Vacciner les personnes sans domicile fixe demeure un véritable défi pour les structures sociales et médicales en France. Le Samusocial de Paris revient sur cette problématique et les moyens mis en oeuvre pour permettre aux populations les plus précaires d’accéder à la vaccination.
Cela ne fait aucun doute pour le Samusocial de Paris : les personnes sans domicile fixe, qu’elles vivent à la rue ou dans des hôtels sociaux, ont été particulièrement affectées par le Covid-19. Au-delà de l’arrêt brutal (bien que temporaire) de certains dispositifs essentiels, comme les maraudes et les distributions alimentaires, imposé par les restrictions sanitaires mises en place depuis mars 2020, les personnes sans domicile fixe ont également, pour beaucoup, dû faire face à une dégradation de leur état de santé en raison de l’arrêt des suivis médicaux, auparavant encouragé par les interventions des équipes mobiles du Samusocial de Paris.
Une population à risque
« Ces personnes ont généralement un état de santé précaire, avec une espérance de vie inférieure à la population générale. Elles sont surexposées aux formes graves du Covid-19 » explique Armelle Pasquet, Directrice du Pôle Médical et Soins du Samusocial de Paris. « On a subit de plein fouet la première vague » poursuit-elle. Dans les hôtels sociaux, qui demeurent des lieux collectifs disposant souvent de chambres partagées, la promiscuité entre les résidents a grandement favorisé la propagation du virus. « On a eu à gérer des clusters très importants, parfois presque impossibles à arrêter, dans certains de nos centres » déplore Armelle Pasquet.
L’enjeu principal ? Sensibiliser !
La vulnérabilité de ces populations les plus précaires a ainsi fait de la vaccination un véritable enjeu pour le Samusocial de Paris. Cependant, vacciner les personnes sans domicile fixe s’est avéré être une tâche particulièrement difficile. « Les personnes ancrées à la rue sont souvent très éloignées du soin : c’est déjà très difficile ne serait-ce que de prendre leur tension ou leur température », explique Anne-Ségolène Goumarre, Directrice des équipes mobiles du Samusocial de Paris. « L’idée de se faire vacciner est quelque chose de très complexe pour eux, et ça prend énormément de temps pour les convaincre », d’autant que l’accès à l’information reste limité. Les effets secondaires, les risques de thrombose, mais aussi les nouvelles technologies utilisées pour les vaccins, la rapidité avec laquelle les laboratoires ont pu les développer ainsi que le manque de recul que l’on peut avoir vis-à-vis d’eux sont ainsi à l’origine de nombreuses inquiétudes chez les personnes à la rue, pour beaucoup particulièrement réticentes à la vaccination.
Pour les trois intervenantes du Samusocial de Paris, l’un des points essentiels de leurs dispositifs de vaccination demeure ainsi la sensibilisation. « Les équipes d’infirmiers et de médecins qui vont faire de la vaccination sans sensibiliser, ça ne fonctionne pas. Les gens ont besoin qu’on leur explique le fonctionnement du vaccin, qu’on les rassure, qu’on essaie de les convaincre » explique Anne-Ségolène Goumarre. « Il faut (re)créer un lien de confiance et donner les moyens à cette population de faire leur propre choix », ajoute Sabrina Bertrand, responsable de la plateforme ‘AGATE’.
Notre enjeu est à la fois de sensibiliser, de créer un lien de confiance, et de déployer tous les moyens qui permettent aux personnes d’accéder à la vaccination.
Anne-Ségolène Goumarre, Directrice des équipes mobiles du Samusocial de Paris
Des actions ciblées dans tout Paris
Au cours de ces derniers mois, plusieurs dispositifs ont ainsi d’ores et déjà été déployés afin d’aider les personnes sans domicile fixe, avec ou sans couverture sociale, à accéder à la vaccination. Dans le 12e arrondissement de Paris, près du Bois de Vincennes, l’accueil de jour géré par le Samusocial de Paris (l’ESI) est parvenu à mettre en place des journées de vaccination avec l’aide de la Mairie de Paris. De nombreuses personnes — qui pour beaucoup vivent au Bois de Vincennes — ont ainsi pu se faire vacciner sur le site. Dans le 18e arrondissement de la capitale, qui concentre près de 30% des 5 000 personnes résidant dans les hôtels du Samusocial de Paris, quatre hôtels sociaux ont été le théâtre d’une campagne de sensibilisation qui s’est achevée ce lundi 19 juillet. Selon les estimations du Samusocial de Paris, près de 200 personnes auraient été touchées par cette action.
