Monument du cinéma des années 2000, Gladiator est revenu pour une suite fin 2024. On revient sur l’aventure folle de ces films.
« Ce que nous faisons dans la vie résonne dans l’éternité… Force et honneur. »
[« EXTRAIT SONORE : GLADIATOR »]
[« SérieFonia : Season VII : Opening Credits » – Jerôme Marie]
[« Gladiator – Am I Not Merciful ? » – Hans Zimmer]
C’est la septième saison déjà et c’est toujours SérieFonia… Ce mois-ci, nous célébrons à la fois une première œuvre presque immédiatement devenue culte lors de sa sortie en mai 2000… Et une suite inattendue, survenue presque 25 ans plus tard… Qui, en dépit de ses (très nombreuses) qualités n’a pas du tout rencontré l’accueil qu’elle méritait l’année passée. En tout cas, à mon humble avis. Car oui, j’ose l’affirmer haut et fort : Gladiator II est le film que j’ai préféré en 2024. Alors, attention… Entendons-nous bien… Bien sûr qu’il n’égale pas le premier… Ni dans la forme ni dans l’émotion. Bien sûr qu’il n’atteint pas le génie, la maestria, de l’épopée vengeresse si magistralement portée par Russell Crowe… Mais… Est-il formellement indigne ? Non. L’intrigue ne constitue-t-elle qu’une vulgaire redite ? Malgré ce que beaucoup affirment… Non. Les scènes d’action sont-elles mal chorégraphiées, outrancières et accompagnées de mauvais effets spéciaux ? A nouveau, je me porte en faux. Quant à la musique… OK, c’est peut-être un p’tit peu plus compliqué… Mais j’espère néanmoins que vous ressortirez de l’écoute de cette émission avec un avis disons… moins tranché…
[« Gladiator II – I Need You to Do This » – Harry Gregson-Williams]
Franchement, je ne vois pas ce qu’il peut y avoir de déshonorant là-dedans… Mais j’y reviendrai plus tard. Je préfère faire les choses dans l’ordre. D’autant que moi qui insiste souvent sur le fait que Hans Zimmer m’a carrément perdu en cours de route… Et depuis un bon bout de temps en dehors de quelques très rares exceptions près… Je considère son Gladiator comme un chef-d’œuvre du genre… Inspiré, novateur, d’une force émotionnelle aussi évidente que percutante et… résolument mélodique ; y compris dans l’action !
[« Gladiator – The Battle » – Hans Zimmer]
Et j’en profite pour rappeler que nous sommes trois ans avant le premier volet de Pirates de Caraïbes… A l’époque, ce son-là, est encore relativement nouveau… Toujours assez frais, même. Il y a bien eu Backdraft en 1991… The Rock en 96… Mais avec de vraies belles pièces mélodiques telles que celles composées pour Rain Man, Toys, Thelma & Louise ou encore Beyond Rangoon, Zimmer ne s’émancipait pas encore de la réelle narration musicale au profit du high-concept proche du sound-design… qui est, par la suite, devenu sa principale marque de fabrique… Lorsqu’il commence à travailler sur Gladiator, à partir de février 1999, il a déjà collaboré deux fois avec le réalisateur Ridley Scott… Sur Black Rain d’abord, en 1989…
[« Black Rain – Nick & Masa » – Hans Zimmer]
Puis, Thelma & Louise, donc, en 1991…
[« Thelma & Louise – End Titles » – Hans Zimmer]
Et plus encore avec son frère, Tony Scott… Notamment sur True Romance en 93, USS Alabama en 95, Le Fan en 96… Sans oublier leur tout premier… Jours de Tonnerre, avec Tom Cruise et Nicole Kidman… C’était en 1990…
[« Days of Thunder – Darlington / Cole Wins » – Hans Zimmer]
L’exemple-type du film nul, mais qu’on aime bien quand même… Bref… Si l’adage veut que tous les chemins mènent à Rome, il semble en être de même pour ce qui est de Gladiator. LE péplum que personne n’attendait… y compris Ridley Scott, qui n’avait même jamais véritablement considéré le genre. Il faut dire que, depuis pas mal de décennies déjà, les films de gladiateurs au sens large relèvent plus de la série B qu’autre chose. Le plus souvent cheap, clichés et tournés avec des moyens pour le moins insuffisants, ils n’étaient… et en écrasante majorité… que les ombres délavées du souvenir laissé par celui qui continuait – du moins jusque-là – de s’imposer comme le plus noble d’entre tous… Spartacus.
