Hier, jeudi 28 juillet, le Conseil d‘Etat a définitivement retiré la corrida du patrimoine immatériel français. Une décision juste et nécessaire mais qui demeure insuffisante, cette pratique sanglante n’étant pas supprimée. Voici dix raisons pour lesquelles la France devrait l’interdire.
Raison n°1) La corrida provoque la souffrance d’un animal
Le premier argument en faveur de l’abolition définitive de la corrida réside dans le supplice qu’elle représente pour les taureaux. Durant 20 longues minutes, ces êtres sensibles, six par corrida, sont torturés de diverses façons. Cela commence par l’action des picadors qui, juchés sur des chevaux, plongent leurs armes (qui mesurent entre 20 et 30 cm) dans les muscles et les ligaments du cou de l’animal, de sorte que celui-ci se trouve forcé de baisser la tête. Il faut savoir que souvent, les chevaux sont éventrés par les taureaux terrifiés. Les peones viennent ensuite enfoncer leurs 6 banderilles (sorte de harpons de 4 à 6 cm) dans le corps ensanglanté de leur victime. Le but ? Augmenter l’hémorragie et ainsi faciliter la mise à mort, qui constitue la troisième étape. Le matador transperce alors le taureau de son épée. S’il doit viser l’aorte, elle est en réalité rarement atteinte : le supplice de l’animal se poursuit alors, entre paralysie en hémorragies internes. Il vomit souvent des litres de sang dans l’arène jusqu’à ce qu’un aide l’achève au poignard.
Raison n°2) Un combat inéquitable
Bien souvent, les aficionados justifient leur pratique par leur volonté de se battre courageusement contre une bête féroce. Sauf que tout est fait pour affaiblir le taureau, dans l’arène mais aussi avant le « combat ». Il passe 24 heures enfermé dans l’obscurité. Des sédatifs lui sont souvent administrés. Sans oublier l’éventuel recours à l’afeitado, une pratique expliquée par Jean-Pierre Garrigues, président du Comité Radicalement Anti Corrida, dans une interview pour Paris Match datant de 2015. « L’afeitado consiste à scier les cornes du taureau à vif, sur la partie innervée [..]. Dans un documentaire espagnol, on voit le taureau, maintenu dans un caisson, baver et trembler de souffrance. ». Et de poursuivre : « L’objectif de l’afeitado est de le diminuer et de lui ôter toute perception spatiale. Parmi les autres pratiques d’affaiblissement, il y a l’incision des sabots, les coins de bois enfoncés entre les onglons, la déshydratation, les purges à coup de laxatifs puissants, les yeux enduits de vaseline pour désorienter l’animal […]. ». Il précise également que les animaux ne reçoivent ni eau, ni nourriture lors de leur transport depuis le Sud de l’Espagne. Cela explique que les corridas se soldent presque toujours par la victoire du torero, alors même qu’un taureau est plus fort et robuste qu’un être humain.
Raison n°3) Le taureau n’est pas un animal agressif
Le taureau étant très imposant, les aficionados cultivent l’image d’un colosse animé d’une irrésistible volonté de se battre. Quand bien même cet argument justifierait que l’animal soit ainsi humilié et torturé, il se révèle complètement faux. En effet, un taureau n’est pas, par nature, agressif. Il s’agit d’un animal herbivore, qui n’a nullement besoin de chasser pour survivre. Pour prouver la douceur de cette espèce, Christophe Thomas a choisi de sauver Fadjen, un taureau espagnol né pour finir sa vie dans une corrida. Sociable et joueur, l’animal ne s’est jamais montré agressif. L’association « Fadjen, taureau anti corrida » souhaite montrer le caractère naturellement pacifique de cet animal.
Il n’est pas non plus particulièrement sensible à la couleur rouge. En effet, la rétine des taureaux contient peu de cônes (qui permettent de distinguer les couleurs), mais beaucoup de bâtonnets (qui nous permettent de voir dans l’obscurité). Ils sont donc moins sensibles aux couleurs qu’à la gestuelle de leur bourreau. Ainsi, seules les provocations du torero le rendent nerveux et agressif. Pour le prouver, quarante étudiants mexicains de l’Institut de technologie et d’études supérieures de Monterrey ont réalisé une expérience très intéressante. Après s’être dispersés dans une arène, ils ont fait entrer un jeune taureau préalablement excité. Celui-ci s’est contenté de slalomer entre les étudiants, cherchant davantage à s’échapper.
