Adaptation des romans de J.K. Rowling, Strike s’annonce comme une belle réussite ; fidèle au texte et classique dans sa construction, la série de la BBC est prenante et sympathique.
C’est quoi, Strike ? Secrétaire intérimaire, Robin Ellacott (Holliday Grainger) se présente au bureau de Cormoran Strike (Tom Burke), détective privé londonien. Ancien militaire, dépressif et alcoolique, Strike exerce dans un bureau miteux où il se contente de petites affaires sans envergure et peu rémunératrices. La jeune femme, qui a toujours rêvé de devenir enquêtrice, se passionne pourtant pour son nouveau travail – a fortiori lorsque Strike est contacté pour résoudre des affaires de meurtres, beaucoup plus intéressantes mais beaucoup plus dangereuses. Et c’est ensemble que le duo va tenter d’élucider ces mystères.
C’est en 2013 que paraît le premier roman de la série des Cormoran Strike : sous le pseudonyme de Robert Galbraith se cache en réalité J .K Rowling, l’auteure des Harry Potter. Trois tomes (parus en France au Livre de Poche) ont été publiés pour l’instant : L’appel du coucou , Le ver à soie et La carrière du mal. Avec l’auteure comme productrice exécutive, la BBC s’en est emparée pour une adaptation en 5 épisodes – 3 pour le premier roman et 2 pour le deuxième. Nous avons décidé de limiter cet article à ceux consacrés à L’appel du coucou, mais sachez que la série a d’ores-et-déjà été renouvelée, pour le troisième volet et dans l’attente du quatrième tome à paraître l’année prochaine.
Dans cette première enquête, nous faisons la connaissance des deux héros. Secrétaire sur le point de se marier, Robin Ellacott est envoyée par une agence d’intérim auprès du détective Cormoran Strike. Fils d’une rock star et d’un ex-mannequin, cet ancien militaire a perdu une jambe en Afghanistan et, à son retour, il a ouvert une agence d’investigation privée. Récemment séparé, déprimé et alcoolique, il végète dans un bureau décrépi où s’accumulent les factures impayées. C’est pourtant vers lui que se tourne John Bristow : sa sœur adoptive, le célèbre mannequin Lula Landry, se serait jetée du balcon de son luxueux appartement. Bristow ne croit pas à la thèse du suicide, et il demande à Strike de mener l’enquête… Celui-ci accepte de jeter un œil au dossier.
Quiconque a lu les romans en conviendra : une adaptation des enquêtes de Strike nous pendait au nez. Le style d’écriture très visuel, les personnages charismatiques et la construction même des enquêtes se prêtent de toute évidence à une transposition pour la télévision. Revers de la médaille : attendue au tournant par les lecteurs, la BBC n’avait guère le droit à l’erreur. On peut être rassuré, le résultat étant à la hauteur de ce qu’on pouvait espérer et dans la droite ligne du roman. On en retrouve l’ambiance et le scénario ne s’écarte guère de l’intrigue, exceptées quelques ellipses justifiées par la nécessaire condensation de l’histoire.
La fidélité à la source n’exclut pas une certaine originalité visuelle, notamment dans la séquence d’ouverture. Très graphique et esthétique, la scène est portée par un jeu de caméra inspiré, un contraste de couleurs et une bande-son intrigante et envoûtante. Dans une ambiance feutrée, où l’angoisse va crescendo, elle nous montre les derniers instants de la vie de Lula et son suicide présumé. La réalisation devient plus classique par la suite, sans se départir d’une certaine élégance.
En elle-même, l’intrigue est assez convenue mais prenante et bien construite. Sans coups de théâtre ou rebondissements improbables, elle progresse au fil de l’investigation scrupuleuse du héros et au rythme des éléments qu’il met au jour, entre univers feutré de la haute couture, quartiers populaires et secrets de famille enfouis dans les salons luxueux de la haute bourgeoisie. Whodunnit classique qui ne révolutionne pas le polar, la trame réserve toutefois son lot de suspects et de surprises, avec un dénouement inattendu (à défaut d’être totalement cohérent).
Pour autant, et si elle occupe évidemment une place déterminante, l’enquête n’est pas l’essentiel, Strike reposant avant tout sur ses deux héros et sur leurs interactions. Leur relation, leurs caractères respectifs qui se dessinent en creux, l’évolution de leurs rapports sont traités avec sobriété, sans démonstration excessive, mais par le biais de toutes les nuances qu’autorisent les non-dits, les regards, les postures. D’un côté, Strike passe d’une certaine indifférence à une forme de respect, lorsqu’il prend conscience de l’intelligence et des capacités de sa nouvelle secrétaire ; d’abord simplement curieuse, Robin ne tarde pas à ressentir une réelle affection pour cet homme brisé et renfermé. Tout semble opposer l’ours revêche et la frêle jeune femme ; c’est justement dans sa dualité que le duo fonctionne.Le générique en est l’illustration parfaite. Sur une chanson judicieusement choisie, une mise en images délicieusement désuète juxtapose les deux héros dans une succession d’instantanés, avant de les réunir dans la dernière image.
Si J.K Rowling a su construire ces personnages complexes et installer entre eux une complicité à la fois touchante et réaliste, ce sont bien les acteurs qui parviennent à traduire cette dynamique à l’écran. Instantanément, Holliday Grainger se glisse dans la peau de Robin, adorable de finesse et de délicatesse, capable en un regard de traduire toute une palette d’émotions. Face à elle, Tom Burke s’approprie le rôle de Strike. Il donne à ce héros au nom improbable une dimension plus riche et plus sensible, sans pour autant renier les aspérités du modèle original qui apparaissait sur le papier plus brutal, plus austère et surtout moins sympathique. Il réussit en tous cas un tour de force : lorsque vous lirez les romans, c’est désormais sous ses traits que vous imaginerez Strike.
C’était une évidence : en choisissant d’adapter la série des Cormoran Strike, la BBC avait tous les ingrédients du succès. Une intrigue criminelle solide et intelligente, une atmosphère classique mais séduisante, et surtout un duo de personnages charismatiques et touchants. En transposant tous ces éléments à l’écran, Strike n’a certes rien d’exceptionnel, mais c’est une jolie réussite, une série divertissante et prenante qui satisfera les lecteurs et séduira aussi les autres. Plus fluide et riche des subtilités qu’autorise l’image par rapport au texte, elle est peut-être même meilleure que les livres dont elle est tirée…
Strike – BBC
5 épisodes de 55′ environ