[« Spartacus, 1960 – Spartacus Defies Crassus » – Alex North]
C’était en 1960… Mis en musique par Alex North et réalisé de main de Maître par Stanley Kubrick, avec Kirk Douglas dans le rôle-titre de cet esclave devenu gladiateur vers l’an -73 avant Jésus Christ, qui aura mené (avec quelques autres) ses semblables à l’évasion, d’abord… Et à la révolte ensuite. Au départ, ils ne sont qu’un peu moins de 80… Mais, très vite, ils sont rejoints par d’autres esclaves et pauvres paysans désireux de s’affranchir de l’oppression qu’exerce la République romaine. Durant les deux années sanglantes qu’aura duré cette Troisième Guerre Servile, leurs rangs n’ont cessé de grandir… Leurs nombreuses victoires continuent, aujourd’hui encore, de compter parmi les plus héroïques… Mais il n’en reste pas moins vrai que, finalement, c’est l’armée romaine qui a triomphé… en -71 lors de la Bataille de Silarus où Spartacus a vraisemblablement perdu la vie en affrontant les soldats du général Crassus. En gros… Absolument pas comme dans le film !
[« Spartacus, 1960 – Training the Gladiators » – Alex North]
Car il est important de le rappeler : les péplums ne sont pas des documentaires. Loin s’en faut ! Peu importe qui les écrit ou qui les réalise… La véracité historique est le cadet de leurs soucis ! Ce sont des films d’aventure… de divertissement… On prend quelques dates… un contexte… des personnages devenus légendaires… et on leur invente des destinées plus grandes encore que celles qu’ils ont vraiment affrontées… Ce qui compte, c’est le décorum… et le héros qui va en émerger. Après… Encore faut-il que ce soit dignement raconté. Et c’est là où je m’offre le plus succulent des « hors sujets ». Quoi que… Pas si hors sujet que ça. C’est là qu’une fois encore, j’arrive à vous distiller un peu de Xena !
[« Xena, Warrior Princess – Main Title » – Joseph LoDuca]
Et ce… au-delà de mon obsession… pour deux raisons. D’abord parce qu’elle s’est, elle-même, retrouvée gladiatrice… dans l’arène et face à Jules César en personne… Après d’ailleurs qu’elle ait kidnappé… Crassus ! Oui, celui-là même qui a causé la défaite de Spartacus… C’était en saison 3, dans le bien nommé épisode « When in Rome… »
[« Xena, Warrior Princess – Fighting Destiny » – Joseph LoDuca]
Deux ans plus tard, elle a également dû combattre sa propre fille… toujours dans une arène… dans « Livia » : le vingtième épisode de la saison 5 donc…
[« EXTRAIT SONORE : XENA, SEASON 5 »]
Mais c’est surtout pour un épisode en particulier de la toute première saison que je vous parle de tout ça. Un épisode tout simplement brillant. Il faut savoir qu’à l’époque, en 1996, il arrivait régulièrement que la production d’une série doive faire face à l’absence de son ou de sa comédienne principale durant une, voire plusieurs semaines… Du coup, ils écrivaient, un peu à la va-vite, une aventure clipesque, favorisant la rediffusion de nombre d’extraits ou séquences provenant d’épisodes précédents. Généralement au gré de l’évocation de souvenirs sous forme de flashback. Ici, dans « Athens City Academy of the Performing Bards », les scénaristes R.J. Stewart et Steven L. Sears ont eu une idée de génie… Gabrielle, la fidèle alliée de Xena, tente d’intégrer une prestigieuse école de conteurs et entreprend donc de narrer ses exploits passés au côté de la Princesse Guerrière… Ainsi peut-on revoir lesdites séquences du passé. Mais Gabrielle n’est pas seule ! Et ses concurrents peuvent eux aussi compter sur des images préexistantes pour illustrer leurs récits respectifs… Dans le cas de Stallonus, assez vulgairement porté sur l’action brut de décoffrage, ce sont des extraits des films Hercules réalisés à la fin des années 50 par Pietro Francisci, avec Steve Reeves dans le rôle principal et des partitions d’Enzo Masetti qui accompagnent son… enthousiasme…
[« Le Fatiche di Ercole – Theme » – Enzo Masetti]
Et plus la qualité des récitants et de leurs histoires évolue, plus la qualité elle-même des films qu’ils empruntent se veut croissante. Aussi, lorsque le dernier participant au concours, qui se révèle être Homère, prend enfin la parole… C’est le grand final du Spartacus de Stanley Kubrick qui apparait à l’écran… Oui… tout ça dans un épisode de Xena ! C’est à la fois drôle, aussi pertinent qu’inattendu… tout en rendant le plus vibrant des hommages à ces œuvres fondatrices de l’aventure et de la fantasy à l’écran. De toute façon, je ne le dirai jamais assez : Xena est une grande, grande série…
[« Xena, Warrior Princess – Funeral Pyre » – Joseph LoDuca]
Mais trêve de fausses digressions… Même s’il ne faut pas oublier que Lucy Lawless a par la suite incarné Lucretia dans la série TV, Spartacus, également produite par le tandem Robert Tapert et Sam Raimi, cette fois en 2010… et toujours avec Joseph LoDuca à la musique… Comme quoi, tout est lié.
