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On a vu pour vous… « M, il figlio del secolo », la série sur Mussolini

La série raconte l’ascension politique de Mussolini et la manière dont il a instauré la dictature fasciste en Italie. 

C’est quoi, « M, il figlio del secolo » ? 1919 en Italie : Benito Mussolini (Luca Marinelli), socialiste et fondateur de journaux de gauche, crée les Faisceaux italiens de combat. Le mouvement, qui ne rassemble au départ qu’une poignée de laissés-pour-compte au lendemain de la guerre,  n’obtient aucune voix aux élections et Mussolini envisage de quitter la politique. Mais les grèves déclenchées par les socialistes au pouvoir paralysent le pays et incitent propriétaires fonciers et industriels à demander l’aide des fascistes pour rétablir l’ordre – par la force. Grâce à ses nouveaux alliés, Mussolini marche sur Rome à la tête de ses partisans. C’est le début du règne du Duce, qui va user de tous les moyens pour retourner la démocratie contre elle-même et établir une dictature. 

Présentée lors de la dernière Biennale de Venise, « M, il figlio del secolo » est basée sur le premier roman de la trilogie de Antonio Scurati consacrée à Mussolini. Écrite par Stefano Bises (Gomorra) et Davide Serino (1992, 1993), la série – inédite en France –  raconte la naissance du fascisme en Italie et l’arrivée au pouvoir du Duce. Cette saison couvre plus précisément la période allant de 1919 (la fondation du parti fasciste) à 1925, date d’un discours considéré symboliquement comme l’acte fondateur du régime. 

Une mise en forme unique et déstabilisante

En Italie, la série a suscité bien des débats et a plongé les spectateurs dans la confusion. Moins en raison du sujet que de la forme adoptée par le réalisateur  Joe Wright. Tout est déroutant, perturbant, décousu voire parfois abscons. Non seulement le grotesque, le théâtral, la satire, la comédie, la politique et le drame se chevauchent sans cesse, mais en plus, c’est un kaléidoscope baroque qui mélange les références et les genres. Entre vintage et moderne.  

La mise en scène et le cadrage  sont souvent inspirés du cinéma expressionniste des années 1920, le titre lui-même fait allusion à M Le Maudit, des séquences symboliques sont intercalées dans la narration. En même temps, la rupture du quatrième mur est récurrente, le montage et le rythme sont frénétiques, exacerbés par la bande-son électro composée par Tom Rowlands des Chemical Brothers  avec son beat féroce. 

Le résultat est particulier, complètement différent et certainement difficile à appréhender. Mais c’est peut-être le meilleur moyen de nous parler de cette période de l’histoire italienne. Là où un récit purement factuel et linéaire aurait fini par tomber dans la rhétorique basique voire le moralisme didactique, la série atteint ici une puissance effroyable. Le sentiment de confusion permanent empêche d’analyser ce que l’on voit à l’écran et de prendre du recul, et on vit  l’ascension de Mussolini et du fascisme comme si on y était. 

A lire aussi : On a vu pour vous … Maltese, Il romanzo del commissario (Rai 1), par les auteurs de Gomorra

Mussolini, un clown dangereux

Au fil des huit épisodes, on suit le parcours politique de Mussolini, l’évolution de ses convictions, sa vie privée  dont ses relations avec sa femme Rachele et sa maîtresse et mentor Margherita Sarfatti  (Barbara Chichiarelli), ses interactions avec les figures emblématiques de l’époque comme le Roi, le Pape ou d’autres personnalités politiques. M, il figlio del secolo, c’est le one-man-show de Mussolini, incarné par un  Luca Marinelli méconnaissable et hallucinant. 

Ce  Mussolini s’adresse directement à nous. Présent dans la moindre scène, il ne cesse de briser le quatrième mur pour nous parler, yeux dans les yeux. Dans ce dialogue bizarre, il nous confie les secrets du fascisme et le but de caché de chaque action ; il nous explique comment tromper les ouvriers, le peuple, les vétérans, l’opposition, la presse, la justice, le système politique, bref tout un pays ; il enchaîne les punchlines (la phrase « J’ai toujours été cohérent : j’ai trahi tout le monde ! » est magnifique).  

Le personnage est provocateur, sournois et menaçant,  mais aveuglé par sa soif de pouvoir, histrionique, grotesque et ridicule. Ce Mussolini, c’est un bouffon, un clown qu’on ne prend pas au sérieux. Jusqu’à ce qu’éclatent sa férocité, sa fureur et sa perversité. Le trucage des élections, la corruption, la violence,  l’intimidation, la manipulation des institutions, les discours qui enflamment la foule et attisent les peurs… . Si Mussolini est un clown, il est de la trempe de Pennywise ou du Joker.

Une série historique et politique

On sait que Mussolini va accéder au pouvoir, imposer la dictature, s’allier à Hitler, plonger le pays dans la deuxième guerre mondiale… La mini-série s’ouvre même par des images d’archives, une séquence enfiévrée d’une violence indescriptible, montrant la montée  du fascisme, l’enthousiasme du peuple, la prise de pouvoir, la guerre et enfin, la mort du Duce, pendu et massacré par la foule en 1945.  Dans M, il figlio del secolo, il n’y a aucun suspense – mais un sentiment permanent de malaise et d’angoisse. 

Mussolini au parlement

Historiquement rigoureuse et documentée, c’est surtout une série politique. Immersive et violente, chaotique et étourdissante, elle nous emporte dans le tourbillon du fascisme en faisant directement référence aux événements de l’époque comme la république de Fiume ou la marche sur Rome, et nous renvoie confusément, en creux, à notre propre époque.

« La démocratie est une belle chose, qui offre beaucoup de possibilités. Même celle de la détruire »  nous assène Mussolini. Comme un boomerang,  la série nous revient en pleine tête en racontant comment l’Italie a sombré dans la dictature : crises économique et institutionnelle, inflation, chômage, populisme, nationalisme etc. ont permis à un homme de devenir le fossoyeur de la démocratie.  Et les mêmes causes produisent les mêmes effets. Même un siècle plus tard. 

Avec son style unique et radical, déstabilisante et angoissante, M il figlio del secolo est plus qu’une série : c’est une expérience. Certains n’adhéreront pas à ce récit décousu, bizarre et difficile à appréhender. Mais derrière cet assemblage extravagant se cache une série d’une puissance folle, qui nous plonge directement  dans l’instauration de la dictature fasciste.  Et qui permet de comprendre comment, de tous temps,  naissent les dictatures.  

M, il figlio del secolo
8 épisodes de 60′ environ
Inédite en France

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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