C’était il y a 10 ans : un geek du nom de Chuck devenait, du jour au lendemain, un espion de la CIA. Série sans prétention, Chuck a pourtant réuni des fans fidèles et acharnés.
C’est quoi, Chuck ? Chuck Bartovwski (Zachary Levy), c’est un type lambda, un geek célibataire un peu loser. Modeste employé d’un magasin d’électroménager, il vit avec sa sœur et le fiancé de celle-ci, traîne avec son collègue et meilleur ami Morgan (Joshua Gomez) et ne semble avoir aucune ambition ni projet d’avenir. Tout change lorsqu’il reçoit un mystérieux e-mail, contenant un programme informatique appelé l’Intersecret… Lorsqu’il ouvre le message, le programme se télécharge dans le cerveau de Chuck, et il devient un super-espion. Désormais, lors de « flashes », il a accès à des données confidentielles et acquiert des compétences hors-normes en arts martiaux, craquage de codes secrets, etc. Deux agents sont envoyés pour le former et veiller sur lui : le colonel Casey (Adam Baldwin) de la NSA, et la belle espionne Sarah (Yvonne Strahovski). En se servant du magasin comme couverture, le trio va mener de dangereuses missions d’espionnage – au grand dam de Chuck, qui n’avait rien demandé…
Jeune producteur, Josh Schwartz s’est fait connaître avec des comédies comme The O.C. et Gossip Girl, mais il souhaite s’en éloigner et faire quelque chose de différent.Avec son ami Chris Fedak, il imagine alors le scénario de Chuck, qui intéresse immédiatement NBC. Le pilote est diffusé le 24 septembre 2007, et la série séduit d’emblée un petit groupe de fans, réduit mais fidèle, enthousiasmé par le mélange d’action et de comédie. Malgré tout, Chuck ne réalisera jamais des cartons d’audience et verra régulièrement son avenir remis en question… (Nous y reviendrons)
Le point de départ de la série est un grand classique : un type normal se retrouve catapulté dans la peau d’un héros, contre son gré et alors que rien ne l’y avait préparé. Ici, c’est Chuck, un modeste réparateur en informatique qui végète dans le magasin Buy More après avoir été expulsé de la prestigieuse Université de Stanford. Sans perspectives d’avenir ni grandes ambitions, il se retrouve infecté par un programme informatique (l’Intersercret) qui lui donne accès à des informations top secrètes et de nouvelles compétences physiques et intellectuelles. L’incident retient l’attention de plusieurs agences, désireuses de mettre à profit l’Intersecret et qui envoient auprès de Chuck le colonel Casey, un militaire de la NSA intransigeant et ombrageux, et Sarah, espionne de la CIA. En guise de couverture, le premier se fait engager comme employé chez Buy More, et la seconde joue le rôle de la petite amie de Chuck. A charge pour eux de protéger et former l’espion-amateur, tout en menant des missions à haut risque.
Chaque épisode se centre sur une de ces missions – infiltration, récupération d’informations, neutralisation d’un ennemi, exfiltration d’un agent… – menée à bien grâce aux nouvelles aptitudes de Chuck et l’expérience des deux agents. La série reprend tous les codes des films et séries d’espionnage, jusqu’à la caricature : scènes d’action, bagarres et gadgets improbables servent à contrecarrer les espions russes, les caudillos sud-américains, les ninjas et les agents doubles passés à l’ennemi. Au départ, Chuck se contente de boucler une intrigue par épisode, sans répercussion sur la suite ; progressivement, une trame feuilletonnante se met en place. L’Intersecret est convoité par une organisation secrète dissidente, le Fulcrom (dont le leader est incarné par un ancien James Bond, Timothy Dalton), et on finira par découvrir que Chuck n’a pas reçu le programme par hasard, mais pour une raison précise, liée à son passé familial et aux activités d’espions de ses parents (Scott Bakula et Linda Hamilton). Cet arrière-plan va prendre de plus en plus d’importance au fil des saisons, jusqu’à devenir le centre de l’intrigue.
En parallèle, on suit l’évolution des rapports entre Chuck et les autres personnages.Ses relations sont particulièrement tendues avec le colonel Casey, le militaire borné et intransigeant vivant très mal sa mission, considérant que jouer les baby-sitter pour un nerd ahuri est largement en-deçà de ses compétences ; mais l’hostilité entre les deux hommes va progressivement se transformer en respect mutuel, voire en amitié. Quant à Sarah, Chuck en tombe immédiatement amoureux. Et qui pourrait l’en blâmer ? Blonde sculpturale, Mata-Hari mâtinée de James Bond Girl, Sarah est un pur fantasme masculin. Chuck a bien conscience qu’un petit informaticien naïf comme lui a peu de chance de séduire une telle beauté, mais Sarah n’est pourtant pas insensible à la candeur et l’idéalisme de l’apprenti-espion… Leur relation amoureuse, sans cesse remise en question, est un des fils rouges de la série– Zachary Levy et Yvonne Strahovsky sont d’ailleurs excellents, aussi bien dans la comédie que dans l’action ou le drame sentimental.