[« Spartacus, Blood & Sand – We Are Gliadiators » – Joseph LoDuca]
L’idée de remettre les films de gladiateurs au goût du jour revient au scénariste David Franzoni, depuis qu’il est tombé un beau jour sur le livre Those About to Die, écrit en 1958 par Daniel P. Mannix et récemment adapté en série sur Amazon Prime, avec Anthony Hopkins dans le rôle de l’Empereur Vespasien… Celui-là même qui a ordonné la construction du Colisée à partir de 72 après Jésus Christ… Toutefois, Franzoni considère ce livre comme plutôt médiocre en termes de reconstitution historique… mais il a le mérite de redéfinir les jeux en qualité de spectacle moderne… Parallèlement, il établit le constat, amer, qu’il n’y a plus de vrai bon péplum au cinéma depuis plus de 40 ans… C’est un fait… Dans les années 1990, il est déjà loin le temps des Quo Vadis… 1951… ou des Ben-Hur… 1959…
[« Ben-Hur – The Miracle » – Miklos Rozsa]
Non, l’image que l’on garde malheureusement de ces gladiateurs de l’époque est plutôt celle, désuète, des productions italo-espagnoles type Il Gladiatore Invicible, Il Gliatore di Roma ou encore I Due Gladiatori… Tous mis en musique par Carlo Franci dans le courant des années 60…
[« Il Gladiatore Invicible – Theme » – Carlo Franci]
Le destin veut que ce soit à Rome que David Franzoni écrive le scénario d’Amistad pour Steven Spielberg en 1997… Et c’est là qu’il a le déclic. Sa lecture de Those About to Die lui revient en tête et, cette fois, ne le lâche plus. La question qu’il se pose en priorité est alors celle-ci : qu’est-ce que le péplum, cet art du passé, pourrait bien exprimer, aujourd’hui, à propos de nos rêves contemporains ? Et si ce Gladiator en devenir constituait non pas un film historique sur la Rome Antique, mais plutôt une projection vers le Los Angeles de dans 1000 ans plus tard ? Et si le Colisée était ni plus ni moins que le Dodger Stadium ? Et si Proximo était quant à lui un agent de la CIA ? Pas formellement… Mais dans l’idée. En gros… Et si cette arène mythique, le Colisée de Rome, et ses jeux d’antan, étaient l’équivalent de l’entertainment hollywoodien moderne ? Une question qui aura d’ailleurs encore bien plus de résonnance quand viendra l’heure de Gladiator II… En d’autres termes, se pourrait-il que son Gladiator parvienne à transcender sa propre condition et à toucher les gens… intimement et profondément ?
[« Gladiator – Now We Are Free » – Hans Zimmer & Lisa Gerrard]
Pour se faire, il faut coller à l’humain. Privilégier l’écriture des personnages à leur véracité historique. Qu’importe si l’Empereur Commode fut en réalité assassiné par son Maître d’armes, Narcisse, sur ordre du Sénat et non dans un duel à mort contre un certain Maximus en plein cœur du Colisée… Qu’importe encore que, à ce moment-là, sa sœur Lucilla a déjà été tuée par ses propres gardes impériaux après avoir été exilée à Capri… Qu’importe aussi si, en fait, il est resté pas moins de 5 ans sur le front germain en compagnie de son père Marc-Aurèle avant que ce dernier ne meure de la variole… Franzoni écrit un péplum. Un genre de réalité alternative où les historiens n’ont pas véritablement le droit à la parole. Après tout, les gladiateurs divertissaient les foules… Le sien fera donc de même.
