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Les risques de la dématérialisation des services publics

Majoritairement envisagée comme un gain de temps et d’énergie, la dématérialisation des services publics n’est cependant pas exempté de risques.  C’est ce que le défenseur des droits, Jacques Toubon, met en avant dans un rapport publié lundi 14 janvier intitulé « dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics ». Dans ce dernier, la potentielle exclusion d’une partie de la population est pointée du doigt.

La dématérialisation à l’origine d’un accroissement des inégalités

Alors même que le service public doit en principe assurer un traitement égal, ininterrompu et adapté à tous les citoyens, la dématérialisation tend à aggraver des inégalités déjà présentes.

Une inégalité matérielle très forte notamment liée à l’organisation territoriale

La question de l’équipement

L’accès à des équipements informatiques est tout d’abord loin d’être généralisé.  Le rapport souligne ainsi que 19% des Français n’ont pas d’ordinateur chez eux et que 27% n’ont pas de smartphone. De plus, les démarches administratives nécessitent l’usage d’un scanner sans lequel la pleine autonomie de celles-ci est impossible.

Une potentielle aggravation de la fracture territoriale : le cas des zones blanches et grises en zones rurales 

Si le développement du réseau 5G constitue un enjeu très médiatisé, l’exclusion du réseau internet de certaines zones rurales est souvent oubliée. Cette réalité a pourtant des conséquences très fortes. C’est particulièrement le cas pour les habitants des zones blanches  où vit 0,7 % de la population soit 500 000 personnes. Caractérisées par une absence d’accès à une connexion internet fixe, les procédures administratives dématérialisées y sont tout simplement impossible.

D’autres sont également pénalisés puisqu’une connexion internet ne suffit pas si sa qualité est trop médiocre. C’est le cas dans les zones grises où vit plus d’un tiers des habitants des communes de moins de 1000 habitants.  Pour ces derniers, 15% des Français,  la simplicité de la dématérialisation est ternie pas le temps qu’elle leur prend. C’est particulièrement significatif concernant le téléchargement des pièces jointes, comme l’illustre le cas de Pôle emploi.  L’inscription sur le site de ce dernier dans des bonnes conditions internet étant déjà estimée entre 20 et 45 minutes.

Les territoires ultra-marins particulièrement pénalisés

La situation préoccupante des habitants de l’outre-mer en la matière est très largement soulignée dans le rapport. Seulement 50% des ménages Outre-mer sont ainsi raccordés à internet contre 81% en moyenne nationale. De plus, ces derniers n’ont pas bénéficié du développement des forfaits « low cost » alors même que le niveau de pouvoir d’achat y est moins important.  L’accès à internet leur coûte notamment environ 40% plus cher qu’aux ménages de l’Hexagone.

Une question de compétences, de confiance et d’habitude

En 2017, un tiers des Français se considère peu ou pas compétent pour utiliser un ordinateur.  Cela représente 18 millions de personnes tandis que 7 millions ne se connectent jamais à internet.
Apparait ainsi une véritable « fracture numérique » comme le souligne le rapport.
Les démarches administratives en ligne requièrent pourtant impérativement certaines aptitudes : savoir créer et gérer une boite mail, des mots de passe, un compte personnel, etc.

Tout cela est très largement lié à l’habitude informatique des usagers et cette dernière est fortement déterminée par le niveau social et culturel. Le taux de connexion à internet s’élevant à 94% pour diplômés de l’enseignement supérieur contre 54% pour les non diplômés.

Un rappel à l’ordre de la responsabilité des pouvoirs publics : la priorité d’un accompagnement adapté et personnalisé

Loin d’être seulement une histoire de statistiques, cette « fracture numérique » a de fortes conséquences.

Plusieurs exemples concrets, notamment tirés des saisines du défenseur des droits sont ainsi donnés en illustration. À l’image d’un monsieur, vivant dans une zone blanche, radié de Pôle emploi après avoir raté deux rendez-vous avec son conseiller dont il n’avait pas pu prendre connaissance.
La question du payement en ligne en cas d’absence de compte bancaire ainsi que le cas des personnes handicapées ou détenues sont également mis en avant.

Pour trouver des solutions dans de telles situations, Jacques Toubon rappelle la mission d’accompagnement des autorités publiques et notamment l’importance de repérer en amont les personnes en difficultés.
Une grande mission de l’administration est ici soulignée : assurer une transition générale sans laisser personne de côté et sans reléguer ce devoir aux associations.

Des recommandations concrètes sont données à cette fin comme la mise en place des dispositifs d’accompagnement permanents et la création d’une clause de protection des usagers en cas de problème technique. L’affectation d’un compte personnel unique et la meilleure formation du personnel administratif sont également conseillés.
Enfin et plus généralement, alors qu’Edouard Philippe a rappelé en octobre, l’objectif du gouvernement d’atteindre une dématérialisation totale des procédures admnistratives à l’horizon 2022, Jacques Toubon démontre l’importance de conserver une alternative aux démarches dématérialisées.
Un point pour les files d’attente des services administratifs qui n’ont visiblement pas que des défauts !

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