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Entretien avec l’équipe de Corniche Kennedy: « La beauté de la jeunesse… »

Corniche Kennedy de Dominique Cabrera sort le 18 janvier. On a rencontré la réalisatrice et deux des acteurs débutants du film, Alain Demaria et Kamel Kadri

Mardi 20 décembre 2016. Rencontre dans un café parisien avec l’équipe de Corniche Kennedy qui sera en salles le 18 janvier. Alain Demaria et Kamel Kadri, les deux plongeurs qui font dans le film leurs débuts d’acteurs semblent un peu nerveux derrière leur apparente décontraction et leur naturel désarmant. Nous démarrons la conversation avant d’être rejoints par la réalisatrice du film, Dominique Cabrera (L’autre côté de la mer, Le lait de la tendresse humaine…). Leur complicité ne semble pas feinte tant ils semblent bien s’entendre, mais comme ils nous l’expliquent, il a fallu beaucoup de temps pour que la confiance naisse entre eux. Retour sur la genèse du projet et sur ce très beau film intense et atypique adapté du roman de Maylis De Kerangal.

Mais c’est quoi déjà… Corniche Kennedy ? Corniche Kennedy. Dans le bleu de la Méditerranée, au pied des luxueuses villas, les minots de Marseille défient les lois de la gravité. Marco, Mehdi, Franck, Mélissa, Hamza, Mamaa, Julie : filles et garçons plongent, s’envolent, prennent des risques pour vivre plus fort. Suzanne les dévore des yeux depuis sa villa chic. Leurs corps libres, leurs excès. Elle veut en être. Elle va en être. 

Comment s’est déroulée votre rencontre avec Dominique Cabrera ?

Alain Demaria: Notre rencontre s’est déroulée sur la corniche. Je suis plongeur à la base et un jour Dominique était en train de marcher sur la corniche. Et ce jour là, elle nous a croisés et j’étais en train de plonger à plusieurs reprises et elle a commencé à nous prendre en photo et moi je voulais ni qu’elle me prenne en photo ni parler avec elle. Mon collègue du coup a parlé avec elle parce qu’elle a voulu expliquer qu’elle était réalisatrice et que c’était pour un film qu’elle faisait ça. De là c’est parti et pendant au moins deux ans, vu qu’elle habite Paris et nous Marseille, on s’est vus régulièrement, elle descendait pour nous voir, on parlait, on parlait, on parlait. Après on a travaillé un peu sur le scénario avec elle et après le travail sur le scénario, elle nous a dit: « C’est vous nos acteurs. »

Comment on réagit quand on reçoit une proposition comme ça d’aller travailler sur un film alors que ce n’est pas du tout son univers ?

Alain Demaria: Au départ, on devait juste parler de notre expérience et ça s’est fait petit à petit jusqu’à ce qu’elle nous dise qu’elle voulait qu’on soit ses acteurs.

Vous avez eu peur de ce que ça impliquait ?

Kamel Kadri: Oui on a eu peur parce qu’on savait que jouer la comédie c’était un métier à part entière, que ça allait demander beaucoup beaucoup d’entrainement, la caméra ça nous faisait peur, on était un peu cachés sur la corniche, on se cachait de tout ça et là elle voulait nous mettre en lumière, mais c’est Dominique et au bout de deux ans,  on a appris à la connaitre, on a vu qu’elle avait fait de magnifiques projets, que c’était quelqu’un de bien en qui on pouvait vraiment avoir confiance et elle nous a accompagnés sur le chemin, elle nous a fait coachés par une coache d’acteurs et de danse et de gestuelle. On a fait une pièce de théâtre autour du livre Corniche Kennedy en présence de l’écrivain Maylis de Kerengal et avec tout ce processus on a réussi à arriver devant la caméra à point et la pièce c’était aussi un moyen de répéter des choses, des déplacements, des gestes avec les textes et c’était aussi une manière d’adapter le roman sans se l’approprier et ça nous a soudés tous ensemble pour la suite de l’aventure.

Vous aviez lu le livre ?

Kamel Kadri: Moi je l’ai lu trois fois. J’ai eu l’impression que l’écrivain s’était initiée dans notre groupe alors qu’on ne l’avait jamais rencontrée, mais elle donnait des détails, des choses subtiles de nos vies et j’avais l’impression qu’elle était dans notre intimité et qu’elle parlait de nous.

