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Femmes et jeux vidéos

 

 

Longtemps, l’univers du jeu vidéo  a été ou du moins a été considéré comme un univers exclusivement masculin. Une « ère » qui, depuis, a été heureusement remise en question, par des joueuses comme des joueurs. Pourtant, de récentes controverses montrent bien que les mentalités n’ont pas fondamentalement évoluées.

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  Là où tout commence : le viol de Lara Croft

Pour les joueuses de jeu vidéo, Lara Croft est en quelque sorte « le » symbole de l’accession des femmes aux jeux vidéos. Elle est la pionnière des héroïnes féminines de ces jeux. C’est une femme forte, seule, qui n’a besoin de personne pour se débrouiller, qui escalade des montagnes, porte un pistolet et sait se défendre.  A l’époque de sa sortie, elle a immédiatement été acclamée comme une avancée pour les femmes dans l’univers « geek ». Kaiser Hwang de PlayStation Magazine écrit alors qu’elle a « amené le girl power » aux jeux vidéo.  On peut comprendre donc pourquoi la réaction fut si vive lorsque le dernier Tom Raider a mis en scène le presque viol de la célèbre aventurière. C’est comme si alors on avait refusé aux  joueuses féminines leur accession aux jeux vidéo, qu’on leur avait ôté leur dernier symbole, ce qui les faisait penser que le jeu vidéo n’était plus considéré comme un univers uniquement masculin, en rabaissant leur icône et en l’humiliant. Le but était-il celui-ci ? Beaucoup de joueurs en tout cas ont dénoncés sa misogynie, s’appuyant sur la bande-son du jeu, qui évoque un film pornographique, et sur les propos du concepteur du jeu, estimant qu’on a envie de « protéger Lara ». C’est là toute la source du problème. Les joueurs ne peuvent pas incarner Lara, ils l’observent. Et les joueuses féminines sont totalement niées.

 

Un article paru dans une revue spécialisée, Joystick, a particulièrement contribué à ajouter de l’huile sur le feu. Celui-ci consistait en une double page qui racontait le délice qu’a eu le journaliste a observer Lara Croft dans son humiliation et dans on viol. En plus d’être une apologie abjecte du viol, l’auteur semble même trouver une certaine jouissance dans l’abaissement de Lara Croft, comme si il la punissait de sa force antérieure, comme si il la punissait d’avoir osé être une femme forte.

 

Twitter s’enflamme alors immédiatement, particulièrement choqué par des expressions telle que celle de « calvaire charnel ».

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Sur çafaitgenre.org, la journaliste décrypte ainsi la formule : « “Calvaire charnel” n’est pas une expression de victime qui décrit son viol, ni une expression des femmes qui craignent la réalité du viol au quotidien. C’est une expression d’homme hétérosexuel qui fantasme sur une idée érotisée du viol. »

 

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L’auteur poursuit donc de plus en plus crescendo, pour finir par conclure à la fin d’un paragraphe « Faire subir de tels supplices à l’une des figures les plus emblématiques du jeu vidéo, c’est tout simplement génial. Et si j’osais, je dirais même que c’est assez excitant. »

 

Aussi choquantes sont les allusions perpétuelles au physique « sexy » de Lara Croft. Toujours, sur çafaitgenre.org,  l’auteure se demande si la même description aurait été faite d’un homme. « . Parce qu’étrangement, je ne crois pas que l’auteur se permettrait les mêmes commentaires à propos d’un héros masculin. J’attends le magazine qui nous pondra 6 pages du même acabit sur Nathan Drake. On le présenterait seulement  en ces termes : « Il a 29 ans. Il arbore un visage basané, des muscles tout ce qu’il y a de plus décent et une attitude insolente américaine aussi sexy qu’insupportable ». « Sa bite bien moulée dans son jean émoustille les jeunes ados ces dernières années ! »

On se réjouirait de voir l’impertinent héros « remis à sa place », « humilié » et « souillé »   par les multiples sévices qu’il subit, auxquels on prêterait forcément un caractère sexuel. « On met Nathan au court-bouillon ! » On le comparerait à un acteur de porno gay qui se ferait gang-banger. On se taperait dans le dos entre « vicelard(e)s » et « pervers(e)s » à voir ce mec torturé pour notre plaisir. On chercherait des interprétations pseudo-freudiennes à ses moindres actions : « il escalade une tour, c’est un symbole phallique, il accède a la virilité ». On trouverait sa « vulnérabilité » touchante, parce que ça donne envie de l’ « aider », de le protéger. D’ailleurs on le désignerait par des petits mots affectueux du style « le mecton », « le p’tit gars », « le godelureau »

 

Une réflexion sur la place des joueuses

 

Tel était donc l’élément déclencheur, qui a semblé fonctionner comme un révélateur, et a en quelque sorte levé le voile sur l’absence cruelle d’héroïnes féminines dans les jeux vidéo, et sur le rejet qui semble être celui de certains des joueurs masculins.

On remarque évidemment que les héroïnes féminines sont très rares, et que si elles sont représentées, elles sont hyper-sexualisées. C’est ce qu’on appelle le « fanservice », destiné à plaire et amuser les joueurs masculins, mais aussi, ne nous leurrons pas, parce que les concepteurs des jeux ont compris que le sexe, c’est de l’argent. Si Lara Croft est considérée comme une héroïne considérée comme » féministe », il ne faut pas oublier qu’elle a été conçue pour les hommes à la base.

Les hommes au contraire ne sont jamais aussi virils que dans ces jeux. C’est toujours à eux que revient le rôle de sauver l’héroïne féminine. Une réalité un peu lassante pour les « gameuses ». Nombreuses sont ainsi les petites filles à penser que les jeux vidéos « ne sont pas pour elles » .  Père d’une petite fille, Mike Hoye a ainsi été scandalisé de voir qu’il n’existait pas une version fille de Zelda.     «Je refuse que ma fille grandisse en pensant que les filles ne peuvent pas être des héroïnes et sauver leurs petits frères.» écrit-il sur son blog. En conséquence, il a créé un patch qui inverse totalement la situation et fait de Link une fille.

 

 

Je refuse que ma fille grandisse en pensant que les filles ne peuvent pas être des héroïnes et sauver leurs petits frères« 

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Si le marché du vidéo commence à découvrir l’existence de son public féminin, les tentatives ont jusque-là été assez maladroites. Ainsi, de nombreux concepteurs de jeux semblent penser que les seuls intérêts des femmes sont le rose, les arcs en ciels et les licornes argentées.

Un autre réalité pour les joueuses est apparemment celle des jeux en lignes : les joueurs en réseau ne sont pas habitués à entendre des voix féminines, et elles sont souvent l’objet de railleries voire d’insultes. Ainsi le blog http://fatuglyorslutty.com/ (littéralement « grosse, moche, ou  salope ») compile toutes celles que les contributrices ont pu entendre.

Enfin, un phénomène récent est celui de la « fake geek girl », qui consiste à traiter les joueuses de fausses (!) joueuses, qui ne joueraient que dans le but de plaire aux hommes. Car oui, c’est bien connu, tout ce que font les femmes est fait dans le but de plaire aux hommes, n’est-ce pas ? On laissera donc la formidable youtubeuse Albiinwonderland conclure cet article : « Fake geek girl »

« La « fake geek girl » n’existe pas. »

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