
Ce samedi s’est clôturé le festival de Cannes sous une note d’engagement. Le film Un simple Accident (traduit fidèlement du persan Yek Tasadef Sadeh) du célèbre réalisateur iranien Jafar Panahi, s’est vu attribué la plus haute récompense de la Croisette : La Palme d’Or.
« Après un simple accident, les événements s’enchaînent »
C’est l’intrigue du long métrage en quelques mots. Fiction dramatique et engagée, Un Simple Accident relate le parcours de Vahid, Azerbaïdjanais s’étant fait par le passé malmené en prison par les autorités de l’Etat islamique. Le film raconte l’histoire de sa vengeance : un jour, ce dernier croit reconnaître son ancien tortionnaire, Eghbal, et décide de l’enlever.
L’agent pénitentiaire se fait alors prisonnier à son tour, et les rapports de forces se renversent, tandis qu’Eghbal assiste à son jugement, dirigé par Vahid et accompagné de ses anciens codétenus.
Le film franco-iranien a été tourné clandestinement, ce qui est devenu presque une caractéristique pour les films iraniens de la Nouvelle Vague. En 105 minutes, Jafar Panahi, en collaboration avec Les Films Pélléas, dresse ainsi à partir « d’un simple accident » le portait de la société iranienne à l’heure de la république islamique. La distribution du fim est entièrement iranienne, et met notamment en scène Vahid Moshaberi, déjà présent dans une précédente œuvre du réalisateur, Aucun Ours.
Jafar Panahi, de prisonnier à lauréat
Jafar Panahi est tout d’abord un réalisateur phare du cinéma iranien, connu du grand public pour ses films à succès dont Taxi Téhéran, Trois Visages ou Sans Ours. Habitué des récompenses, il avait déjà été sacré plusieurs fois par la Mostra de Venise, la Berlinale ainsi que le festival de Cannes, sans pour autant décrocher sa plus haute distinction : La Palme d’Or.
Apres avoir récupéré son passeport qui lui avait été confisqué en 2010, et avoir passé plusieurs mois dans la prison d’Evin, ce n’est pas sans émotion que le réalisateur a pu revenir en France pour recevoir son prix. Sur scène, en persan, il porte ainsi sa voix, celle d’un ancien détenu et artiste, dont les œuvres sont reconnus en Occident mais considérées comme subversives 4500km plus loin.
« Le plus important est notre pays avec l’espoir que nous atteignons au plus vite la liberté. »
Des mots poignants de la part du réalisateur, qui ont vivement résonné dans la salle du Palais des Festivals et des Congrès, accompagnés de quelques larmes ruisselantes sur les joues de son équipe.
Le 7ème art iranien, plus que des films
C’est la deuxième fois de l’histoire qu’un réalisateur iranien reçoit la Palme d’or à Cannes, la première remontant à 1997, décernée au long métrage Le Goût de La Cerise. Une deuxième fois donc que ce prix est décroché, mais une énième fois que le cinéma iranien fait sensation à Cannes.
On se souvient ainsi des Graines du Figuiers Sauvages, récompensé l’année dernière à la croisette du Prix Spécial, réalisé par Mohammad Rasouloff. Ce dernier, condamné à 5 ans de prison quelques jours plus tôt en Iran, s’était secrètement enfui pour assister à la cérémonie.
Comme Jafar Panahi, le réalisateur, attaché à sa terre, avait déclaré vouloir de lui-même retourner en Iran après le festival : une décision qui souligne l’amour des réalisateurs envers leur pays et son peuple. Par ailleurs, le réalisateur d’Un Simple Accident, est tout juste arrivé à l’aéroport de Téhéran où nombreux se sont rassemblés pour l’accueillir.
Tatami, Leïla et ses frères, Le Diable n’existe pas, Un Homme intègre… Le cinéma iranien est vaste et continue de se démarquer. Plus que des prises de position, il est important de rappeler que se sont aussi des prouesses de réalisation, des jeux d’acteurs et des performances techniques qui sont récompensées lors de ces nombreux festivals.