Chuck est une série plus violente que ce qu’on l’on pourrait croire : elle comporte son lot de bagarres, de morts, d’assassinats… Mais cet aspect passe inaperçu, grâce au contre-point comique qui sous-tend chaque épisode. D’une part, Chuck doit cacher sa double vie à son entourage – à savoir à sa sœur et son beau-frère, et à son meilleur ami Morgan – et il s’enferre dans le mensonge en évoquant des prétextes et des justifications pour expliquer les situations invraisemblables dans lesquelles il est embarqué. Engendrant une cascade de quiproquos et des malentendus, le subterfuge tient le public en haleine et fonctionne pendant plusieurs saisons – jusqu’au moment où Chuck est inévitablement démasqué, et doit confesser sa double-identité.
L’humour de la série repose aussi sur un duo de personnages particulièrement excentriques : les collègues de Chuck, Jeff et Lester (Vik Sahay et Scott Krinsky), des crétins irrécupérables. On frôle la grosse comédie gaguesque, les idées délirantes de cette paire de clowns provoquant des catastrophes en chaîne. Cette oscillation perpétuelle entre drama, action et comédie donne à la série un ton invraisemblable, mais aussi la légèreté qui fait son charme. La scène suivante donne un bon aperçu de cette dynamique.
Chuck conserve cet équilibre pendant les trois premières saisons ; les deux dernières sont toutefois moins réussies, justement parce qu’elles se radicalisent dans les deux registres, en négligeant de les entremêler. Avec un Chuck désormais espion à part entière, la série se centre sur le drama sentimental et sur l’intrigue d’espionnage. Les multiples rebondissements (notamment avec un Intersecret, qui passe d’un personnage à un autre) sont assez lourds et les délires de Jeff et Lester apparaissent comme de plus en plus grotesques et ridicules, sans cohérence avec le reste.
Malgré cette baisse indéniable de qualité, Chuck n’a jamais perdu un élément essentiel de son identité : un second degré rafraîchissant, bourrés de références à la culture pop et de clins d’œil au public. Les allusions fourmillent, de la saga Star Wars aux comics, des polars des années 40 aux films de kung-fu, en passant par Indiana Jones, TRON, Bladerunner, Full Metal Jacket, Retour vers le futur, True Lies, Piège de Cristal, ou des séries comme Star Trek, l’Homme de Fer, La Croisière s’amuse ou Chips… Et on ne parle même pas des références, inévitables, aux films et séries d’espionnage, avec entre autres James Bond (of course!), les chefs-d’œuvre Hitchcock, Des agents très spéciaux ou encore Max La Menace (deux séries dont, du reste, Chuck se rapproche beaucoup…)
Même chose avec les innombrables guests dont la présence à l’écran, même anecdotique, a de quoi réjouir les spectateurs On a déjà cité Scott Bakula, Timothy Dalton et Linda Hamilton ; pour le plaisir, poursuivons le name-dropping avec Mark Hammill (Luke Skywalker, quand même !), Robert Patrick (Terminator), Stan Lee, Richard Chamberlain, Dolph Lundgren, Dominic Monaghan (le Charlie de Lost, dans un rôle de rock star), Christopher Lloyd (Twin Peaks), Bo Derek (inoubliable James Bond Girl)… Autant d’acteurs que l’on retrouve dans des rôles qui sont souvent prétextes à de nouvelles références aux personnages ou films qui les ont rendus célèbres.
Chuck ne s’est jamais distinguée par des audiences exceptionnelles et elle était perpétuellement menacée d’annulation. C’était compter sans la mobilisation des fans, particulièrement inventifs pour sauver in-extremis leur série fétiche. À la fin de la deuxième saison, par exemple, ils ont montré leur soutien en achetant en masse les produits de la chaîne Subway, qui sponsorisait la série, et les acteurs ont rejoint le mouvement, Zachary Levy distribuant des sandwiches dans le métro. NBC finit par renouveler Chuck – sans doute moins convaincue par l’acharnement des fans que par la décision de Subway, qui investit directement dans la série en échange d’un placement produit… En ce sens, Chuck est un modèle du genre : malgré un nombre réduit de spectateurs, elle pouvait compter sur leur fidélité et leur investissement sans faille. Malgré tout, NBC met un terme à la série à la fin de la cinquième saison ; diffusé en janvier 2012, un double épisode conclut l’histoire, avec un dénouement délirant qui renoue avec l’esprit des premières saisons et qui satisfait les fans.
En 2007 sont apparues Damages et Mad Men, deux séries de prestige qui ont marqué leur époque – par leur succès, leur audace narrative et / ou leur impact sur la culture populaire. Mais 2007, c’est aussi l’année de lancement de Chuck… Comparée aux deux autres, elle ne joue pas dans la même catégorie :avec la meilleure volonté du monde, on ne saurait la qualifier de chef-d’œuvre ou de série majeure. Série modeste, combinant scènes d’action typiques des séries d’espionnage et comédie légère bourrées de références à la culture populaire, Chuck a pourtant conquis des fans fidèles et acharnés. Chuck ne marquera pas l’Histoire de la télévision ; elle reste pourtant divertissante et sympathique à regarder. En attendant un film hypothétique, de plus en plus souvent évoqué par Zachary Levy…
Chuck (NBC)
5 saisons de 91 épisodes.
Disponible en DVD