« Et notez que j’exècre ce qu’on est convenu d’appeler le ‘réalisme’, bien qu’on m’en fasse un des pontifes » disait Gustave Flaubert alors qu’on le connaît aujourd’hui comme l’auteur emblématique du courant réaliste. Pour le bicentenaire de sa naissance, on vous explique tout sur l’un des auteurs les plus reconnus de la littérature française et sa plume singulière.
Les débuts d’un des plus grands
Né le 12 décembre 1821, à Rouen, Gustave Flaubert grandit en Normandie dans une famille de la petite bourgeoisie catholique. Dans le quotidien de sa jeunesse monotone et bien tranquille, il écrit ses premiers textes souvent à dominante sombre et mélancolique.
Il entamera des études de droit afin de devenir avocat puis après avoir échoué sa seconde année et l’arrivée soudaine d’une maladie nerveuse, il décide de se consacrer entièrement à l’écriture. Retiré à Croisset, petite localité proche de Rouen, il vit une vie d’ermite mais développe un grand soin pour l’écriture. Son isolement ne l’empêche pas d’entretenir plusieurs correspondances comme avec Louise Colet qui devient sa maitresse jusqu’en 1854 ou des auteurs comme Georges Sand ou encore Guy de Maupassant, générant de nombreuses lettres qui permettent d’éclairer ses œuvres.
Le chef de l’école réaliste ?
Encore aujourd’hui on reconnait Gustave Flaubert comme le chef de l’école réaliste même s’il a toujours rejeté ce titre. Il s’est cependant affirmé tout au long de son activité littéraire entre romantisme et réalisme, une tension entre ces deux genres littéraires qu’il exprime lui-même :
« Il y a en moi, littéralement parlant, deux bonshommes distincts : un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d’aigles, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de l’idée ; un autre qui creuse et fouille le vrai tant qu’il peut »
Gustave Flaubert
Auteur réaliste, il rythme ses œuvres d’analyses sociales et historiques de sorte à montrer « la nature telle qu’elle est ». Cependant, si Madame Bovary insiste sur la médiocrité du présent et du quotidien bourgeois, l’œuvre nous plonge également dans la rêverie et le romantisme d’un personnage en quête d’un ailleurs, entre grisaille et couleur, de la terne réalité aux vivides illusions.
Madame Bovary, la grande œuvre qui affirme son style
Gustave Flaubert, inspiré par Don Quichotte et ses amis lui conseillant de privilégier une réalité fictive ordinaire, commence l’écriture de Madame Bovary alors même qu’il n’avait encore rien publié. Il décide alors de s’inspirer d’un fait divers puis naît l’un des plus célèbres et pourtant tout à fait ordinaire personnages fictifs de la littérature française, Emma Rouault. Fille d’un riche fermier, elle épouse Charles Bovary, officier de santé et entretient une liaison avec un amant, Léon. Le lecteur se retrouve emporté dans le quotidien d’une femme bourgeoise plongée dans l’ennui de sa réalité.
Son originalité et sa modernité se reconnait à travers son initiative de varier les points de vue des personnages, permettant ainsi de créer une réelle vision de cette réalité fictive, mouvante et subjective. Cette vision permet ainsi de se détacher du point de vue omniscient traditionnel, créant un effet dérisoire et critique sur le personnage dit principale mais également sur tous les autres personnages. Grâce à ce style d’écriture, le lecteur perçoit la banalité d’Emma et de ses rêves, mais aussi la médiocrité de cette société bourgeoise.
Publié en 1852, le succès du roman se doit au procès qui a fait suite à sa publication, étant considéré comme une offense à l’Église. L’infidélité d’Emma, son suicide, le malheur de son époux et de son enfant dérangent. Flaubert, comparait devant la sixième chambre du tribunal correctionnel de la Seine sous le chef d’inculpation d’outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs. L’auteur est acquitté tandis que Charles Baudelaire également accusé, a finalement été condamné finalement sur le même blâme qui a failli nuire à Flaubert, un excès de réalisme.
Les autres œuvres de Gustave Flaubert
Bien que Madame Bovary demeure son œuvre la plus reconnue, d’autres ouvrage ont permis à Gustave Flaubert d’affirmer sa singularité.
Flaubert publie Salammbô en 1862, un ouvrage dont l’histoire prend vie à Carthage à la fin de la première guerre punique. Il réunit ici une documentation colossale qui affirme son style de « faire vrai » tout en dessinant une fresque grandiose et fantaisiste.
L’Éducation Sentimentale en 1869, constitue une grande étape dans l’activité littéraire de l’auteur puisqu’il s’agit d’une autobiographie dite romancée. Il s’inspire du premier événement notable de toute sa jeunesse, sa rencontre passionnée avec Élisa Schlésinger qu’il aimera d’une passion durable et sans retour. Il transposera cette première expérience amoureuse dans l’amour que portera le jeune personnage Frédéric Moreau pour une femme mariée et plus âgée, Marie Arnoux.
Les Trois Contes, sa dernière œuvre publiée en 1877, est un recueil de trois nouvelles parues sous formes d’épisodes des deux journaux distincts. On retrouve « Un cœur simple », « Légende de Saint Julien l’Hospitalier », « Hérodias ». Ces contes, dotés d’images et représentations fortes, mettent en scène un voyage dans le temps, de l’époque contemporaine avec le conte « Un cœur simple », au Moyen Âge avec le conte fantastique de Saint Julien jusqu’à l’époque antique avec le récit d’Hérodias.
Un auteur singulier et intemporel
Bien qu’on ait pu juger le style de Gustave Flaubert comme ennuyant et morose, c’est tout une construction sociétale mais aussi sentimentale qui se construit derrière ses œuvres et que l’on doit interpréter.
La qualité et le soin qu’il accordait style, à l’analyse psychologique mais aussi à la poésie des sentiments, ont fait de lui aujourd’hui l’un des plus grands auteurs de l’histoire. Sa plume singulière nous fait presque adorer lire les échecs de ces personnages qui nous ressemblent un peu trop.
Lire Flaubert peut toujours être d’actualité, en effet, malgré le fait que nous commémorons le bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert, ses mots (bien que pessimistes mais à méditer) semblent toujours résonner avec notre époque : « Nous allons entrer en France dans une bien triste époque, et moi je deviens comme l’époque, je m’assombris. Nous vivons tous maintenant dans un état de rage contenue qui finit par nous rendre un peu fou. Aux misères individuelles vont se joindre la misère publique. Ce qui me navre, c’est la stupidité féroce des hommes. Je suis rassasié d’horreurs. Nous sommes tous enfoncés au même niveau dans une médiocrité commune. Et je suis convaincu que nous entrons dans un monde hideux. »