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5 éléments pour comprendre … la montée de l’antisémitisme en France

De l’affaire Dreyfus à aujourd’hui, l’antisémitisme a toujours été présent en France. Depuis l’attaque du Hamas envers Israël le 7 octobre dernier, des actes antisémites se multiplient un peu partout en France.

Dimanche 12 novembre, une marche contre l’antisémitisme défilait à Paris. Plus de 100 000 personnes ont déambulé dans la capitale et des dizaines de milliers d’autres partout en France. Une marche symbolique pour montrer aux Juifs de France qu’ils ne sont pas seuls face à l’antisémitisme qui sévit ces derniers jours, depuis l’attaque du Hamas envers Israël. En 2022, le ministère de l’Intérieur et le SPCJ ont recensé 436 actes antisémites.

L’affaire Dreyfus

En 1894, cette crise politique majeure de la III ème République a divisé la France. Cette affaire est l’une des première à marquer la montée de l’antisémitisme en France. L’affaire Dreyfus implique un officier français de confession juive dans une histoire d’espionnage. Le nationalisme et l’antisémitisme évoluent de manière virulente. En septembre 1894, une lettre est rapportée à la Section de Statistiques par « voie ordinaire » (c’est-à-dire  ramassée dans les corbeilles de l’ambassade d’Allemagne à Paris). Partiellement déchirée, non datée et non signée, elle s’adresse à l’attaché militaire allemand en poste à l’ambassade d’Allemagne, Max von Schwartkoppen. Elle laisse alors entendre qu’un officier français lui livre des renseignements.

Une accusation infondée

Le capitaine Alfred Dreyfus, polytechnicien et artilleur de confession juive, éveille immédiatement les soupçons sur la base d’une ressemblance d’écriture. Il est convoqué sans motif le 15 octobre 1894 au ministère de la Guerre. Il y sera soumis à une dictée. Clamant son innocence, il est incarcéré à la prison du Cherche-Midi à Paris. Le début de l’enfer commence. Si aucune certitudes affirment la culpabilité de Dreyfus, une instruction judiciaire est engagée en novembre 1894, suite aux révélations faites par la presse. En effet, « La Libre Parole« , quotidien antisémite, révèle l’affaire au grand jour et marque le début d’une très violente campagne de presse jusqu’au procès.

Au début du délibéré, le président du Conseil de Guerre, Emilien Maurel, reçoit un pli fermé et scellé en provenance de la Section des Statistiques. Communiqué en toute illégalité, ce « dossier secret » est censé contenir les preuves irréfutables de la culpabilité de Dreyfus. Confortés dans leur conviction, les membres du Conseil de Guerre mettent un terme à tout débat et déclarent l’accusé coupableIls le condamnent à la déportation perpétuelle, à la destitution de son grade et à la dégradation.

Ce n’est que quelques années plus tard que l’on découvre que le commandant Esterhazy est le vrai traître. L’innocence de Dreyfus, désormais reconnue, permet à ce dernier d’être gracié par le président Émile Loubet en 1899. En 1906, on le réhabilite et on le nomme chevalier de la Légion d’honneur. Cette affaire résonna dans toute la France et même les écrivains s’en sont emparés, comme Emile Zola, qui s’est rangé du côté de Dreyfus.

Lettre ouverte « J’accuse » d’Emile Zola publiée le 13 janvier 1898 dans L’Aurore

L’antisémitisme en Europe

L’Europe centrale et orientale est depuis le début du XIXème siècle le théâtre d’émeutes urbaines antisémites. Ces campagnes de violence appelées « pogrom », un mot russe renvoient à une explosion de violence. Deux grandes vagues de pogroms balayent les territoires des actuelles Ukraine et Moldavie à la suite de l’assassinat du tsar en 1881 et autour de la révolution de 1905. Elles progressent jusqu’en Pologne, en Russie et en Biélorussie. Cela touchera la zone de résidence assignée aux cinq millions de Juifs de l’Empire russe.

À partir de 1914, les pogroms ne sont alors plus fait de foules mais de l’armée. Une haine antisémite grandit et les soldats russes multiplient les opérations de déplacements forcés des Juifs, accusés de trahison et d’espionnage. La violence antisémite gagne en ampleur et ces pogroms donnent lieu à des viols, des meurtres et du pillage.

