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La Libye, fief du terrorisme

La Libye est le nouveau hub du djihadisme en Afrique, c’est maintenant une véritable base terroriste menaçant l’Afrique du Nord et l’Europe. Daech se renforce depuis près de 2 ans le long de la côte libyenne sur un territoire qui fait maintenant 250 km de long autour de la ville de Syrte.  Profitant d’une situation de guerre civile à l’intérieur du pays, l’organisation terroriste tente maintenant de s’implanter dans le sud du pays, une région pétrolifère synonyme d’enrichissement et donc d’une montée en puissance.

une colonne de véhicules de l'Etat Islamique en 2015 dans les environs de Derna en Libye

une colonne de véhicules de l’Etat Islamique en 2015 dans les environs de Derna en Libye

Un pays au bord du gouffre 

On estime aujourd’hui entre 3000 à 5000 le nombre de combattants de Daech en Libye. Cependant celui-ci est extrêmement variable et difficile à chiffrer si l’on prend en compte les différentes factions terroristes alliées à l’organisation le long de la côte libyenne.

Cependant, dans le cadre de  la guerre civile, on dénombre plus de 300 milices armées dans le pays, ayant chacune des effectifs allant de quelques dizaines jusqu’au millier d’individus. Pour ne citer que les plus importantes, nous avons notamment Ansar al-Charia, la Brigade du 17 février, la brigade Rafallah al-Sahati ou encore la  brigade des martyrs d’Abou Salim. Ces brigades ont des positions variables dans la guerre civile, cependant elles prônent toutes un Islam radical et effectuent des alliances ponctuelles avec Daech dans le conflit contre le gouvernement légitime de Tobrouk.

Ainsi, en regroupant les forces de Daech et l’ensemble des brigades islamistes considérées comme des groupes terroristes, on atteindrait une force combattante variant entre 6500 et 9500 hommes.

Contrairement à la situation en Irak, il était encore difficile il y a peu de temps de distinguer une ligne de front nette, les groupes terroristes avaient constitué des cellules  dans la plupart des grandes villes du pays, procédant à des attaques sporadiques pour disparaitre immédiatement (ou tout simplement se replier dans des quartiers dans lesquels le gouvernement n’a plus les moyens d’intervenir) et réapparaitre quelques jours plus tard.

De nombreuses brigades procèdent encore de la sorte dans les villes d’Ajdabiya ou encore Benghazi, qui sont en théorie sous le contrôle du gouvernement légitime de Tobrouk. L’action la plus spectaculaire du style fut l’attaque de l’aéroport de Tripoli en 2014, le bilan est lourd : 97 personnes sont tuées et 400 autres blessées. Depuis le début de la deuxième guerre civile libyenne (la première ayant entrainé la chute de Mouammar Kadhafi en 2011) en juillet 2014, on dénombre au 30 octobre 2015 au moins 4200 morts.

la fumée était visible à des kilomètres lors des combats dans l'aéroport de Tripoli le 26 juillet 2014

La fumée était visible à des kilomètres lors des combats dans l’aéroport de Tripoli le 26 juillet 2014

Mais désormais, la stratégie de Daech a changé en Libye: l’organisation terroriste utilise des méthodes de combat beaucoup plus conventionnelles dans le cadre d’une attaque coordonnée vers le sud du pays. Elles pénètrent à l’intérieur des terres, pour s’emparer des gisements de pétrole, permettant ainsi à l’organisation un enrichissement certain.

Comment en sommes-nous arrivés là ? 

Depuis l’intervention occidentale en Libye (en mars 2011) et la chute de Mouammar Kadhafi (en octobre de la même  année), la Libye  n’a pas su sortir du chaos qu’elle a connu. D’un Etat dictatorial, nous somme passés à un Etat tribal marqué par la lutte entre  les bandes rivales, favorisant un développement des groupes armés, rattachés ou non à des organisations terroristes.

Depuis l’été 2014, le pays est divisé en deux camps. Le gouvernement avait choisi de ne plus siéger à Tripoli mais à Tobrouk pour des raisons de sécurité. Par la suite, un second gouvernement s’est auto-proclamé, ayant à sa tête la coalition « Aube de la Libye », qui est soutenue entre autre par les frères Musulmans.

Depuis c’est une véritable guerre civile que se livrent les deux camps. Le premier (dit gouvernement de Tobrouk) reconnu par la communauté internationale, et le second (gouvernement de Tripoli) uniquement reconnu par le Qatar, le Soudan et la Turquie, qui sont aujourd’hui des Etats plutôt favorables à l’islam radical.