[« Gladiator – Homecoming » – Hans Zimmer]
Mais Maximus Decimus Meredius n’existe pas. Il existe bien des traces d’un général émérite qui disparait mystérieusement au moment où Commode accède au pouvoir… Mais ça s’arrête là. D’ailleurs, dans un premier temps, le script de Gladiator ne met absolument pas l’accent sur la vengeance. Sa femme et son fils sont même supposés rester en vie. Et lui aussi. Le voyage du film ne devait être qu’un long retour au foyer… Ce n’est que bien plus tard dans le processus de production que les choses ont évoluées… Avec l’entrée en scène de deux autres scénaristes émérites… dont John Logan… qui vient de finir L’enfer du dimanche pour Oliver Stone. Quelques années plus tard, on lui devra ni plus ni moins que Skyfall, l’un des meilleurs James Bond ever, et la série télé Penny Dreadful… qui, elle aussi, se pose là et bien là. Souvenez-vous…
[« Penny Dreadful – Let It End » – Abel Korzeniowski]
Après avoir convaincu Steven Spielberg et Walter Parkes à jouer les producteurs, David Franzoni se met en quête d’un réalisateur de talent et, avant tout, capable de créer un univers alternatif cohérent… Un genre de… Blade Runner version Rome Antique… Tiens, mais comment réagirait donc Ridley Scott s’il lui proposait le projet ?… Et c’est Walter Parkes qui se charge de lui en parler. Sans même prendre rendez-vous avec lui, il va directement le trouver à son bureau… toque à la porte et lui demande : « t’aurais pas 20 minutes à me consacrer ? ». Le réalisateur le laisse entrer et Parkes pose devant lui une reproduction du tableau « Pollice Verso », de Jean-Léon Gérôme, datant de 1872. Le producteur ne le sait pas encore, mais à l’instant même où Ridley a posé son regard dessus, la partie était gagnée. Il faut dire que ce même tableau avait déjà inspiré Enrico Guazzoni pour son Quo Vadis… Mais attention, celui de 1913, hein… pas le Mervyn LeRoy de 1951, si dignement mis en musique par Miklos Rozsa…
[« Quo Vadis – First Arena Fanfare » – Miklos Rozsa]
Au fil du développement, il est finalement décidé que la famille de Maximus doit mourir… Essentiellement afin de faire resurgir sa romance passée avec Lucilla… qui, quant à elle, était censé se suicider ! C’est fou quand même comme un projet peut évoluer en cours de route… Entre temps, Russell Crowe et Connie Nielson sont engagés… de même de Joaquin Phoenix… et il est bientôt l’heure de planifier la première lecture du script finalisé. Et là… C’est la catastrophe. Rien ou presque ne fonctionne. Les enjeux, les motivations… L’essence-même des personnages principaux… Rien ne ressort vraiment du lot. Tant pis… Le tournage doit commencer coute que coute ! Pendant que Ridley Scott part donc shooter ses premiers plans – essentiellement d’action, du coup – sans même savoir ce qu’il va finalement raconter, David Franzoni fait appel à William Nicholson… qui va avoir la lourde tâche de réécrire Gladiator en… deux semaines seulement.