En parallèle, d’autres dispositifs ont été déployés pour permettre à ces populations précaires d’accéder à la vaccination. Entre autres, Delta — plateforme d’hébergement et de réservation hôtelière gérée par le Samusocial de Paris — a permis d’établir des partenariats permettant aux familles hébergées dans les hôtels sociaux d’avoir « un accès facilité aux centres de vaccination », explique Armelle Pasquet. Autre dispositif du Pôle Médical et Soins du Samusocial de Paris : la ‘Mission Migrants’, destinée à l’accompagnement des demandeurs d’asile primo-arrivants. Les équipes de la Mission Migrants ont ainsi déjà commencé à réaliser des vaccinations « soit sur site dans les centres pour personnes isolées dans le Nord de Paris, soit dans une halte humanitaire gérée par la Mairie de Paris, où l’on réalise des consultations plusieurs fois par semaine », précise la Directrice du Pôle Médical et Soins.
Enfin, depuis la fin du mois de mars, des campagnes de vaccination déployées dans les structures de soins et d’hébergement du Samusocial de Paris ont permis à de nombreux sans domicile fixe de se faire vacciner. À ce jour, 125 personnes hébergées ont été vaccinées ; 78 autres personnes hébergées ont également pu bénéficier d’une première injection.
Des résultats difficiles à estimer
« L’idée n’est pas de faire à leur place, » précise Sabrina Bertrand, « mais de de les aider dans leurs démarches pour qu’ils puissent accéder à la vaccination ».
Si les équipes du Samusocial de Paris ne peuvent ainsi obtenir qu’une estimation approximative du pourcentage de primo-vaccinés parmi la population ciblée par leurs dispositifs — pourcentage estimé comme proportionnel à celui de la population générale —, il est cependant presque impossible de définir le nombre de personnes à la rue ayant bénéficié d’une seconde dose. « On a des équipes de médiation qui font leur maximum pour pouvoir sensibiliser sur le bénéfice de la deuxième dose, mais elle n’est pas toujours honorée ou sanctuarisée » explique Armelle Pasquet. Cependant, pour la Directrice du Pôle Médical et Soins du Samusocial de Paris, une seule dose de vaccin vaut toujours mieux que pas de dose du tout ! « 15 jours après la première dose, le vaccin réduit de 70% le risque de formes graves. C’est déjà une protection partielle. » a-t-elle ainsi déclaré, précisant que les équipes mobilisées réalisent systématiquement des tests sérologiques aux personnes sans domicile fixe venant se faire vacciner afin de déterminer s’ils peuvent se passer d’une seconde dose de vaccin.
Par ailleurs, si l’utilisation d’un vaccin unidose (comme le vaccin Janssen) aurait pu répondre à cette difficulté d’administrer une seconde dose de vaccin, les indications en termes de critère d’âge ne sont pas particulièrement adaptées à la majorité de la population concernée.
C’est le même défi partout, que ce soit pour les publics de rue où les publics hôteliers : le défi, c’est de sanctuariser la deuxième dose.
Armelle Pasquet, Directrice du Pôle Médical et Soins du Samusocial de Paris
De nouveaux dispositifs déployés dans les prochaines semaines
En attendant, le Samusocial de Paris travaille déjà à l’organisation de nouvelles actions similaires à celle mise en place dans le 18e arrondissement, qu’ils espèrent pouvoir déployer dans les prochaines semaines. Cette fois-ci, une petite nouveauté sera cependant proposée aux personnes hébergées dans les hôtels sociaux : la présence d’équipes de vaccination sur site. « Pour l’instant, on est en train d’identifier les hôtels dans lesquels ces interventions seraient possibles » explique Anne-Ségolène Goumarre. Une tâche en effet complexe, puisque la présence d’équipes de vaccination suppose la mise en place de zones dédiée à l’administration des vaccins, avec un bureau isolé, un point d’eau ainsi qu’un réfrigérateur pour conserver les vaccins durant tout le déploiement de l’action.