
Entre rire et larmes, drame et paillettes, Lost boys and fairies raconte le parcours d’un couple gay qui souhaite adopter.
C’est quoi, Lost boys and fairies ? A Cardiff, Gabriel (Siôn Daniel Young) et Andy (Fra Fee) souhaitent adopter. Ils entament les démarches et reçoivent chez eux Jackie (Elizabeth Berrington), l’assistante sociale chargée de déterminer s’ils sont aptes à accueillir un enfant. Pour Gabriel, le processus réveille de vieux traumas et insécurités qu’il va devoir affronter, lui qui est terrifié à l’idée de ne pas être capable d’aider un enfant à s’épanouir. Lorsque les deux hommes rencontrent Jake (Leo Harris), 7 ans, c’est un véritable coup de cœur réciproque. Mais il leur reste encore de nombreux obstacles à surmonter, avant de pouvoir fonder la famille tant désirée…
Mini-série en trois épisodes, Lost Boys and Fairies a été créée par l’écrivain Daf James qui s’est appuyé sur sa propre histoire. Il y raconte le long et difficile processus d’adoption, les doutes qui surgissent chez les futurs parents et tous les écueils auxquels ils sont confrontés, en particulier en tant que couple gay. Série de la BBC élue meilleure fiction européenne au Festival de la Rochelle en 2024, Lost boys and fairies est disponible sur Arte.tv (et diffusée sur Arte le 5 Juin).
Le processus de l’adoption
Andy et Gabriel (Sion Daniel Young et Fra Free, tous les deux absolument brillants), sont en couple depuis presque neuf ans et veulent adopter un enfant. Couple hétéro, gay ou personne célibataire, on sait à quel point le processus est long, difficile et invasif. Ce sont les entretiens avec l’assistante sociale chargée de gérer le dossier et de donner son aval (ou non) ; l’examen de la situation matérielle, affective, familiale des parents potentiels ; l’environnement du couple et sa capacité à accueillir (ou pas) un enfant dans les meilleures conditions.
Ce processus est bien illustré dans la série, chaque étape étant représentée avec justesse et réalisme. Le premier épisode est centré sur les premiers entretiens et montre comment toute la vie du couple est passée au crible : leurs finances, leur situation médicale, leur enfance, leur vie sociale, leur famille… Puis vient la rencontre avec les enfants placés en famille d’accueil, lors d’une journée d’activités où ils rencontrent leurs parents potentiels dans une sorte de kiddy-speed dating (selon les mots de Gabriel). En compétition avec d’autres couples, Gabriel et Andy sont mal à l’aise – jusqu’à leur rencontre avec le petit Jake.
Des portraits sensibles de personnages complexes
Être parent adoptant n’est pas facile, mais ce n’est pas facile non plus pour l’enfant adopté. Imaginez-vous, petit, ballotté de famille d’accueil en famille d’accueil, espérant être choisi par un couple aimant mais devoir convaincre en une matinée à quel point vous êtes mignon… C’est ce que vit Jake, 7 ans, avec des problèmes de comportement et déjà une histoire douloureuse derrière lui. Et la façon dont Lost Boys and Fairies connecte le spectateur au processus d’adoption à la fois à travers le parcours des parents et le vécu de l’enfant est incroyable de justesse et d’émotion.
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La série explore également les ressorts psychologiques de ses deux personnages principaux, avec beaucoup de finesse et de sensibilité. Oui, il y a la question de leur orientation sexuelle, de leur environnement, de leur situation économique, mais aussi leur histoire personnelle, leur passé, leurs traumas. Et en particulier pour Gabriel.
Pour convaincre l’assistante sociale, Gabriel dissimule son passé et son histoire. Car si Andy, comptable, fait figure de personne stable et équilibrée et est certain de son désir d’adopter, les choses sont moins claires pour son compagnon. Artiste brillant, il est drag queen dans un club, et il n’a jamais surmonté un vécu compliqué. Il a perdu sa mère quand il était petit, a toujours été rejeté et maltraité par un père diacre homophobe, il a derrière lui un passé de toxicomane et de nombreuses fragilités.
Gabriel a peur de « transmettre [son] bagage émotionnel » à leur futur enfant, de ne pas être capable de l’aimer suffisamment et de ne pas être digne d’être aimé. Autant d’obstacles qu’il va devoir surmonter – sans compter une tragédie, qui remet tout en question à la fin du deuxième épisode. Mais c’est grâce au club Neverland où il se produit que Gabriel trouve sa tribu, sa famille de cœur, son “réseau de soutien” indispensable pour une personne queer (même en dehors de la question de l’adoption).

Drame, paillettes et conte de fées
Dans sa mise en scène, Lost boys and fairies donne tout son sens à ce titre digne d’un conte de fées. La série mélange récit réaliste et séquences musicales et oniriques. Dans les scènes musicales,le choix des chansons n’est pas anodin, elles ont un sens dans l’histoire – avec l’interprétation chorale de Mad World en point d’orgue. La bande sonore soutient donc un récit qui passe avec fluidité de la comédie au drame social et de la tragédie au spectacles musical, de l’ombre à la lumière, du rire aux larmes.
Parfois lumineuse, parfois déchirante, Lost boys and fairies trouve l’équilibre et le ton juste pour raconter une histoire aux multiples facettes. Une histoire d’adoption, une histoire d’amour, et une histoire de rédemption et de rupture des schémas psychologiques. Et une histoire d’appartenance à une famille ou à une communauté comme famille choisie. Car dans la vraie vie comme dans Lost Boys and Fairies, quand nous avons tous été, à un moment ou à un autre, des enfants perdus, on n’a besoin que d’une seule chose. Comme le dit si bien Andy : « un enfant n’a pas besoin d’une mère, d’un père ou des deux genres ; il a juste besoin d’amour. »
En trois petits épisodes, Lost Boys and Fairies raconte avec justesse et sensibilité l’histoire de Gabriel et Andy, ce couple gay qui cherche un enfant à entourer, à aider et à aimer. Entre drame, comédie, noirceur et paillettes, c’est une belle histoire, tour à tour charmante et bouleversante, dont on ne sort pas tout à fait indemne.