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C’était en 1994 … le génocide au Rwanda

Ce dimanche 7 avril, le Rwanda a lancé les commémorations des 30 ans du génocide des Tutsis. Un génocide qui a fait au moins 800 000 morts qui reste gravé dans les mémoires.

Ce fut le dernier du XXe siècle, le génocide des Tutsis au Rwanda a trente ans. Le président du pays, Paul Kagame a allumé la flamme du souvenir, au mémorial de Guisozi, au matin de ce dimanche 7 avril, pour lancer les commémorations avant la cérémonie officielle. La cérémonie s’est déroulée dans le stade de BK Arena en présence de milliers de personnes dont de nombreuses personnalités internationales

Cinq mille invités dont plus d’une trentaine de chefs d’État, de gouvernement, d’anciens présidents ou encore de représentants d’organisations internationales étaient réunis autour d’une scène avec au milieu grand arbre de lumière, en référence aux victimes du génocide. Discours, performances artistiques et prises de paroles se sont succédées.

Des ethnies différentes

Plusieurs ethnies composent le Rwanda : les Hutus, les Tutsi et les Twas. Ils parlent la même langue et ont la même religion. Mais selon deux versions différentes, des détails les différencieraient.

Selon certains historiens, les Hutus viendraient du Sud et de l’Ouest de l’Afrique. Les Tutsis, eux, seraient originaires de la vallée du Nil. Mais selon une seconde version, la différence entre ces trois ethnies serait leur activité professionnelle. Les Hutus étaient des agriculteurs, les Tutsis des éleveurs de bétails et les Twas des artisans. Il n’y avait aucune restrictions quant au mariage ou par rapport à la possibilité de changer d’ethnie. Un Hutu qui acquérait des vaches pouvait donc devenir Tutsi, et inversement. Il était également possible de se marier avec quelqu’un d’une autre ethnie.

L’arrivée des colons a tout chamboulé. L’ethnie devait figurer sur la carte d’identité, il n’était donc plus possible de changer. Une discrimination s’est petit à petit installée. La Belgique a largement participé à pousser la discrimination au plus haut en discernant les physiques. Ils affirmaient que les Hutus étaient plus petits et forts alors que les Tutsis étaient plus grand et minces.

Colonisation et tensions

Dernier génocide du XXe siècle, le génocide rwandais s’est déroulé du 6 avril au 4 juillet 1994. En seulement 100 jours, environ 800 000 personnes, principalement de la tribu Tutsi, ont été massacrées. Un acte barbare qui puise ses raisons à l’époque de la colonisation du pays.

Le Rwanda fut d’abord colonisé par l’Allemagne, puis par la Belgique, dès le début du XXe siècle. Les colons décident de hiérarchiser les différentes ethnies du pays. Les Tutsis, ethnie minoritaire, sont dit supérieurs aux deux autres, les Hutus et les Twas. Les Tutsis ont accès à l’éducation et aux postes à responsabilité. En 1931, la Belgique décide d’intensifier la discrimination raciale, décidant que l’ethnie devrait figurer sur les papiers d’identité. Rapidement, la haine entre ethnies grandie.

Dès 1959, des conflits éclatent entre Hutus et Tutsis. L’indépendance du Rwanda en 1962 fera prendre un nouveau tournant à l’histoire du pays. Les Hutus, ethnie majoritaire, prennent le pouvoir, et commencent à vouloir se venger. La situation s’inverse, les Tutsis, qui jusque-là constituaient l’élite, n’ont plus accès à rien. Les tensions ne font que s’amplifier au fil des ans. Des milliers de Tutsis sont régulièrement massacrés, et nombreux sont ceux à fuir le pays.

Une guerre civile débute en 1990. Mais le tournant intervient le 6 avril 1994 lorsqu’un avion fourni par la France est visé par un attentat. Les passagers, le président rwandais, Juvénal Habyarimana et son homologue burundais, Cyprien Ntaryamira, perdent la vie dans l’attaque.

Débris de l’avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana et son homologue Cyprien Ntaryamira, visé par un missile le 6 avril 1994.

Les rebelles Tutsis du FPR (Front Patriotique Rwandais) sont mis en cause par cet attentat. Quelques heures après, les milices Hutus se mettent à abattre tout individu identifié comme Tutsi, ainsi que les Hutus soutenant les Tutsis. Le génocide ne fait que commencer.

