Depuis janvier 2015, 7 000 soldats de Sentinelle parcourent le pays pour lutter contre le terrorisme. Qui sont ces hommes et ces femmes prêts à mourir en France pour notre sécurité ? Ils se confient avec sincérité.
Au lancement de Sentinelle, l’arrivée des soldats sur le territoire est décrite comme « difficile ». « Ils n’étaient pas habitués » explique un membre de l’armée. A cette époque, les militaires font « remonter les crachas et les insultes » qu’ils subissent « quotidiennement ». « C’est vrai qu’au début les gens étaient méfiants, nous demandaient ce qu’on faisait » se souvient un soldat mobilisé dès 2015. Quatre ans après, tous soulignent « un changement important dans le regard des gens » . Un combat gagné grâce à une arme vieille comme le monde : le dialogue.
Pour lutter contre « l’antimilitarisme », la parole est la meilleure arme. « En répondant aux questions, on est accessible donc moins ciblé » décrypte un solda, qui parle « aussi de la mission à la population ». Ainsi, pour l’un des encadrants lyonnais de Sentinelle, « le lien armée/nation se construit chaque jour » par des « patrouilles dans les lieux très fréquentés ». Et un militaire de se réjouir : « aujourd’hui, l’accueil est toujours bon et les gens nous remercient ! ». Une reconnaissance qui passe aussi par les conditions de vie.
La reconnaissance par l’amélioration de la vie quotidienne
« On envoie d’abord les hommes et ensuite arrive la logistique » nous explique, d’entrée, un militaire. Sentinelle n’échappe pas à la règle. « J’ai passé 4 mois dans un garage désaffecté à dormir sur un lit de camp », avec « deux douches pour 25 militaires » décrit un soldat, qui parle « d’une évolution exponentielle des conditions de vie' ». Aujourd’hui, les soldats vivent« dans des casernes spécialement construites » avec « le confort moderne » et « un peu d’intimité ». Signe que la mission « peut durer 30 ou 40 ans » note, souriant, un militaire expérimenté.
« Je connais plus la vie privée de mes soldats que celle de mes propres enfants ! » sourit un militaire encadrant la mission Sentinelle à Lyon.
Dernièrement, « l’arrivée du wifi » est une « amélioration considérable » pour « garder le contact avec les proches ». « L’absence du foyer est difficile, encore plus quand la mission est en France » analyse un appelé, et ce « malgré la forte cohésion » entre les soldats. Pour tous, les chefs « sont des papas » avec qui les militaires « peuvent tout partager, même leur vie privée ». Pour cela, l’armée réserve un budget pour « des sorties » afin de « changer les idées », « oublier les moments difficiles loin des proches » et « renforcer le lien entre les soldats ».
« On ne compte pas les heures, on fait la mission Sentinelle »
Pour les soldats, « lutter contre le terrorisme est la priorité » . Chaque jour, ils parcourent 25 kilomètres avec « 25 kilos d’équipements » dont « quatre de Famas chargé ». Des équipements lourds qui nécessitent « plusieurs séances de sports par semaine » et des entraînements « aux tirs et au maniement des armes ». Même les temps de repos sont calibrés. « Ils ne peuvent pas partir trop loin » nous explique le commandant de la planification qui doit « être attentif à économiser le potentiel humain et calibrer les temps de repos ».
« Le salaire n’est pas à la hauteur de nos heures ! Mais dans l’armée, les heures n’existent pas donc on a arrêté de compter ».
En alerte toute la journée, les soldats de Sentinelle se détendent« le soir, à la fin de la mission », aux alentours de minuit ou « pendant les repas ». « Le meilleur moment de la journée » nous lâche un militaire, « pas déçu du métier » mais « fatigué ». Malgré une prime de 30 euros par jour, tous estiment que leur salaire de 1 300 euros net (en moyenne/pour un militaire du rang) n’est « pas à la hauteur » notamment des heures effectuées. « Mais les heures sup’, dans l’armée, ça n’existe pas. On a arrêté de compter » évacue l’un d’eux avec humour.
Durant le repas, nous avons pu entrapercevoir les hommes derrière les uniformes. Après plusieurs heures de patrouille, certains « ont mal au dos ou aux épaules » en raison du poids du matériel. « Ça, c’est rien » nous réplique-t-on en souriant, « on va mettre de la mousse et ça ira ». Pendant que certains « dorment », d’autres ont les yeux vissés sur les portables pour « prendre des nouvelles des proches ».
Tous vont repartir nous protéger, au péril de leur vie.