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On débriefe pour vous … Cristóbal Balenciaga, série confectionnée sur mesure

Moins classique qu’il n’y paraît, la série consacrée à Cristóbal Balenciaga approche avec subtilité cet homme énigmatique, légende de la haute couture. 

C’est quoi, Cristóbal Balenciaga ? En 1971, lors des obsèques de Coco Chanel, le couturier Cristóbal Balenciaga (Alberto San Juan) désormais retiré du monde de la mode, rencontre la journaliste Prudence Glynn (Gemma Whelan). Lui qui a toujours été avare en interview accepte pourtant de lui raconter l’histoire de sa vie. Plus précisément à partir de ses débuts difficiles à Paris en 1937 jusqu’à la fermeture de sa maison de couture en 1968.

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Série espagnole disponible sur Disney+ depuis janvier,  Cristóbal Balenciaga retrace la vie du célèbre couturier, en s’attachant plus précisément à une période de sa carrière s’étendant de son premier défilé à Paris dans les années 1930 jusqu’à sa mise en retrait à la fin des années 1960. A y regarder de plus près, elle est cependant moins classique qu’il n’y paraît, en raison de l’approche qu’elle adopte.

Réalisation soignée et esprit haute couture

Sur la forme, Cristóbal Balenciaga a l’élégance et la finesse des modèles de son héros. Comme Balenciaga, on élimine les coutures inutiles. La série opte pour la suggestion subtile, pour résumer parfois une façon de penser en une phrase (lorsque Balenciaga explique qu’il « n’a jamais rien créé pour les femmes qui doivent lever les bras » autrement dit, pour les femmes qui travaillent.) ; une relation se dessine en une image (lorsque Givenchy apparaît, c’est à travers son reflet dans le miroir auquel Balenciaga tourne le dos). La reconstitution des différentes époques est excellente, et les costumes ont évidemment un rôle prépondérant. A ce titre, les défilés sont somptueux, servis par une mise en scène esthétique et soignée mais aussi par le travail remarquable de la costumière Bina Daigeler (qui a bénéficié de l’aide des maisons Chanel, Dior et bien entendu Balenciaga)

La construction narrative, elle, est très familière : au soir de sa vie, le personnage principal se confie et raconte les événements qui ont jalonné sa carrière, le récit se déroulant alors essentiellement comme un long flash-back. La solution de facilité, qui aurait rendu la série plus accessible et plus évidente, aurait été d’opter pour la biographie typique sans changer une seule virgule à la page Wikipédia consacrée à Balenciaga. Au lieu de quoi la créatrice de la série Lourdes Iglesias a choisi une autre voie, moins conventionnelle. Cristóbal Balenciaga  n’est pas une histoire de dépassement ou de construction de soi, comme bien des récits biographiques.  

Une série biographique plus dans le cérébral que dans l’affect

Quand commence l’histoire, Balenciaga (excellent Alberto San Juan) vit déjà à Paris et il est une figure prestigieuse de la haute couture. On ne nous raconte pas les origines du couturier, ni ses débuts ou son ascension dans le monde de la mode, ni les épreuves que ce fils de pêcheur a dû surmonter. Il n’y a qu’un flash-back de quelques secondes sur son enfance – qui se répète deux ou trois fois. Un choix qui écarte la possibilité pour le spectateur d’établir une connexion primaire avec le personnage, de se familiariser avec lui et de le comprendre facilement. 

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Une série aussi élégante et soignée que les modèles du couturier

La série fait appel à un autre type de relation avec le spectateur, plus cérébrale.  Il n’y a pas de cliffhanger ni de vrai rebondissement, les épisodes jouent rarement sur l’émotion et jamais sur le pathos, Moins que la vie de Balenciaga, on découvre d’autres thèmes, d’autres ressorts peut-être plus passionnants encore. A commencer par le processus créatif de notre héros, à la fois étouffé et stimulé par son désir d’atteindre la perfection, de ne rien déléguer, de transcender les événements de sa vie (le doute, le deuil, la trahison) pour donner forme à quelque chose à partir du néant. 

Du sur mesure pour Balenciaga

Au fil des épisodes surgissent plusieurs problématiques qui ont ponctué la carrière de Balenciaga, l’accent étant moins mis sur la vie de l’homme que sur la force créatrice qu’il a dû développer dans un contexte politique, social ou personnel. Ses débuts à Paris alors que son style ne correspond pas aux standards de la mode parisienne,  les soupçons de collaboration avec l’occupant allemand, son homosexualité, son perfectionnisme parfois tyrannique envers ses couturières, les tensions avec ses partenaires financiers les Bizkarrondos, la rivalité avec Christian Dior, les relations avec son amant Wladzio (Thomas Coumans), l’admiration du jeune Hubert de Givenchy (Adrien DeWitte), les événements de Mai 68, la consécration, la rupture avec Coco Chanel (Anouk Grimberg) jusqu’à  la fermeture de sa Maison. 

Un Cristóbal Balenciaga secret et insaisissable

Pour Iglesias, l’histoire de Balenciaga est visiblement celle d’un homme obsédé par le besoin de tout maîtriser.  Son image, le processus créatif, ses créations même une fois vendues. Une bataille qu’il a finalement perdue avec l’avènement du prêt-à-porter, lorsque la démocratisation de la mode, la production de masse et la standardisation des tailles ont signé l’impossibilité de ce contrôle absolu.  

Si elle peut être jugée aride en raison de l’absence (relative) d’affect, l’approche est cohérente avec la personnalité même de Cristóbal Balenciaga. Il existe très peu de photos de lui, il n’a pratiquement jamais donné d’interviews, il fuyait les mondanités et ne se montrait  pas à la fin des défilés. Et il faut bien avouer qu’il n’est pas particulièrement sympathique : sa peur irrationnelle d’être au centre de l’attention et son obsession maladive du contrôle en font un personnage qui peut paraître froid, distant et insaisissable. Et plus que de raconter sa vie, c’est ce mystère (ou une partie de celui-ci) que tente de percer la mini-série qui lui est consacrée. 

Homme secret et discret, Balenciaga était un cérébral, peu sentimental et nullement emphatique. De sorte que, avec ses images élégantes et précises, son récit subtil par petites touches, la série éponyme ne fait que refléter la personne qu’elle représente. Quand la forme rejoint le fond, que l’esthétique sert le propos et réciproquement, que les fils disparaissent derrière la création, c’est de la haute couture. 

Cristóbal Balenciaga
6 épisodes de 50′ environ.
Disponible sur Disney+.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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