Traité transatlantique ? Qu’est-ce donc que ce jargon long comme le bras ? Il est vrai que beaucoup de citoyens n’en ont jamais entendu parlé. Très peu l’ont juste lu en passant. Le traité transatlantique est pourtant un accord de libre-échange fondamental négocié depuis juillet 2013 par les États-unis et l’Union européenne visant à créer le plus grand marché du monde, avec plus de 800 millions de consommateurs potentiels. En apparence, un joli progrès pour la coopération mondiale et un moteur de croissance indispensable. En s’y penchant de plus près, un abandon surréaliste de souveraineté pour les états au profit des multinationales. Fouillons un peu dans le détail des négociations.
Une inquiétante opacité
A la table des négociations, on trouve : pour l’Europe, des membres de la Commission européenne ; pour les États-unis, des fonctionnaires du ministère du commerce. Chacun fait face aux importantes pressions de lobbys défendant, pour la majorité, les intérêts du secteur privé. A t-on le droit d’être surpris qu’un traité aux enjeux si importants se déroule dans un huis-clos obscur où des acteurs non-élus – technocrates fantomatiques et lobbiystes véreux – se chargent d’établir la discussion comme bon leur semble ? A t-on le le droit d’être surpris qu’aucune consultation publique digne de ce nom ne soit organisée ? Surpris, oui. Inquiets, encore plus. Un traité historique qui touchera directement nos vies quotidiennes se prépare dans notre dos. Et croyez-le, impossible de se retourner.
Ma petite entreprise ne connait pas la crise
Point majeur du traité : les futures dispositions accordent des nouveaux pouvoirs inimaginables aux multinationales et aux investisseurs mondiaux. Sûrement en récompense de la crise économique qu’ils ont générée. Le mandat de l’Union européenne stipule ainsi que l’objectif est de « fournir le plus haut niveau possible de protection juridique et de garantie pour les investisseurs européens aux États-unis » (et réciproquement). Traduction : donner la possibilités aux multinationales privées d’attaquer les législations quand elles considèrent que celles-ci représentent des obstacles à la concurrence ou à l’investissement.
Des entreprises qui attaquent les états en justice ? Élucubration fantaisiste ? Pas le moins du monde. Les pays signataires se verront contraints de soumettre leurs lois et leur réglementation aux mesures du traité. Et inutile de préciser que ça veillera au grain. Au cas ou un état aurait l’audace de se préserver une petite part de souveraineté, il s’exposerait à une assignation par une entreprise devant l’un des tribunaux spécialement créés (et complètement indépendants, on nous l’assure à tout bout de champ, n’essayons pas d’en douter), tribunaux qui pourraient lui infliger des sanctions commerciales. Ça ne plaisante pas. Que les états soient sages, sinon on tape sur les doigts. Après tout, le profit est roi.
Procès contre hausse du salaire minimum
Dans un tel système, les entreprises seront donc en mesure de s’opposer aux politiques étatiques environnementales, sociales et de santé. Tout récemment, en Egypte, par exemple, on a pu voir des grandes entreprises européennes s’attaquer à la hausse du salaire minimum décidée par l’état – qui, tout le monde le sait, est déjà honteusement élevé au pays des pharaons. Dans un contexte de crise agonisante, les maîtres économiques de la planète sont prêts à tout pour rétablir la croissance. Les citoyens doivent être eux aussi prêts à tout pour faire entendre leur voix.
Antoine Morange