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On a vu pour vous… Dispatches from elsewhere, la folle série de Jason Segel

Surréaliste et déconcertante, Dispatches from elsewhere est très réussie mais surtout incroyablement touchante.  

C’est quoi, Dispatches from elsewhere ? A Philadelphie, Peter (Jason Segel) est un employé de bureau qui mène une vie ennuyeuse sans rêve, sans relation ni passion. Découvrant par hasard une affiche dans la rue, il se rend dans une chambre d’hôtel et y trouve un message qui lui est personnellement adressé par un certain Octavio Coleman (Richard E. Grant). Directeur du Jejune Institute, celui-ci l’invite à participer à une sorte de jeu de piste à travers la ville. Peter se lance dans l’aventure et croise la route de trois autres « joueurs » : Simone (Eve Lindley), Janice (Sally Field) et  Fredwynn (André Benjamin). D’indice en indice, le petit groupe va tenter de résoudre différentes énigmes, sans connaître le but du projet ni ce qu’ils découvriront à la fin.

En 2008, l’artiste Jeff Hull imagine un projet un peu particulier : sous le nom de l’organisation fictive Jejune Institute, il remplit les rues d’Oakland d’affiches invitant quiconque le souhaite à se joindre à une étrange expérience. Pendant trois ans, des milliers de participants vont  parcourir la ville à la recherche d’indices, dans une sorte de défi interactif dont ils ignorent tout. Cette histoire a inspiré Jason Segel (le Marshall de How I met your mother) pour créer Dispatches from elsewhere, une série aussi déstabilisante qu’originale, aussi folle que réussie.  Un peu The Game, un peu Black Mirror, un peu Le fabuleux Destin d’Amélie Poulain, un peu Twin Peaks.

Tout le sel de la série repose sur l’effet de surprise, et il convient donc d’en dire le moins possible. Pour l’essentiel, nous suivons quatre personnages : Peter, embourbé dans une vie solitaire et déprimante ; Simone, qui souffre d’un sentiment d’isolement et d’insécurité ; Janice, une veuve désœuvrée ; Fredwynn, un homme perspicace mais paranoïaque. Ils n’ont apparemment rien en commun, mais leurs destins s’entremêlent lorsqu’ils prennent part à un jeu de piste, décodent des indices, participent à des flash-mobs, cherchent des objets ou des personnes à travers la ville. Dans quel but ? Que doivent-ils découvrir ? Qui se cache derrière cette expérience ? Est-ce un simple jeu ou quelque chose de plus inquiétant ?

Qui est donc Octavio, narrateur et chef d’orchestre de cette histoire ?

Avant même le début de l’histoire, la série prend une tonalité extravagante et même surréaliste. Dès la première scène, on se demande ce qu’on est en train de regarder : le visage d’un homme (Octavio, fondateur du Jejune Insititute) apparaît en gros plan sur un fond orange, après 23 secondes de silence celui-ci  s’adresse directement à nous. Il dissèque nos habitudes de visionnage en tant que spectateurs, avant de nous raconter cette histoire dont il est le narrateur (omniscient mais peu fiable) et le chef d’orchestre. Il intervient ainsi régulièrement dans ce qui prend la forme d’un récit choral, où chaque épisode se focalise sur un personnage en particulier. 

Le point de vue de Peter, avec qui nous commençons l’aventure, en est un parmi d’autres. Comme ses acolytes, il n’a pas toutes les informations et ne comprend même pas dans quoi il s’est lancé. De sorte que, au puzzle que tentent de résoudre les personnages s’ajoute celui auquel est confronté le spectateur, qui doit emboîter les  pièces au fur et à mesure. Incontestablement, c’est une série pleine de mystères, qui demande un minimum d’engagement, de patience et d’attention puisque chaque élément a son importance. On y voit toutefois un peu plus clair dès le deuxième épisode ; la série ne devient pas moins étrange, mais un fil conducteur se met en place.

Le quatuor n’est pas au bout de ses surprises…

L’intrigue est prenante avec ses énigmes successives, on se laisse emporter par cette espèce d’escape game, avec messages à décoder et fresques d’art urbain à interpréter. Mais on devine aussi que ce n’est qu’un prétexte et que la série s’intéresse moins à ce mystère qu’à la manière dont s’y confrontent ses héros. En l’occurrence, ils sont extrêmement bien interprétés et surtout très bien construits : Peter, Janice, Simone et Fredwynn sont de beaux personnages, humains et imparfaits, qui fonctionnent à la fois individuellement et en groupe – ce qui est essentiel car leurs interactions et leurs relations sont la clé de la série.  

Encore une fois, on ne peut pas trop en dire, de peur de gâcher le plaisir de la découverte ; il est toutefois clair que Dispatches from Elsewhere est une histoire de recherche de soi et d’évolution personnelle. Le jeu est finalement l’excuse dont les protagonistes ont besoin pour sortir de leur zone de confort, repenser certains aspects de leurs vies et combler un manque qui les empêche d’être heureux. En soi, ce serait déjà suffisant pour faire de Dispatches from Elsewhere une série intéressante et agréable à suivre. Mais il y a plus.

Une série très personnelle pour Jason Segel.

C’est une série touchante, très facile à aimer car on devine combien elle est importante pour son créateur Jason Segel. Il n’en est pas seulement l’interprète, il est aussi producteur, réalisateur et co-scénariste. Et on sent que ce qui se présente comme un simple jeu, une simple fiction est un projet personnel – vraiment très , très personnel. Au fil des épisodes (et en particulier dans le dernier, complètement méta), Segel se met à nu avec une sincérité parfois bouleversante, qui créé un vrai lien émotionnel avec les spectateurs. Et c’est  ce qui, combiné à son message humaniste, rend Dispatches from elsewhere si captivante, si émouvante et si ensorcelante. 

Dispatches From Elsewhere, c’est le genre d’histoire dans laquelle il convient de plonger la tête la première, sans chercher à savoir de quoi il retourne exactement pour la découvrir petit à petit. C’est un projet ambitieux et fascinant, qui se raconte lentement et ne se dévoile qu’à la toute fin. Complexe mais jamais prétentieuse, parfois naïve mais toujours sincère, Dispatches From Elsewhere est une expérience télévisuelle originale qui cache un cœur vibrant. Et un message (dont on ne dévoilera rien) stimulant et réconfortant. 

Dispatches from elsewhere (AMC)
10 épisodes de 50′ environ.
Disponible sur Amazon Prime vidéo dès le 24 juillet. 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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