Alain Demaria: Moi je ne l’ai lu qu’une fois car j’ai un peu de mal à lire comme je suis dyslexique et c’était un gros challenge pour moi.

Comment on décide de s’adonner à l’activité du plongeon ? C’est l’envie de se dépasser, de dompter sa peur ?

Alain Demaria: L’envie de prendre des gros risques, de faire face à la mort. Je ressens une grosse adrénaline quand je plonge. J’essaye de me dépasser petit à petit. Quand de 13 mètres je ressens plus rien, j’essaye de 14 mètres, de 15 mètres jusqu’à ce que j’arrive au maximum et que là, je sais que je risque de me faire mal, de me casser une côte…

Vous vous êtes déjà blessé?

Alain Demaria: Blessé non mais j’ai déjà pris des gros plats de 13 mètres sur le dos, je me suis tapé le genou sur la tête…

Et ça ne fait pas hésiter ce genre de choses à recommencer?

Alain Demaria: Au jour d’aujourd’hui oui j’hésite un peu. J’y suis retourné un an après le tournage et j’ai eu du mal à plonger, je ressentais un blocage. Je me suis dit voilà je l’ai fait, je l’ai immortalisé avec un film sur le plongeon, pour moi ça suffit.

Dominique Cabrera nous rejoints (NDLR)

Crédit: Victor Sicard

Comment avez-vous découvert le livre et qu’est-ce qui vous a décidé à l’adapter?

Dominique Cabrera: Je cherchais un moyen de faire un film à Marseille car j’aime beaucoup cette ville, donc j’ai lu beaucoup de romans, j’ai cherché beaucoup d’histoires et un jour je suis tombé sur ce roman et j’ai eu comme une révélation, que c’était un film pour moi.

Racontez-nous votre rencontre avec Alain et Kamel ?

Dominique Cabrera: Quand je marchais sur la corniche en photographiant ce petit groupe de loin, j’ai eu une sensation presque mystique, j’ai eu l’impression qu’il allait se passer quelque chose ce jour-là mais quand je suis arrivée ce n’était pas du tout le cas (Rires) Ils ne voulaient pas de moi. Il y avait dans cette image quand je suis arrivée quelque chose de très agressif. Ils étaient brûlés de soleil, ils avaient un peu bu, c’était très violent comme image, c’était vraiment une image de gars très très durs. Et Kamel ne voulait pas que je le photographie mais il voulait bien parler avec moi et je lui ai expliqué que je voulais faire un film sur ce qu’ils étaient en train de faire. On a échangé nos numéros de téléphone et je leur ai donné un rendez-vous où ils ne sont pas venus. Mais je les ai quand même rappelés et la fois suivante, ils sont venus et ce qui est étrange, c’est qu’ils étaient totalement différents, super gentils. Pas du tout la même image que j’avais eue. J’ai eu l’impression qu’ils voulaient me protéger, m’aider. Et ce que je me suis représenté c’est que au fond j’étais une étrangère et qu’ils se disaient « elle vient dans notre ville, elle s’intéresse à nous, on va l’aider » et c’est ce qui s’est passé.

Et c’est de là que votre envie de les faire jouer est venue?

Pas du tout. Je leur ai dit qu’ils ne joueraient pas dans le film. Parce que je ne voulais pas que cette démarche que j’avais de leur demander de m’aider à écrire les dialogues soit une sorte de casting déguisé. Je cherchais des acteurs mais je n’avais pas l’impression qu’eux pouvaient jouer. Ils étaient très très loin de jouer. On a passé une semaine à écrire les dialogues du film, je lisais les séquences et eux me répondaient « On ne dirait pas ça comme ça, nous cette situation on pense que ceci, que cela… » Je cherchais à rendre mon scénario plus vrai en fait. Mais je ne pensais pas du tout que je pouvais écrire avec cette invention langagière des marseillais en particulier des jeunes. Il y a une espèce de poésie dans la langue populaire qui est vraiment merveilleuse et je n’allais pas l’inventer. Je pouvais l’inventer éventuellement avec eux mais seule j’en étais incapable. Pendant cette semaine-là, ils ont fait des impros mais ce n’était pas très intéressant sur le plan du jeu mais progressivement à travers des tas de rencontres ou d’ateliers ils se sont épanouis tous les deux dans le jeu. Un des trucs qui était merveilleux pour moi c’était de filmer la beauté de la jeunesse, on les regarde et on a envie de les filmer.