[« Gladiator – The Might of Rome » – Hans Zimmer]
C’est lui qui introduit cette idée géniale du lien avec l’au-delà. En usant du langage ésotérique, le héros peut mourir… et gagner quand même. S’il est porté par l’espoir de retrouver les siens dans l’autre vie, tout devient soudain plus poétique. Plus noble et, surtout, moins nihiliste. La vengeance, bien qu’assouvie, n’est plus le moteur mais l’outil de ces retrouvailles. L’idée initial du retour au foyer redevient donc possible, tout en dynamisant un récit par là-même tout à coup plus accessible au public féminin. Oui… Il y a 25 ans, les équipes de production résonnaient encore comme ça… Et ça tombe bien, le compositeur choisi pour illustrer tout ça… Hans Zimmer… entend bien, lui aussi, nous charmer à travers une bonne part de féminité…
[« Gladiator – Rome is the Light » – Hans Zimmer & Lisa Gerrard]
L’histoire de Gladiator est donc celle de Maximus, général victorieux que l’Empereur Marc-Aurèle souhaite voir lui succéder au trône. Ce qui est sans compter sur la détermination de son fils, Commode, à s’imposer au pouvoir. Ce dernier assassine donc son propre père et demande à ses hommes d’aller, discrètement, se débarrasser de ce général décidément devenu de par trop gênant. Fort et habile, Maximus parvient à se libérer et à rejoindre son Espagne natale… Juste à temps pour pleurer la perte de sa femme et de son fils, que Commande n’a pas manqué de faire également éliminer. Anéanti, il est rapidement fait prisonnier puis vendu comme esclave, avant de se retrouver enrôler de force parmi les gladiateurs. Une position dans laquelle il excelle et qui devrait lui permettre de monter jusqu’à Rome où, avec autant de chance que de dextérité, il pourrait bien finir par se retrouver face à face avec Commode et, ainsi, rendre justice à sa famille disparue. Dans le même temps, il retrouve son amour de jeunesse… Lucilla… la sœur de Commode… qui ne tarde pas à lui présenter son (encore) jeune fils… Lucius Verus.
[« Gladiator – Secrets » – Hans Zimmer & Lisa Gerrard]
Comme précisé précédemment, tout cela est donc inventé de (presque) toutes pièces… Néanmoins, il reste vrai que Commode descendait régulièrement se battre dans l’arène. On lui prête même jusqu’à 735 victoires ! Contre… des gladiateurs munis uniquement d’épées en bois, pendant que lui maniait de l’acier… Fairplay, non ?! Il se prend littéralement pour un Dieu… Se déguise en Hercules… et entreprend même de renommer Rome « La Colonia Commodiana » ! Nous sommes en 192 après Jésus Christ et son orgueil, mélangé à sa folie, va rapidement conduire aux prémices du déclin de l’Empire Romain. Sous son règne, la famine et la pauvreté sont à leur apogée… Après son assassinat par son Maître-Gladiateur Narcisse, le traité de paix avec la Germanie devient caduc… l’invasion reprend… Le Colisée connaitra encore quelques grands jeux… jusqu’à ceux de Symmaque, dirigeant du Sénat et non Empereur, en 401.
[« Gladiator – Elysium » – Hans Zimmer & Lisa Gerrard]
Si Rome a été fondée en -753, le Colisée n’a quant à lui été fini d’ériger qu’en 80 après Jésus Christ et inauguré avec 100 premiers jours de jeux commandités par l’Empereur Titus… Et les deux premiers gladiateurs à y avoir combattu furent Priscus (qui signifie Primitif) et Verus (qui veut dire Vrai, ou plus précisément, le Meilleur). Leur histoire est tellement incroyable qu’elle pourrait faire un grand film… Les deux hommes se connaissent bien et se respectent mutuellement. En un sens, ils sont presque des amis… Du moins, autant qu’on peut l’être dans pareil contexte. Hors, il s’agit d’un combat à mort avec, en prime, une promesse d’affranchissement pour le vainqueur ; symbolisé par le bâton que lui remettra l’Empereur en personne une fois son adversaire à terre… Contre toute attente, le combat dure des heures. Les deux combattants offrent à la foule une leçon de force, de courage et d’endurance comme personne n’en a encore tout simplement jamais vu… Blessés, épuisés… Ils finissent par tomber tous les deux, côte à côte et totalement à bout de force. Titus se tourne alors vers le peuple pour tenter de voir vers qui leur cœur balance… En vain. Le public est subjugué… L’Empereur descend dans l’Arène… Observe longuement les deux hommes allongés dans le sable… Deux champions, deux héros… Mais… Un seul bâton. En un geste fort, il casse alors le bâton de la liberté contre sa cuisse… et en tend un morceau à chacun des deux gladiateurs… libres et vivants, tous les deux.
[« Gladiator – Honor Him » – Hans Zimmer]
Voilà. C’est trop classe. Il fallait vraiment que je vous raconte cette histoire, transmise au fil des siècles par les écrits du poète Martial, bel et bien présent au Colisée ce jour-là, via ses fameux Epigrammes. Parmi les gladiateurs les plus illustres de Rome, citons également Carpophore qui, en 83, survivra aux attaques successives de pas moins de 20 animaux sauvages… Mevia, en 107, la première femme gladiatrice engagée volontaire !… Ou encore Ignace d’Antioche, chrétien martyr devant lequel le lion se serait couché avant de, finalement, l’exécuter… Un peu à l’image de Maximus, son sacrifice fait de lui un vainqueur… il vient d’embraser le berceau du christianisme… Même si ce n’est qu’en 312 qu’un empereur romain, en l’occurrence Constantin, se convertira. Ouaip… Tout cela est véritablement passionnant… Mais bon, revenons-en un peu au cinéma, et surtout… à la musique.