Une nouvelle forme d’antisémitisme

En 1917, les Juifs subissent l’accusation du judéo-bolchévisme. Une nouvelle forme d’antisémitisme qui nourrit des milliers de pogroms, en Ukraine et dans le sud de la Biélorussie. La moitié de la population juive en subit les conséquences. On fait état de 120 000 morts, autant de victimes de viol et un demi-million de réfugiés. Cette persécution est néanmoins d’abord le fait des troupes antibolcheviques blanches, nationalistes ukrainiennes et polonaises, et de leurs soutiens. Il s’agit d’extirper le bolchevisme des territoires et de procéder à un nettoyage ethnique.

Cette violence inouïe se traduit par des départs forcés mais conduit aussi, dans une dizaine de cas, à l’extermination de communautés entières. La victoire du pouvoir soviétique met fin à ce cycle de violences. Porté principalement par ses ennemis et combattu dans ses propres rangs car jugé contre-révolutionnaire, l’antisémitisme est renvoyé au passé et donc considéré comme incompatible avec le nouvel ordre socialiste.

L’internationalisation de la peur de la révolution et du mythe judéo-bolchevique marque une première européanisation du phénomène. Au sortir de la Grande Guerre, l’affirmation de nouvelles autorités sur des territoires devenus indépendants est marquée par la violence antisémite. C’est le cas en Pologne, en Roumanie ou en Hongrie, pays abritant d’importantes minorités juives. De la même façon, la montée de l’antisémitisme et des pouvoirs autoritaires en Europe centrale et orientale s’accompagne de pogroms populaires pendant l’entre-deux-guerres. Petit à petit, cette haine des Juifs s’exporte jusqu’en France.

Le régime de Vichy

Le 16 juin 1940 le gouvernement de Pétain se met en place et met fin à la Troisième République le 10 juillet. Le 11 juillet, il instaure le régime de Vichy, un régime collaborationniste sous le joug du IIIème Reich. Le régime édicte des lois sur le statut des Juifs qui les excluent de la plupart des professions. Mais le pire reste à venir…Pétain et Vichy s’enfonce peu à peu dans la collaboration.

En juillet 1942 a lieu la plus grande arrestation massive de Juifs réalisée en France pendant la Seconde Guerre mondiale. La rafle du stade parisien Vélodrome d’Hiver, aussi appelée « Rafle du Vél’d’Hiv », marquera l’antisémitisme en France à tout jamais. Les gendarmes et policiers français arrêtent plus de 13 000 personnes et les déportent au camp d’extermination d’Auschwitz. Seulement une centaine d’entre eux en reviendront. D’autres rafles ont suivi à l’été 1942 dans toute la France, y compris en zone libre où 10 000 Juifs sont arrêtés au mois d’août. “La France est le seul pays en Europe où des Juifs sont raflés dans des territoires qui ne sont pas occupés », explique Fabrice Grenard, historien et spécialiste de la Seconde Guerre mondiale en France. « Les Français commencent alors à réagir, et développent des filières de sauvetage pour leur faire quitter le pays.”, rappelle-t-il.

1942, Rafle du Vél’d’Hiv au Vélodrome d’Hiver de Paris

Conflit Israélo-palestinien

Il va de soi que l’actualité du conflit Israélo-palestinien alimente l’antisémitisme depuis ces 30 dernières années. Après la seconde guerre mondiale, le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations unies adopte la résolution 181. Elle prévoit un État juif sur 56 % de la terre de Palestine. Puis, un État arabe sur les 44 % restants. Le 14 mai 1948, c’est le jour de la « déclaration d’indépendance » d’Israël. Les forces juives ont déjà expulsé près de quatre cent mille Palestiniens du territoire prévu pour l’État juif. Bilan : quelques 415 villages palestiniens détruits ou qui deviennent des villages israéliens. Pour les Palestiniens, c’est la Nakba, la « catastrophe ».

À l’issue de la guerre de 1967, Israël occupe toute la Palestine. Yasser Arafat devient en 1969 le président de l’Organisation de libération de la Palestine, créée en 1964. La résistance va alors peu à peu s’engager dans la voie de la revendication d’un Etat palestinien indépendant, à côté d’Israël. Avec la première Intifada (1987-1993), la résistance palestinienne se recentre sur le territoire occupé.

Une reconnaissance…et des conflits

La première négociation israélo-arabe (entamée en 1991 à Madrid) et israélo-palestinienne permet une reconnaissance réciproque, mais dissymétrique, entre l’Etat d’Israël et l’OLP. L’échec de la négociation de Camp David (juillet 2000), de même que le doublement du nombre de colons durant la négociation, aboutissent à la Seconde Intifada (2000). Se succèdent alors plusieurs offensives israéliennes, la construction d’un mur d’annexion, la victoire électorale du Hamas aux élections législatives de 2006, puis l’offensive israélienne de la bande de Gaza durant l’hiver 2008-2009, territoire toujours assiégé depuis.

