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Demain nous appartient : pourquoi la série a plus de mal depuis la relance du 1000e épisode ?

C’était l’événement du 1000e épisode : une relance profonde de la série Demain nous appartient. Quelques mois après, quel bilan peut-on tirer et pourquoi ça semble plus compliqué pour la série ?

Depuis juillet 2017 et le lancement de Demain nous appartient, TF1 a créé un access fort autour d’une fiction qui s’est vite imposée dans le cœur des spectateurs. On le constate dans les festivals : la série est un vrai succès populaire. Sans attendre que la série ne baisse en intensité, la production a acté une relance qui a pris effet avec le 1000e épisode de la série : nouveau générique, nouvelles intrigues, nouveaux personnages, nouvelle image même, DNA a essayé de faire peau neuve tout en conservant ce qui a fait son adn. Mais depuis septembre, on sent que c’est plus compliqué pour la série : elle est plus régulièrement devancée par le jeu de Nagui (alors qu’auparavant c’était surtout le cas au moment des Masters), voire même des baisses d’audiences que la série ne connaissait avant que lorsqu’il y a moins de monde devant la télé (par exemple l’été).
S’il n’y a pas péril en la demeure, comment faire pour que ça ne vire pas au casse-tête d’ici quelques mois ?

Pourquoi on aime DNA ?

Avant de voir ce qui peut ne plus fonctionner aussi bien, voyons surtout pourquoi on aime la série. Dès son lancement, la série a su imposer sa différence avec Plus belle la vie (maître étalon du genre depuis 2004), notamment grâce à des intrigues davantage tournées vers le polar, des rebondissements permanents et des revirements de personnages. Car tout en restant encrée dans « réel », la série a bien plus que sa grande sœur de France 3 assumé son aspect soapesque. La plupart du temps, les intrigues policières tournent autour des personnages que l’on connaît et la résolution est moins pensée comme un événement isolé lié à un personnage créé uniquement pour l’intrigue, et plus comme un moyen de redéfinir les liens et les interactions entre les personnages. Les intrigues se terminent mais ouvrent quasiment toujours vers d’autres développements futurs (même quand des personnages finissent en prison). Le spectateur est alors imbriqué dans des retournements continus qui ne peuvent que le captiver (comme un des nombreux exemples, on peut citer l’évolution du personnage de Roxane).
L’autre aspect très important du succès c’est l’attachement aux personnages de la série que l’on suit depuis le début. Sans jamais renoncer à en intégrer de nouveaux, la série a toujours fait vivre et évoluer ses personnages que le public a eu le temps d’aimer durant 4 ans.

Et puis survient l’épisode 1000 qui veut rebattre les cartes pour permettre à la série de se réinventer …

Pourquoi il y a sans doute eu des erreurs commises avec cette relance ?

Même si les feuilletons quotidiens ont, par leur succès, une importance bien plus importantes que dans d’autres pays pour les chaînes de télévision, ils restent tout de même des feuilletons quotidiens. De part leur rythme de diffusion (260 épisodes par an chaque jour), ils sont encore plus que les autres, des fictions d’habitude. Cela signifie que pour faire en sorte que la série se réinvente, cela doit se faire au quotidien, sur le long terme, par petites touches. Insister sur ces changements à un moment en particulier, c’est davantage prendre le risque que l’on remarque des changements qui devraient en réalité « passés inaperçus ». Si on prend l’exemple des soaps américains, il est évident que Les feux de l’amour ne sont plus la même série en 2022 qu’à son lancement en 1973. Mais c’est petit à petit, semaine après semaine que le public a pu constater des changements, des évolutions.
Donc que pour un cap comme le 1000e (ou le 10 000e aux Etats-Unis) on décide d’une grande intrigue pour marquer le coup, c’est une excellente idée ; qu’on en profite pour dire « la série ne sera plus tout à fait la même après » c’est très risqué !