Raison n°4) La corrida peut néanmoins s’avérer risquée pour le torero
Bien que cela soit très rare, les toreros peuvent également être blessés, voire tués par le taureau. En effet, bien qu’il soit affaibli et d’un naturel pacifique, le taureau demeure plus fort que son adversaire. Le 9 juillet dernier, Victor Barrio, jeune torero espagnol de 29 ans, est mort après avoir été encorné par un taureau lors de la feria de Teruel. Il s’agissait du premier décès de torero dans une arène en Espagne depuis 30 ans. Interdire la corrida ne permettrait donc pas simplement de sauver des animaux, cela garantirait la sécurité d’êtres humains.
Raison n°5) 73% des Français sont contre cette pratique
Autre raison qui devrait conduire notre gouvernement à interdire définitivement la corrida : la population est très majoritairement opposée à cette pratique barbare. Selon un sondage Ifop réalisé en 2015, 73%, soit ¾ des interviewés, encouragent l’abolition de la tauromachie. Chez les 18-24 ans, ils sont 89%.
Raison n°6) Les adeptes diminuent, les recettes aussi
La rentabilité économique des corridas a longtemps justifié qu’elles soient autorisées. Les adeptes se font cependant de plus en plus rares. Par exemple, à Bayonne, en 2011, les sept corridas organisées ont accumulé un déficit de 400 000 euros. De même, en 2012, Nîmes Pentecôte a enregistré 68 600 entrées payantes contre 80 600 l’an dernier, soit une chute de 14%. « On a le sentiment d’une menace latente et cela ne vient pas seulement des anticorridas », déclarait Jacques Maigne, journaliste et auteur de plusieurs livres sur la corrida, dans L’Express en 2013.
Raison n°7) La « tradition » n’implique pas la perpétuation
Autre argument des aficionados: la tradition. Pourquoi mettre un terme à une pratique millénaire ? Premièrement, parce qu’en réalité, cette pratique prétendument ancestrale date de la première moitié du XVIIIème siècle. Plus précisément, ses règles furent essentiellement fixées par le matador Francisco Montes « Paquiro », dans son traité de tauromachie de 1836, Tauromaquia completa. Le caractère traditionnel semble donc sujet à débat. Mais au-delà de ça, le fait qu’elle soit considérée comme traditionnelle ne légitime pas la perpétuation d’une pratique qui avilit ceux qui l’exécutent autant que ceux qui en sont complices. De même, ce n’est pas parce qu’un acte a été commis durant des décennies et par des milliers de personnes qu’il est éthique et juste. C’est précisément pour cette raison que dans la plupart des pays occidentaux, les combats de chiens ont par exemple été interdits.
Raison n°8) Tuer n’a rien d’artistique
Si justifier la corrida par son caractère traditionnel est insensé, la considérer comme de l’art l’est tout autant. Cet argument est fréquemment utilisé car difficile à contrer, le goût artistique étant par principe subjectif. Néanmoins, si l’on peut estimer que les costumes des toreros sont élégants et leurs mouvements gracieux, on ne peut raisonnablement considérer la vision d‘un animal se vidant de son sang comme un joli spectacle. Et quand bien même certains trouveraient cela agréable à observer, la moralité la plus élémentaire intime à l’homme de privilégier la vie d’un animal à son plaisir capricieux, d’autant plus qu’il existe de nombreuses autres formes de spectacles.
Raison n°9) La corrida forme à la violence
Le danger avec la corrida, c’est qu’en esthétisant la torture, elle la banalise. Lorsqu’une personne est capable d’humilier et de torturer un être sensible et inoffensif, ou de regarder quelqu’un le faire en s’esclaffant, son empathie disparaît. De plus, en transformant cette pratique en spectacle, la corrida glorifie la violence et la rend attrayante, y compris auprès d’enfants. En effet, il existe deux écoles taurines dans le Sud-Ouest et trois dans le Sud-Est. Des enfants âgés de sept ans y apprennent à torturer des êtres sensibles, et s’entraînent sur des veaux. Au lieu d’apprendre la compassion, le respect de l’autre et la douceur, ils découvrent la torture, le crime et la souffrance.
Raison n°10) La législation sur la corrida est incohérente
Depuis 1850, la loi Grammont condamne les souffrances imposées aux animaux. Des tortionnaires d’animaux se voient donc fréquemment jugés et condamnés par les tribunaux. En 1951, l’Assemblée nationale vote cependant un texte précisant que « les dispositions [de la loi Grammont] ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition ininterrompue a été invoquée ». Ainsi, alors qu’une loi interdit à juste titre de torturer un animal, une autre l’autorise. Conscient de l’incohérence de cette dérogation, d’autres régions du monde ont choisi d’abolir définitivement la tauromachie. En juillet 2010, la Catalogne a ainsi voté l’interdiction de la corrida dans la province. Espérons que la France prenne rapidement le même chemin…
Crédit Photo à la Une: AFP