[« Gladiator – Earth » – Hans Zimmer]
Courant 1999, Ridley Scott décroche son téléphone et passe un simple coup de fil à Hans Zimmer. Il lui demande alors…
[« EXTRAIT SONORE : Y A-T-IL UN PILOTE DANS L’AVION »]
Et, dans la mesure où Zimmer accepte bien entendu sa proposition, il le recrute sur le champ. C’est-à-dire dès la première semaine de tournage ! L’idée est qu’il compose la majeure partie de la partition avant que Scott ait fini de filmer. Et ce, afin que le monteur Pietro Scalia ait une musique sur laquelle s’appuyer. Ce qui permet d’éviter d’avoir recours à des bandes temporaires et d’imprégner directement le film de la substance qui sera effectivement la sienne. Naturellement, il ne peut commencer qu’en concevant des bribes de thèmes. Des motifs. Qu’il achèvera plus tard en fonction du montage final… Son idée principale est d’éviter les clichés et le classicisme… C’est pourquoi il décide de s’associer à Lisa Gerrard, LA voix du groupe Dead Can Dance, d’une part… mais aussi au joueur de duduk Djivan Gasparian d’autre part. D’ailleurs, dans ce second cas, cela devient carrément une obsession…
[« Gladiator – Duduk of the North » – Hans Zimmer]
Pour Hans Zimmer, le duduk représente le son le plus envoutant et le plus solitaire qui soit. A ce moment-là, Gasparian a déjà 72 ans et ne quitte jamais son Arménie natale… Qu’importe, Zimmer est convaincu qu’il arrivera à le convaincre… et compose ces parties tout spécialement pour lui. Eh là, miracle, il apprend que le musicien va justement venir passer deux semaines à Los Angeles ! Ils se rencontrent… ça matche, bien que Gasparyan ne parle pas un mot d’anglais… et ils enregistrent à eux seuls de quoi remplir l’équivalent de trois CD ! Un pari audacieux mais payant… Effectivement : ce son si spécifique compte pour beaucoup dans l’effet que peut produire l’écoute de Gladiator… C’est sûr qu’on est loin des sonorités d’antan d’un Demetrius and the Gladiators, la suite de The Robe, mis en musique par Franz Waxman en 1953…
[« Demetrius and the Gladiators – Gladiator March » – Franz Waxman]
Pour Lisa Gerrard, c’est un peu la même chose… C’est le destin qui est en marche. Normalement, elle ne devait venir que quelques jours pour enregistrer ses voix… Mais finalement, elle est restée plusieurs mois. Elle et Zimmer ont réellement collaboré à la conception musicale… Ce qui lui vaut même de figurer à ses côtés en tant que co-compositrice sur la pochette de l’album ! Pourtant, au départ, ce n’était pas gagné ! Car elle avait ni plus ni moins refuser le projet. Le fait est qu’elle venait de travailler sur le film Révélations, déjà avec Russell Crowe, et qu’elle n’avait pas envie d’être étiqueter dans une case quelconque. Mais Zimmer ne se démonte pas ! Il demande à Ridley Scott d’envoyer des rushes des premières images tournées à la musicienne, qui est alors en Australie, dans l’espoir de la convaincre. Là encore, son obsession l’emporte… Séduite par ce qu’elle voit, Lisa Gerrard accepte finalement… S’envole pour L.A. et tombe sur le charme du personnage de Lucilla ; qui lui inspire ses propres premières idées et sensations musicales… Le destin je vous dis…
[« Gladiator – Now We Are Free (Live, October 2000) » – Hans Zimmer & Lisa Gerrard]
C’était en concert, à Gent le 10 octobre 2000… Et j’avais la chance d’être dans la salle… Je peux vous dire que vivre un moment pareil l’année-même de la sortie du film… C’était… Hors du temps… A sa sortie, le film est autant un phénomène qu’un carton… Gladiator remporte cinq Oscars parmi les plus prestigieux… Meilleur film, meilleur acteur pour Russell Crowe, meilleurs costumes, meilleurs effets visuels et meilleur son… Rien pour Hans Zimmer, en revanche, qui s’incline face au Tigre et Dragon de Tan Dun. Pour le coup, c’est dommage… Car s’il y a bien un Hans Zimmer qui aurait mérité de le faire gagner, c’est bien celui-là… En toute