A l’heure où les manifestations battent leur plein à Tunis, les Tunisiens de France réagissent avec moins d’ardeur face aux événements qui agitent à nouveau leur pays, après la mort de Chokri Belaïd, le 6 février dernier.
C’est avec résignation que Seif Ben Mrad, parle de ce pays qu’il a quitté il y a dix ans pour « venir respirer la démocratie » de l’autre côté de la Méditerranée. Pour cet hôtelier, la mort du leader du parti des Patriotes démocrates (mouvement d’opposition tunisien de gauche) n’est que l’amorce d’une transition vers la démocratie. « Il fallait s’y attendre. C’est triste mais je crois en la conscience du peuple tunisien pour redresser le pays.» En revanche, pas question de soutenir l’appel à la grève de l’UGTT, la centrale syndicale qui a réuni des milliers de pourfendeurs du pouvoir en place à l’occasion des funérailles de Chokri Belaïd. « Il faut respecter l’Etat de droit, les syndicats font de la petite politique pour renforcer l’électorat de gauche. Si on veut contester, il faut le faire de manière légale.» L’homme passe sous silence les dérives extrémistes de Ennahda, le parti au pouvoir. « Les problèmes sociétaux et économiques tunisiens ne sont que la conséquence du régime corrompu de Ben Ali, il faut du changement».
Un défilé à Paris pour exprimer leur douleur
Radhia et sa fille Ines tiennent une boulangerie dans le nord de Paris. Dans la petite boutique, elles confient les craintes qui les assaillent. Le frère de Radhia vit à Tunis, non loin de l’avenue Bourguiba, là où s’exprime la contestation. «Je prends de ses nouvelles plusieurs fois par jour car les débordements m’inquiètent.» Toutefois la confiance des deux femmes envers le régime actuel ne semble pas entamée. « J’ai espoir en Ennahda, ils sauront rétablir la sécurité dans le pays » affirme t-elle avec ardeur.
Fethi Medimagh, lui, déplore la mort de l’opposant. « J’admirais ses discours, c’était pas une langue de bois lui au moins !» s’exclame -t-il. L’homme vit en France depuis 25 ans et suit de près ce qu’il se passe au bled. « Il nous faut de nouvelles élections, Ennahda n’est pas suffisamment expérimenté pour gouverner».
Samedi dernier, les sympathisants de l’Association démocratique des Tunisiens de France (ADTF) ont défilé dans le XVIIIème arrondissement de la capitale pour exprimer leur douleur suite à la perte d’une «grande figure» de la gauche tunisienne. Ils tiennent les salafistes proches d’Ennahda pour responsables du meurtre. « Les islamistes au pouvoir s’en prennent aux démocrates depuis bientôt deux ans » s’indigne Mohsen Kocht, trésorier de l’association. Pour lui, les événements du 6 février imposent d’examiner sans tarder une Constitution qui se fait désirer depuis le 23 octobre 2011, date à laquelle l’Assemblée constituante s’est formée pour définir les contours d’un nouveau régime.