Première erreur : on ne change JAMAIS le générique d’un feuilleton quotidien ! Le générique est la marque de fabrique d’une série, sa carte d’identité. Peu de gens se souviennent des intrigues de Santa Barbara, mais tout le monde se souvient de sa chanson entêtante ! Si de manière générale, on évite de changer le générique d’une série, c’est encore plus vrai pour un soap. Imaginez qu’en peu de temps (seulement 4 ans pour DNA), le public l’a entendu au moins 999 fois !!! C’est considérable ! Et même s’il nous apparaît comme énervant à force, le changer c’est acter une césure qui va impacter le reste de la série. Le générique peut être réorchestré, arrangé, on peut modifier son rythme, mais on n’y touche pas. Pourquoi croyez-vous que le générique de Days of our lives est le même depuis 1965 ?

Deuxième erreur : on évite de faire partir trop de personnages d’un coup, surtout les plus populaires ! Il y a toujours eu des allées et venues dans DNA, c’est le sel de la série. Mais on avait le sentiment qu’un personnage ne partait jamais vraiment totalement. Or de très nombreux signaux ont été envoyés en amont du 1000e épisode sur le départ de personnages clés, et ce en même temps qu’on annonçait l’arrivée de comédiennes et comédiens très connus. Comme si on voulait faire des coups avec ces acteurs mais qu’il n’y avait pas de place pour tout le monde. L’une des erreurs a été de faire partir un personnage comme Sandrine (Juliette Tresanini), très populaire, en tout cas pas d’une manière aussi brutale et soudaine. DNA n’est pas la seule série à avoir pensé qu’on pouvait « renouveler » son cast pourtant présent depuis longtemps. En 2003, par une intrigue hallucinante, Days of our lives tente le coup (Salem’s Killer) avant de rétropédaler et ramener tout le monde.
Enfin, sur ces personnalités de renom qui arrivent, même si ce fut le cas dès le début avec des personnalités comme Ingrid Chauvin, Alexandre Brasseur ou Lorie, la série a toujours réussi car elle a maintenu un parfait équilibre entre ces personnalités connues et une nouvelle génération qui émerge (et qui sera la génération star de demain).
Il faut éviter de donner l’impression que l’on cherche surtout à faire des coups ! Car in fine, le public ne verra qu’une chose : est-ce que le personnage lui plaît ? Il ne sera que peu impressionné par l’arrivée de telle ou telle star.

Troisième erreur : quand une série parvient à créer sa spécificité par rapport aux autres, on évite d’essayer de lui faire ressembler ! De même qu’on a senti que la manière de filmer sur Un si grand soleil avait dû donner des idées à Ici tout commence pour rendre son style plus « série » et moins « soap », on sent que ce que l’on a aussi dû se le dire sur Demain nous appartient en voyant le succès de ITC. Et c’est vrai que l’image de la série est aujourd’hui bien plus soignée, avec de jolis plans. Ce n’est pas critiquable de vouloir bien faire. Mais en changeant à ce point le style visuel, couplés aux autres changements déjà actés, ne prend-on pas le risque de moins reconnaître la série qu’on a aimé ? Car en 999 épisodes, DNA a bien su créer son style, très éloigné de Plus belle la vie et restant différent de ITC ou Un si grand soleil. Alors oui aujourd’hui la série semble certes plus jolie, mais cette spécificité s’estompe petit à petit.

Quand les arches continuent de captiver

Ce qui a fait la force de la série depuis son lancement, c’est d’assumer des intrigues over the top. Soit très excessives, soit aux multiples rebondissements. Soit les deux.
Dans l’année écoulée, les auteurs ont particulièrement réussi 2 intrigues. La première fut celle de Sacha, accusé d’avoir assassiné Clémentine et se transformant en « Dupont de Ligonnès ». La série va assez loin avant sa résolution. Etendue sur 2 mois, elle a pu se permettre de multiples twists et s’amuser avec ses personnages.

L’autre grande réussite fut l’arche autour de Flore qui devient folle. Outre l’excellente interprétation de Anne Caillon qui a beaucoup donné dans cette arche, elle a surtout surpris car on ne pouvait pas se douter qu’elle irait dans cette direction quand elle a commencé. Ce qui est dommage c’est que cette intrigue ait été conçue pour permettre le départ d’une comédienne et non pour créer un personnage « barré » comme les soaps les aiment : une psychopathe qui aurait pu revenir régulièrement pour tourmenter les personnages de la série. Un peu comme Kimberky dans Melrose Place ou Sheila dans Les feux de l’amour.

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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