Mais depuis la création d’Israël, l’antisémitisme monte en puissance à cause des nombreux conflits auxquels le pays doit faire face. Depuis l‘attaque du Hamas sur Israël le 7 octobre, on recense 819 actes antisémites en France, a annoncé ce lundi 30 octobre sur RMC et BFMTV le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. 

L’antisémitisme d’aujourd’hui

De nos jours, l’antisémitisme a malheureusement resurgit. La France a connu des événements antisémites tragiques qui resteront à jamais gravés dans la mémoire des français. Faisons un petit saut dans le temps.

-2006 : l’affaire du « gang des barbares »

L’histoire d’Ilan Halimi, un juif de 23 ans a suscité une vive émotion en France. Appâté par une jeune fille sur son lieu de travail à Paris, le jeune homme est enlevé le 21 janvier 2006 par l’autoproclamé « gang des barbares ». Une bande d’une vingtaine de personnes originaires de Bagneux, dirigée par un dénommé Youssouf Fofana. Ils espérait obtenir une grosse rançon en échange de la libération d’Ilan Halimi. Le jeune homme est séquestré et torturé pendant trois semaines dans un immeuble de la cité de la Pierre-Plate, à Bagneux. Il subit de nombreuses violences. Le 13 février 2006, on le retrouve nu et menotté, agonisant, au bord d’une voie ferrée à Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l’Essonne. Il meurt au cours de son transfert à l’hôpital. L’autopsie conclue à un décès provoqué par les multiples supplices qu’il a subi pendant sa séquestration : brûlures, blessures à l’arme blanche, hématomes et contusions. 

Photo d’Ilan Halimi tenue par Jean-Claude Marin, à l’époque Procureur de la République à Paris

-2012 : Tuerie à Toulouse

En mars 2012, le terroriste islamiste Mohamed Merah est l’auteur de tueries à Toulouse et Montauban. Il commet un premier assassinat le 11 mars 2012, à Toulouse. Sur un scooter, il abat un soldat du 1er Régiment du train parachutiste de Francazal, le maréchal des logis chef Imad Ibn Ziaten. Puis, le 15 mars suivant, selon le même mode opératoire, il ouvre le feu sur trois militaires devant la caserne du 17e Régiment du génie parachutiste à Montauban. Deux meurt sur le coup, le caporal Abel Chennouf et le soldat de 1ère classe Mohamed Farah Chamse-Dine Legouad. Le troisième, Loïc Liber, s’en sort mais avec des blessures importantes. Le 19 mars, il récidive devant l’établissement scolaire de confession juive Ozar Hatorah, à Toulouse. Selon le même mode opératoire, il tue quatre personnes. Jonathan Sandler, un enseignant, ses deux fils, ainsi qu’une petite fille. Le RAID l’abat finalement.

-2015 : La prise d’otage au magasin Hyper Cacher

Le 7 janvier 2015, un attentat vise le siège de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, à Paris. Deux terroristes islamistes se revendiquant d’Al-Qaïda du Yémen, Chérif et Saïd Kouachi, assassinent douze personnes dont plusieurs dessinateurs. Le lendemain de cette tuerie, une policière municipale, Clarissa Jean-Philippe, meurt à Montrouge. L’auteur de sa mort est Amedy Coulibaly. Un délinquant multirécidiviste converti à l’islam radical, proche des frères Kouachi

S’enchaîne ensuite le 9 janvier 2015, une prise d’otage, dirigée par Amedy Coulibaly, dans un magasin Hyper Cacher, situé avenue de la porte de Vincennes, à Paris. Lourdement armé, le terroriste islamiste pénètre vers 13 heures dans ce supermarché cacher. Il tue quatre personnes, toutes de confession juive, et en prend dix-sept autres en otages. La prise d’otages dure plus de quatre heures. Amedy Coulibaly demande la libération des frères Kouachi assiégés au même moment par le GIGN dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële dans laquelle ils se sont retranchés. Il menace ainsi de tuer tous les otages si l’assaut est donné contre les frères Kouachi. Vers 17h15, peu après qu’à Dammartin-en-Goële ces derniers soient sortis de leur position retranchée et se soient fait tuer par le GIGN, l’assaut est donné contre Amedy Coulibaly par le RAID et la BRI. Le terroriste est abattu sans qu’aucun otage supplémentaire n’ait été tué.

Intervention du RAID le 9 janvier 2015 à l’hyper cacher de l’avenue de la Porte de Vincennes

À lire aussi : 5 éléments pour comprendre… les attentats du 13 novembre 2015

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