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Hugo Chavez à double tranchant

Hier soir, le Commandante a été emporté par un cancer. Depuis quelques mois, le Venezuela s’était préparé à la mort de son héros. Un démocrate révolutionnaire pour certains, un dictateur populiste pour les autres, Hugo Chavez a beaucoup fait parler, rêver mais laissera une trace indélébile dans l’échiquier politique mondial. 

La fameuse « révolution socialiste » s’est terminée hier soir. Chef de l’état vénézuélien depuis 1998, Hugo Chavez aura su porter un nouvel élan à son pays tout en entretenant des relations dangereuses avec les dictateurs les plus influents de la planète. Réélu en 2012, l’ancien putschiste n’aura tout au long de sa vie laissé personne indifférent, fait beaucoup parler. Avec sa mort, quels souvenirs resteront dans les mémoires ? Ceux de cet homme dont le culte de la personnalité et les attitudes dictatoriales auront fait débattre toute au long de sa brillante carrière politique, ou plutôt, ceux de ce politique marxiste qui sera parvenu à relever son pays de manière démocratique quasi irréprochable durant 14 ans ?

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L’obsession du pouvoir au corps

A trois reprises depuis 1998, Hugo Chavez avait été réélu aux urnes, pas plus tard qu’il y a quelques mois, de façon démocratique authentique malgré les quelques soupçons de fraudes jamais confirmés. Sa culture politique, empruntée au bonapartisme social, son idéologie marxiste, auront pourtant beaucoup inquiété, tant la détresse et l’aveuglement des vénézuéliens au moment de son élection en 1998 étaient grands. Capable de modifier la constitution à sa sauce, son utilisation du plébiscite comme plus grande force de frappe lui aura valu tout au long de sa carrière un soutien constant de la majorité de son pays. A l’annonce de sa mort, des milliers de fidèles (oui, Hugo Chavez était comparable à Dieu au Venezuela) se sont retrouvés devant l’hôpital où était soigné le Commandante pour prier, et se recueillir. Mais au delà de ça, ses faits d’armes politiques l’ont conduit à cette position, à la façon de Staline à l’époque de l’Union Soviétique. Au Venezuela, toute forme d’opposition politique était pendant longtemps systématiquement reléguée au rang de contre-pouvoir comparé à l’ennemi américain, qualifié du diable, notamment à l’époque de George W. Bush.

Mais quoi qu’on en dise malgré le fort soutien populaire que Chavez a reçu lors de la dernière élection, il le doit à sa modification de la constitution en 2009. Adopté par référendum, cette réforme lui aurait permis de siéger à la tête de l’Etat jusqu’en 2021. Depuis toujours, ces actions allaient dans ce sens. En 1999, un an après son accession au pouvoir, Hugo Chavez instaura la « République bolivarienne du Venezuela », sorte d’hommage à Simon Bolivar figure de l’émancipation des colonies espagnoles en Amérique du Sud, et le principe des « référendums révocatoires », droit civique unique au monde permettant au peuple de se prononcer pour la révocation du président en poste à mi-mandat. Simple histoire de renforcer son monopole politique, ce qui aurait pu lui couter cher en 2004, mais 58% des votants s’étaient prononcés contre la révocation du président Chavez.

Tribun populaire, harangueur des foules reconnu et respecté, Hugo Chavez aura porté tout au long de sa vie un costume de Robin des Bois, redistribuer les richesses pour faire avancer son pays en envoyant les « chemises rouges » de son parti, le PSUV. Chavez a su bâtir au cours de ses trois mandats présidentiels, un soutien unique dans le monde basé sur un culte de la personnalité sans faille. Ses slogans parlaient pour lui lors de ses « shows » : « Chavez ne ment pas, Chavez ne se rend pas, Chavez est le peuple, Chavez est la vérité, Chavez, c’est vous tous ». Sa légende ne fut que plus intense à l’annonce de son cancer qu’il a soigné à Cuba et qui lui sera finalement fatal.

Mais là où les critiques occidentales se furent plus importantes se porte sur les relations intimes entre Chavez et les autres dictateurs. Tout au long de sa carrière, Hugo Chavez aura alimenté la controverse, recevant des armes de son cher ami Poutine, entretient des relations resserrées avec l’Iran de Mahmoud Ahmadinejad, ennemi numéro un des Etats-Unis, a flirté avec la Libye de Kadhafi et a clamé son soutien au régime de Bachar al-Assad. Comme preuve de démocratie, on a connu mieux. Son adversaire de 2012, Henrique Capriles, s’en servira comme argument massif de campagne.

Cette reconnaissance populaire, Chavez le devait également à l’importance de l’armée, qui assure pour le moment l’intérim d’ailleurs durant la transition politique. Victime d’un coup d’Etat en 2002, ce lieutenant-colonel du son salut politique à l’influence de l’armée dont il avait le contrôle total, sans oublier que l’an dernier deux membres de l’opposition furent abattus.

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L’icone Chavez

Si il y a bien une chose que l’on ne pourra jamais reprocher à Hugo Chavez c’est que ces décisions et avancées politiques ont toujours été réalisées avec le peuple. Excepté sans aucun doute la décision de légiférer par décret promulguée par l’Assemblée chaviste, le président Chavez a très souvent convié son peuple aux urnes pour voter sur ses décisions, ceci alimentant sa position incontestée à la tête de l’Etat.

Controversé pour certaines attitudes, Chavez possède les chiffres avec lui. Elu en 1998 sur un programme social au dépend des classes populaires, le président populiste aura, au dessus de la dépendance de son pays à sa rente pétrolière d’un point de vue économique, fait progresser le pays. Si il a toujours proclamé sa haine viscérale envers les Etats-Unis, client pétrolier numéro un, Chavez n’aura jamais dépassé la ligne rouge. Sous sa coupe, le PIB du Venezuela aura triplé, le chômage a été divisé par deux, la pauvreté réduite à 10 % de la population vénézuélienne, et l’analphabétisme abaissé de moitié.

Facteur de démocratie indéniable, malgré les rabaissements constants de l’opposition, Hugo Chavez aura toujours eu du respect pour ses opposants politiques, dans les faits du moins. La montée en puissance de Henrique Capriles durant la dernière élection n’en sera qu’un parfait exemple. Le 12 février dernier, l’opposition a instauré sa première primaire en vue des élections présidentielles. Seul trois millions de personnes ont voté, soit 16 % du corps électoral vénézuélien. La mort de Hugo Chavez pourrait relancer la possibilité de voir une alternance politique au Venezuela.

Les faits sont là. La démocratie vénézuélienne a toujours été ancrée dans le chavisme malgré le comportement de son représentant. La question que tout le monde se pose est simplement, et maintenant ?

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