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L’éthique de « Marianne » pointée du doigt

Dans une enquête publiée sur son site, Mediapart remet en cause les pratiques de Marianne. Au plus mal sur le point financier, l’hebdomadaire prendrait aussi quelques libertés sur l’éthique journalistique.

Une situation financière difficile

Marianne, c’est un magazine crée en 1997 par Jean-François Kahn et Maurice Szafran. Repris en 2005 par Yves de Chaisemartin, entré au capital à 86%, le titre a amorcé sa chute en 2012, première année où il est devenu déficitaire. Entre cette date et aujourd’hui, le journal vend 100 000 exemplaires de moins (243 000 exemplaires vendus par numéros en 2012 contre 143 000 actuellement). Les déficits s’accumulent d’années en années, à raison de plus d’un million d’euros par an, allant même jusqu’à 4 millions d’euros en 2013. Pourtant riche de plusieurs aides publiques, l’actionnaire majoritaire Yves de Chaisemartin a été jusqu’à demander des aides à François Hollande. Mais l’équation ne se résout pas, et Marianne poursuit sa chute.

Le magazine Marianne s’est depuis longtemps fait la spécialité de se moquer des baronnies dans la presse. Mais le voici aujourd’hui devenu la caricature de ce qu’il dénonçait hier. – Mediapart

Plusieurs manquements à l’éthique journalistique observés

Les journalistes de Marianne se sont à plusieurs reprises rebiffés contre leur direction. En juin 2016, l’affaire BHL avait une première fois entaché l’hebdomadaire. En effet, dans le numéro 999 du 3 au 9 juin, on pouvait lire une présentation très élogieuse du dernier Bernard-Henri Lévy, Peshmerga. Le film au sujet de combattants kurdes trouve dans Marianne l’une de ses seule critique positive. Selon Mediapart (lecture payante), la rédaction s’est alors interrogée sur la couverture apportée à cette sortie de film. Avec un encadré en une, et un dossier de 5 pages à l’intérieur très élogieux, cela diffère avec les habitudes du magazine. Le reportage de quatre pages, réalisé par un pigiste, est entouré de chroniques ou d’un éditorial autour de Peshmerga. Publié par Alexis Lacroix, les salariés de Marianne découvriront ensuite qu’il s’agit d’un proche de BHL, employé dans une de ses revues, La Règle du jeu.

Avec le logo de Marianne apposé sur l’affiche du film, la rédaction demande alors lors d’un CE des explications sur ce partenariat, pratique courante en journalisme mais qui dévie très souvent vers des publireportages et des articles orientés positivement, allant à l’encontre des principes éthiques de la profession. Frederick Cassegrain (qui préside ce CE) aurait répondu : « Si ça me permet de payer à la fin du mois… Il y a un moment où il faut savoir ce qu’on veut », faisant alors mine d’ignorer les principes fondamentaux du journalisme. Toujours selon le pureplayer, le producteur du film a lui-même payé les affiches de dos de kiosque avec la une de Marianne faisant l’éloge de son film, pour environ 20 000€. Une dépense que l’hebdomadaire n’effectuait plus depuis quelques temps afin de faire des économies.

Bernard-Henri Lévy a alors contesté cette histoire le lendemain de la publication de Mediapart :

Puis, le lendemain de la parution de [l’article de Mediapart], Bernard-Henri Lévy [les] a joint de nouveau pour  préciser qu’il y avait bel et bien eu un partenariat mais qu’il y était étranger puisqu’il avait été conclu entre Marianne et le producteur de son film et non lui-même. BHL a fait valoir que cette pratique était tout à fait courante […] et  si les critiques de Marianne étaient élogieuses, c’est tout simplement parce que son documentaire avait plu aux critiques du journal.

Une autre affaire éclate le 13 octobre 2016. Durant une conférence de rédaction Éric Conan, un des journalistes du média, annonce que le cinéaste Bertrand Tavernier, fidèle lecteur et soutien de Marianne avait écrit une lettre en janvier 2016 à la direction, regrettant l’attribution d’une chronique cinéma à un banquier, Grégoire Chertok. Un point de vue qui n’aurait pas plu puisque celui-ci aurait été censuré du journal, selon les dires d’Eric Conan. Son film sorti le 12 octobre, Voyage à travers le cinéma français, sélection commentée de plusieurs films français durant une compilation de trois heures, est ainsi passé à la trappe.

Les affaires s’enchaînent pour l’hebdomadaire qui subit aussi plusieurs problèmes internes, énoncés dans un long article publié par Mediapart. Toujours est-il que Marianne est en redressement judiciaire après s’être déclaré en cessation de paiement et que ce début d’année risque d’être compliqué au vu de ces révélations et des difficultés financières.

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Rédacteur en chef du Pôle Médias et Community Manager de VL
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