logique, le succès appelle au développement d’une suite. Mais comment faire ? Gladiator, c’est Maximus… et de fait Russell Crowe. Du coup, parler d’un Gladiator II, déjà à l’époque, ça fait un peu l’effet d’un Titanic II… Comment procéder dès lors que l’on a tué notre héros ? Mais Ridley Scott, David Franzoni et John Logan ont leur idée… Entre des flashbacks et le développement plus poussé de cette notion onirique d’au-delà introduite dans le premier, faire revenir Russell Crowe reste aussi possible que cohérent. De plus, une petite ellipse de 15 ans dans le récit pourrait servir à lever le voile sur le doute qui plane encore sur les origines du jeune Lucius… Le doute s’étant insidieusement immiscé… en faire le fils légitime de Maximus représente la parfaite suite logique. Aussi, sur ces bonnes bases, un premier script est-il finalisé dès septembre 2003… Il y a donc 22 ans de cela…
[« Gladiator II – Lucius, Arishat and the Roman Invasion » – Harry Gregson-Williams]
Toutefois, ça part un peu en couilles, quand même. Dans une seconde version datant de 2006, réalisateurs, scénaristes et producteurs se dirigent de plus en plus vers le fantastique… Car oui, finalement, Maximus reviendrait bel et bien d’entre les morts ! Gladiator II s’appelle alors Christ Killer et l’ancien héros revient du purgatoire pour devenir un guerrier immortel… Sa mission : tuer Jésus Christ et ses disciples et, se faisant, étouffer dans l’œuf l’éclosion du christianisme. Pire encore, Maximus était même supposé traverser les époques et se battre durant la Seconde Guerre Mondiale, et même au Viet-Nam… Là, on nage quand même bien dans le foutrak… Heureusement : Dreamsworks Pictures connait quelques difficultés financières et se retrouve dans la nécessité de vendre certains de leurs droits… Gladiator fait partie de ceux-là. Le projet, et c’est tant mieux, se perd alors dans les limbes juridiques… Et ce n’est qu’en 2018 que Paramount est en mesure de reprendre le flambeau, autour d’une histoire beaucoup moins… comment dire ?… Certes assurément moins originale mais, au moins, dans la digne, sincère et directe continuité de l’original.
[« Gladiator II – City of Rome » – Harry Gregson-Williams]
C’est le scénariste David Scarpa qui se charge d’entreprendre le délicat exercice de style que représente Gladiator II… Tout en revenant constamment au premier, il ne doit pas se transformer en banal remake… Il ne doit pas non plus se cantonner aux enjeux du Colisée… Il faut élargir le spectre… Construire de nouveaux personnages pour mieux (re)mettre les anciens en avant… Du moins, les survivants… Et, bien que Russell Crowe ne soit pas de la partie… Parvenir à faire planer l’ombre… l’Aura de Maximus durant les quelques 2h30 de projection… A mon sens, il y parvient parfaitement. Dans un premier temps, on croit assister à une redite… Lucius connaissant peu ou prou l’exact même destin que son père… Le soldat qui perd sa femme… devient prisonnier de guerre puis gladiateur… s’illustre dans l’Arène dans le seul but de se retrouver face à face avec l’homme qu’il tient pour responsable de la mort de sa bien-aimée… Mais, mais, mais…. A mi-parcours, tout bascule gentiment vers d’autres enjeux… Plus vastes… Plus politiques… Le méchant n’est plus si méchant… Et peut-être même pas du tout celui que l’on croit. L’action est massive, maitrisée, brutale… Toujours plus grand… Toujours plus spectaculaire… Comme à Rome à l’époque… Et comme à Hollywood aujourd’hui…
[« Gladiator II – Macrinus’s Plan » – Harry Gregson-Williams]
