En avril dernier est sortie une version DVD collector du film Requiem for a dream, l’occasion pour nous, de nous pencher sur cette oeuvre et comprendre pourquoi elle a tant marqué les esprits.
Sorti il y a plus de 25 ans, Requiem for a Dream a tant marqué les esprits que l’on continue d’en parler aujourd’hui et est reconnu comme un chef-d’œuvre du cinéma. Réalisé par Darren Aronofsky, il met en scène la descente aux enfers de 4 personnages : Harry, Marion, Tyrone et Sara, en proie à une addiction à la drogue et comment ils la vivent sensoriellement, cognitivement et émotionnellement.
Une expérience sensorielle immersive
Véritable descente aux enfers, Requiem for a dream a décidé de nous faire vivre directement l’horreur comme si nous étions nous-mêmes les protagonistes. Ce qui concrètement s’est traduit de différentes manières :
Tout d’abord par la colorimétrie, en effet elle n’a de cesse de changer selon l’état du personnage à l’écran, tantôt grisâtre quand on est avec la mère de Harry, tantôt saturée de couleurs vives lors des trips du jeune couple Harry-Marion. On vit l’expérience à travers leurs sensations à eux, on voit le monde depuis leur point de vue ce qui nous permet, par exemple, de mieux percevoir en quoi la drogue les aide. Ils passent d’un environnement terne et morose, à un endroit féérique teinté de plein de couleurs vives.
Puis, par un aspect sensoriel lui aussi avec la manière dont sont traités les sons et la caméra : hallucinations auditives, déformation des voix, hyperfixation sur certains sons. Enfin, par la manière dont est tourné et monté le film, avec des plans rapprochés en contre-plongée déformant les visages, un montage avec des cuts rapides, une déformation de l’image. Tout ceci vient ajouter au côté malsain de l’expérience que l’on voit, ou plutôt que l’on vit et contribue à l’expérience dérangeante.

Sara Goldfarb, aux urgences, en plein bad trip
En somme, tout est là pour tenter de retranscrire ce que vit une personne pendant un trip, un bad trip ou bien un manque. On perd avec elle nos repères, notre ancre à la réalité et c’est là la pertinence de ce film, c’est de ne pas s’arrêter à ce qu’on voit en tant que spectateur externe, c’est de faire le travail de nous mettre à leur place.
Plusieurs anciens addicts diront du film qu’il retranscrit à leurs yeux très bien ce que l’on vit quand on développe une addiction et une dépendance pour une drogue, que ce soit d’un point de vue sensoriel, cognitif mais aussi émotionnel, avec toute la détresse et la douleur induite.
Des acteurs convaincants et un appel à l’empathie
Par leur performance, les acteurs viennent sublimer la réalisation et la rendre d’autant plus efficace puisqu’on se trouve alors face à des scènes où il est difficile de ne pas pouvoir s’identifier un minimum au personnage ou avoir de l’empathie tant leur souffrance est visible et leur déni flagrant. La performance la plus saluée reste à juste titre celle d’Ellen Burstyn qui joue la mère Sara Goldfarb. Elle transmet tout ce brouillard interne dans lequel le personnage est pris, et ce sans même avoir à parler. On comprend alors toute la dimension cognitive d’une addiction et à quel point il est difficile et douloureux de vivre avec et d’essayer d’en sortir.

Marion en manque d’héroïne
Requiem for a dream nous invite à ne pas mettre les gens dans des cases pour ne plus se soucier d’avoir de l’empathie pour eux, à ne plus s’arrêter aux préjugés et ce, en nous faisant vivre leur réalité. Toute la réalisation, le jeu d’acteur, mais aussi les musiques enlèvent cette distance que l’on pourrait vouloir mettre avec les addicts à la drogue, on nous incite à comprendre pourquoi et comment ces gens en sont arrivés là, et ce via des émotions universelles que tout le monde peut comprendre.
Ce film est un chef-d’œuvre, mais il reste très douloureux, car c’est une histoire de détresse humaine extrêmement aiguë et qui par sa réalisation, force l’humilité et l’empathie.
Une bande son dramatique et mélancolique
Comment parler de Requiem for a Dream sans mentionner ses musiques. La bande originale a été composée par Clint Mansell et est découpée en trois sections qui donnent le ton : Tout d’abord, les pistes 1 à 15 font partie de la première section appelée « Été », la seconde comprend les pistes 16 à 24 et s’appelle « Automne », et la dernière, « Hiver » les musiques 25 à 33. La musique la plus connue « Lux Aeternae » n’apparaît qu’au dernier quart du film, au moment où les quatre personnages principaux vivent simultanément leur descente aux enfers. Ce thème vient alors accompagner la situation dramatique, accentuant la perte de contrôle et la fatalité de la situation.