L’implication de la population civile dans le génocide au Rwanda

Le Rwanda se transforme en véritable piège pour les Tutsis. Dès le 7 avril 1994, des barrières sont montées à tous des carrefours stratégiques, à Kigali la capitale. Cette mesure s’étend ensuite sur l’ensemble du pays. Toute personne portant la mention « tutsi » sur sa carte d’identité est abattue sur place.
Si certains civils protègent les Tutsis, d’autres les dénoncent. Regroupés en petites formations, appelées ibitero, les meurtriers comptent aussi bien des jeunes hommes que des femmes et même des d’enfants.

Absence de la communauté internationale

À partir de juin 1992 des négociations de paix entre les exilés du FPR et le gouvernement rwandais pour mettre un terme à la guerre civile mènent à une suite d’accords signés de juillet 1992 à août 1993, les Accords d’Arusha. Ces accords débutèrent par un cessez-le-feu, puis une série de dispositions politiques et militaires pour intégrer dans la société rwandaise les exilés de la diaspora rwandaise. À la fin de l’année 1993, l’ONU met en place une mission d’assistance au maintien de la paix, appelée la MINUAR (Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda) afin de veiller à l’application de ces accords.

La situation ne s’améliore pourtant pas. Les étapes politiques prévues par les accords d’Arusha prennent du retard et l’attentat politique du 6 avril 1994 vient bouleverser le projet de bonne entente entre le peuple rwandais et met fin à ces accords de paix. La MINUAR envoya rapport sur rapport pour demander l’autorisation de procéder des dispositions préventives et des équipements efficaces. Dans un climat tendu, dix casques bleus belges de la MINUAR se font tuer par la garde présidentielle rwandaise dès le 7 avril 1994. Les « résolutions » prises par le Conseil de sécurité de l’ONU du 21 avril 1994 au 22 juin 1994 montrent une controverse et donnent lieu à ce que des rescapés du génocide, et de nombreux commentateurs, appellent « l’abandon (ou la lâcheté) de la communauté internationale ».

« La communauté internationale nous a laissé tomber, que ce soit par mépris ou par lâcheté », n’a pas manqué de rappeler Paul Kagame, ce dimanche. La non-assistance aux personnes en danger malgré le début des massacres ou la réduction des effectifs de la MINUAR à un chiffre symbolique, a diminué la confiance dans les forces de la communauté internationale.

Les responsabilités de la France dans le génocide rwandais

Dès le début du génocide, la France évacue ses ressortissants. Dans un rapport de 2021, la commission d’historiens dirigée par Vincent Duclert pointe du doigt « un ensemble de responsabilités lourdes et accablantes » de Paris dans la tragédie rwandaise tout en relevant l’absence de complicité du génocide. Le rapport mentionne cependant la proximité entre François Mitterrand et les extrémistes Hutus au pouvoir.

François Mitterand et Juvénal Habyarimana à Kigali au Rwanda en 1994.

En 1990, la France s’engage militairement avec l’opération militaire Noroît, censée protéger les expatriés étrangers, mais qui constitue aussi une présence « dissuasive » pour protéger le régime en place contre l’offensive rebelle.

La France mène ensuite l’opération militaro-humanitaire Turquoise le 22 juin 1994. Soutenue par le Conseil de sécurité de l’ONU, cette opération mobilise 2 500 soldats français et crée une « zone humanitaire sûre » (ZHS) dans le sud-ouest du Rwanda, freinant la progression du FPR vers le pouvoir. Le FPR accuse alors Paris d’avoir cherché, comme en 1990, à sauver le régime et les auteurs du génocide. Le Rwanda reproche à la France d’avoir, lors de cette opération, abandonné des centaines de Tutsi aux mains des génocidaires. Mais aussi d’avoir décidé de ne pas arrêter les autorités rwandaises responsables du génocide présentes dans la ZHS.

Le rapport de 2021 pointe ainsi l’aveuglement de François Mitterrand et de l’État-major français face au génocide en cours. Pour la commission d’historiens, si le pouvoir français n’a pas cherché à aider à un génocide des Tutsi, il a apporté un soutien politique et militaire au régime rwandais qu’il jugeait légitime, à l’origine de ce génocide.

Le 27 mai 2021, Emmanuel Macron avait reconnu lors d’un discours à Kigali « les responsabilités de la France dans les massacres ». Il a d’ailleurs confirmé ses propos de l’année 2021 dans une vidéo publiée le 7 avril.

Le 4 juillet 1994, la victoire militaire du Front Patriotique Rwandais, créé par les Tutsi en 1987, marque la fin des massacres, et le début d’une reconstruction civile et morale qui passe par le jugement des responsables du génocide, et non des seuls exécutants.

À lire aussi : C’était en 2018 … le début du mouvement des gilets jaunes

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