Dans l’Arène, Ridley Scott est comme un poisson dans l’eau… Ou plutôt un requin dans le cas présent… Il renoue avec le style de son premier opus avec le même panache, la même appétence, la même maîtrise et, indéniablement, le même talent. Il inclut des envies inassouvies au moment de Gladiator I… Notamment une séquence impliquant un rhinocéros… Il se permet les plus folles excentricités en termes de divertissement et de grand spectacle… Bien sûr qu’il va trop loin ! Il le sait parfaitement ! Encore une fois, il ne cherche pas à reproduire fidèlement cette Rome-là… Mais plutôt en faire ressentir la démesure… la surenchère que représentaient les jeux. Seulement, il le fait avec les codes du cinéma américain… Ce qui se déroule dans l’arène doit paraître plus grand que nature… Les jeux d’alors étaient l’équivalent des blockbusters d’aujourd’hui… Alors oui, il remplit le Colisée d’eau de mer… y fait s’affronter des navires… et dévorer les combattant par des grands requins blancs… Oui, c’est n’importe quoi. Mais putain, c’est fun. Succulemment outrancier… Et, dans l’intention, finalement pas si loin que ça de ce que les Empereurs successifs ont toujours chercher à accomplir au nom de l’endormissement des foules…
[« Gladiator II – Angry Baboons » – Harry Gregson-Williams]
Avec son budget de 250 millions de dollars… rappelons que Gladiator I n’en avait coûté que 100… et ses comédiens tous parfaitement dévoués à la cause… Danzel Washington, Paul Mescal et Joseph Quinn en tête… Gladiator II renoue avec le cinéma d’aventure et d’envergure « pour garçons » que l’industrie n’a pas manqué de négliger depuis un certain temps déjà. Et ouais… on va pas s’mentir, ça fait du bien. Un vrai héros… à l’ancienne… Avec ses valeurs et sa vision d’un monde meilleur…
[« EXTRAIT SONORE : GLADIATOR II »]
Quant à la musique de Harry Gregson-Williams… que beaucoup ont dénigrée… je dirais qu’elle est à l’exacte image du film. Elle ne cherche ni à singer ni à se comparer à celle du premier. Gladiator est un film culte… un chef d’oeuvre possiblement éternel et, aussi bon soit-il, Gladiator II n’atteindra jamais pareil statut. D’ailleurs, il ne cherche pas à le faire. Eh bien pour la musique c’est exactement pareil… la proposition d’Harry Gregson-Williams a-t-elle la puissance, la résonnance, l’Aura de celle d’Hans Zimmer. Non. Effectivement pas du tout. Mais est-elle pour autant mauvaise ?! Je peux vous garantir que non. Loin s’en faut. Son approche acoustique et ethnique, extrêmement accès sur le rendu des voix et des percussions est à la fois en place et approprié… y compris lors de ses (suffisamment rares) reprises de thèmes… qui tombent toujours juste et font parfaitement leur petit effet…
[« Gladiator II – Strength and Honor » – Harry Gregson-Williams]
Vous l’aurez compris, je ne peux que vous encourager à donner ou à redonner une chance à ce Gladiator II trop vite rangé dans la catégorie des films mal-aimés… Sans toutefois chercher à renier l’impact, unique, qu’aura laissé le premier dans l’Histoire du cinéma avec un grand H. Car bien sûr qu’en son temps, Gladiator était un miracle… qui n’a d’ailleurs absolument rien perdu de sa superbe ; même 25 ans après. La force de son récit… le charisme de son principal comédien… L’alchimie images/son qui fait encore et toujours de sa BO l’une des plus vendues et aimées de tous les temps… Tout ou presque fait de lui cet objet rare et intouchable du septième art… N’empêche… Sa suite aussi a été faite avec force… et honneur. Allez, en espérant vous avoir un tant soit peu convaincu, je vous quitte sur un extrait qui, à lui seul, a presque constitué la première vraie suite officielle du premier Gladiator… Car, dans la foulée et la même année, Hans Zimmer et Lisa Gerrard se retrouvaient sur… une autre suite. Celle de Mission Impossible, dynamisée par John Woo et shooté à la gloire d’un Tom Cruise plus magnifié que jamais… Le morceau s’intitule « Injection »… Il a bel et bien été composé pour ce Mission Impossible II mais… fermez les yeux… Et je suis sûr que c’est en réalité la grandeur éternelle du Colisée que vous imaginerez…
[« Mission Impossible II – The Injection » – Hans Zimmer & Lisa Gerrard]
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