminué petit à petit, jusqu’à arriver à un rythme que je trouve raisonnable. Au début c’était très dur de tenir, mais j’essayais de me vider l’esprit en allant faire du sport ou en me promenant et l’envie passait à chaque fois. Je n’ai pas arrêté complètement, en effet, la masturbation est un antistress très efficace, mais je me restreint pour que ça reste occasionnel et ne pas replonger.
Je n’ai pas arrêté complètement […] la masturbation est un antistress très efficace mais je me restreint pour que ça reste occasionnel et ne pas replonger.
Est-ce que vous avez remarqué des changements significatifs depuis que vous avez pris ce rythme ?
J : Oui, déjà au niveau des rapports sexuels avec ma copine, je suis beaucoup plus épanouit. Physiquement je me sens moins fatigué. Mais surtout, c’est un gain de temps énorme, environ 3h par jour en plus pour faire ce qui me plaît.
Quels seraient vos conseils pour quelqu’un qui souffrirait de la même addiction ?
J : La première étape c’est d’en prendre conscience. Puis avoir vraiment envie d’y mettre un terme, car s’il n’y a pas de motivation la personne va peut-être tenir une semaine ou plus mais la rechute risque d’être terrible. Ensuite, il faut en parler, ne pas en faire un tabou, je sais que ça peut être compliqué d’évoquer la question mais il faut avoir un interlocuteur prêt à vous écouter et à vous encourager. Dans mon cas, je ne pouvais pas en parler à ma famille, ni à ma première petite amie, j’ai choisi d’en parler à ma seconde conjointe car je savais qu’elle était plus ouverte d’esprit. Mais sinon je suis sûr que le sujet peut être évoquer avec votre médecin, votre psychologue ou un sexologue, un professionnel aura une analyse sans jugement ce qui aidera à libérer la parole.
La première étape c’est d’en prendre conscience.
Pour conclure, il est bon de préciser qu’il n’y a pas de critères précis pour déterminer la porno-dépendance. Le point de vue de Jonathan est personnel et n’est donc pas forcément révélateur pour déterminer si quelqu’un est addict ou non.