Les deux gouvernements s’épuisent depuis 2014 dans une lutte armée, les groupes terroristes ont pu facilement s’implanter, d’abord sous la forme de brigades islamistes locales puis par la suite ont pris de l’importance en faisant allégeance à des groupes comme Daech ou encore Aqmi. Ces groupes terroristes ont alors pu commencer à attirer des djihadiste étrangers, venant en très grande partie de Tunisie ou encore d’Algérie mais aussi du Mali.

en rouge : les territoires contrôlés par le parlement de Tobrouk, en Bleu et en Noir : les territoires contrôlés par daech et les autres brigades islamistes en vert : les territoires contrôlés par le parlement de Tripoli en jaune : les territoires contrôlés par les Touaregs

en rouge : les territoires contrôlés par le parlement de Tobrouk,
en Bleu et en Noir : les territoires contrôlés par daech et les autres brigades islamistes
en vert : les territoires contrôlés par le parlement de Tripoli
en jaune : les territoires contrôlés par les Touaregs

Une menace pour l’Europe et l’Afrique

La menace est énorme pour la Libye, elle l’est également pour l’Afrique mais aussi l’Europe. La Libye se situant à seulement 350 km des  côtes européennes, elle présente la base arrière idéale pour l’implantation de groupes djihadistes.

Déjà dans les années 80, la Libye était devenue avec Kadhafi une base de soutien logistique des opérations terroristes en Europe. Désormais, ce sont les nombreux groupes terroristes qui menacent notre continent en se confondant dans la masse des nombreux migrants passant par la Libye puis l’Italie, et pouvant ainsi frapper l’Europe en son cœur. Comme ce fut le cas avec deux des terroristes ayant participé aux attentats de Paris qui étaient passés par la frontière grecque en profitante du flot continu de réfugiés. La menace est donc bien réelle.

Dans une interview accordée à Jeune Afrique, Jean-Yves le Drian, ministre français de la Défense considère également l’implantation de djihadistes en Syrie comme une véritable menace et il ne faudrait  donc pas se concentrer uniquement sur la Syrie : «on voit arriver dans la région de Syrte des jihadistes étrangers qui, si nos opérations en Syrie et en Irak parviennent à réduire la base territoriale de Daech, pourraient être demain plus nombreux, et tout cela à 350 km des côtes européennes ». Le ministre de la Défense voit aussi la Libye comme un potentiel camp de formation de djihadistes européens, pouvant ensuite revenir et provoquer des attentats.

Mais la menace n’est pas que pour l’Europe. Jean-Yves Le Drian voit une menace directe pour l’ensemble du continent africain. En parlant de Daech en Libye : « Il y a un risque majeur que le lien s’effectue avec Boko Haram ». Si la stabilité de l’Afrique sub-saharienne est en jeu, la stabilité de l’ensemble de l’Afrique du nord pourrait également souffrir si la situation actuelle en Libye se dégrade, pouvant avoir un effet domino et ainsi provoquer par la suite une situation chaotique en Egypte, en Tunisie et en Algérie. Monsieur Le Drian déclare d’ailleurs lors de l’interview : « Je souhaite aussi que nos amis égyptiens et algériens se concertent pour que l’on trouve une solution. Leur propre sécurité en dépend ».

un blindé pris aux forces gouvernementales dans les rues de Syrte

Un blindé pris aux forces gouvernementales dans les rues de Syrte

Une solution politique ?

Ce dimanche lors du congrès de Rome, la communauté internationale a exhorté les deux Parlements libyens (à Tobrouk et Tripoli) à réaliser une union nationale afin de combattre Daech. Des accords devraient être signés demain entre les deux Parlements à Skhirat, au Maroc. Un gouvernement d’union nationale devrait être créé dans les quarante jours, d’après le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni.

Si ce pacte a lieu entre les deux gouvernements de Tripoli et de Tobrouk, il devrait permettre à la Libye de reconstruire son appareil étatique. Mais surtout de mettre en place une politique de lutte contre Daech, donnant par la même occasion un rôle aux différentes brigades armées dans le pays, évitant ainsi par la même occasion qu’elles basculent du côté terroriste. C’est donc une course contre la montre qui commence pour redresser le pays avant que la faillite de l’Etat libyen ne soit totale.

Cette unité nationale permettrait par la même occasion de lutter contre l’insécurité d’une manière beaucoup plus généralisée, mais également de sécuriser les frontières à l’Ouest avec la Tunisie et surtout au Sud avec le Mali. Cet axe entre le Mali et la Libye étant devenu la route de tous les trafics (d’armes et de drogues notamment) permettant à un grand nombre de groupes terroristes (Al-Shebab, Boko Haram, Ansar Eddine, Al-Mourabitoune, Aqmi) de se maintenir dans la région. Ces groupes étant les premiers bénéficiaires du trafic, en échangeant des drogues produites en Afrique Sub-saharienne contre les armes provenant des immenses stocks du régime de Kadhafi qui furent pillés en 2011.

le consulat américain en feu lors de l'attaque en 2012

Le consulat américain en feu lors de l’attaque en 2012

La Libye ne peut qu’espérer un retour progressif à la normale, ce qui sera un long chemin. Depuis juillet 2014, la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis mais également l’Algérie ou encore la Tunisie ont choisi de fermer leur ambassade en Libye, étant donné l’incapacité évidente du gouvernement de Tobrouk à garantir leur sécurité et cela depuis l’attaque du consulat américain de Benghazi le 11 septembre 2012, ayant alors entrainé la mort de l’ambassadeur américain.

Aujourd’hui, les vols assurés par des compagnies libyennes vers l’Europe sont interdits. Enfin, la Libye devait accueillir la CAN (coupe d’Afrique des Nations) en 2017. Mais ce ne sera pas le cas, une fois encore pour des raisons sécuritaires.

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