A Alain et Kamel (NDLR) Quand vous avez su que vous alliez jouer dans le film vous étiez méfiants, inquiets, vous vous êtes jetés comme lorsque vous plongez ?

Alain Demaria: Personnellement j’étais vraiment inquiet, inquiet de ne pas réussir, de ne pas arriver à la fin et tous les jours c’était un challenge et il fallait finir le travail.

Dominique Cabrera: Un tournage c’est aussi difficile pour tout le monde. Il y a une intensification des sentiments, une intensification des relations juste par le fait de ce qu’on filme. Moi aussi chaque jour sur un tournage j’ai l’impression d’une montagne à gravir et je pense que pour eux c’était la même chose. Mais on a vraiment fait beaucoup de travail ensemble et vraiment appris à se connaitre sur ces deux ans et demi avant le tournage.

Et bénéficier d’autant de temps de préparation, c’est un luxe non ?

Dominique Cabrera: Ce n’était pas un film qui était dans le luxe, on a eu très peu de temps de tournage, mais c’est un luxe qu’on s’est donnés et que eux ont bien voulu nous donner aussi. Mais c’est vrai que d’une certaine façon c’est un luxe.

Quel est votre regard sur le fait d’avoir travaillé avec des acteurs professionnels ?

Kamel Kadri : Ils ont été un peu comme des grands frères et des grandes sœurs et je sentais qu’on était porté et ça m’a beaucoup aidé. J’ai personnellement des scènes pas faciles avec Aïssa Maïga et elle me portait et m’aidait par son regard et sa bienveillance.

Alain Demaria: J’avais un peu peur mais Lola (Creton NDLR) m’a beaucoup aidé, j’ai appris à la connaitre et je la taquinais souvent pour ne pas montrer que j’avais peur ou que j’étais timide

Dominique Cabrera: Dans ce film les non-professionnels étaient les experts puisqu’ils avaient du sujet une connaissance intime et ils ont eux aussi beaucoup aidé les acteurs professionnels sur un autre plan.

Par rapport au livre vous avez changé beaucoup de choses?

Dominique Cabrera: On a gardé la trame principale. J’ai presque fait trois adaptations. J’ai d’abord adapté le roman ensuite on a adapté ensemble les dialogues et après quand j’ai distribué les rôles j’ai réadapté le scénario à leur personnalité.

La photo est très lumineuse et presqu’en opposition avec l’atmosphère de polar vers laquelle glisse le film. Quelles étaient vos intentions formelles?

Faire un film sur le bleu où leurs corps de 20 ans se détachent sur le bleu. Donc tourner le plus possible dans la lumière du jour et sur la corniche. La photo est magnifique en effet et ma chef op Isabelle Razavet a énormément travaillé pour que cette photo soit belle. On est toujours en contrejour en fait soit avec la lumière du jour qui se lève ou qui descend de façon à ce que ça modèle leurs corps, leurs peaux. Tout ça c’est beaucoup de travail et d’attente. On avait des projecteurs géants mais il fallait s’organiser pour être dans la bonne lumière à la bonne heure.

Le cinéma vous souhaiteriez en refaire, vous avez des projets dans ce sens-là?

Kamel Kadri: Moi après Corniche Kennedy, comme c’était mon premier tournage, je ne savais pas que ça allait s’arrêter comme ça donc ensuite j’ai fait un CV et j’ai rencontré des directeurs de casting auxquels j’ai pu prouver que j’avais envie et ils m’ont donné la chance de pouvoir participer à un long métrage en Algérie et à un court métrage en Corse. C’est un bonheur. Et j’ai aussi fait une pub pour Adidas et pour moi qui suis jeune et qui aime beaucoup cette marque c’est beau. J’espère vraiment continuer dans cette voie là.

Propos recueillis par Fred Teper.

Remerciements: Claire Viroulaud, Mathilde Cellier, Caroline Pinaut.

A lire aussi : 10 films français à ne pas rater en 2017

 

 

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Journaliste pôle séries et La Loi des Séries, d'Amicalement Vôtre à Côte Ouest, de Hill Street Blues à Ray Donovan en passant par New york Unité Spéciale, Engrenages, Une famille formidable ou 24, la passion n'a pas d'âge! Liste non exhaustive, disponible sur demande!
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