La comédie Breeders met en scène un couple de parents aimants, attentionnés… mais complètement dépassés par les événements.
C’est quoi, Breeders ? Paul (Martin Freeman) et Ally (Daisy Haggard) sont des parents attentionnés qui élèvent avec amour leurs deux enfants, Luke (George Wakeman) et Ava (Jayda Eyes). En tous cas, ils essayent de faire au mieux… Mais la pédagogie n’est pas leur fort, et ils ont du mal à concilier l’éducation de leurs chers rejetons, leur travail, leurs responsabilités financières et leurs relations avec leurs propres parents. Décidément, être parents n’est pas exactement ce qu’ils imaginaient.
Breeders, nouvelle comédie diffusée en France sur Canal +, c’est un peu la paternité selon Martin Freeman. Il y interprète non seulement le rôle principal, mais il est aussi le co-créateur de la série avec Chris Addison et Simon Blackwell (scénaristes de Veep). Avec honnêteté et une bonne dose d’humour, il y transpose sa propre expérience puisqu’il est lui-même père de deux enfants. L’acteur expliquait récemment au New York Times : « J’ai dû me faire à l’idée qu’être père, c’est aimer terriblement, mais aussi être en colère et constamment épuisé. »
Ici, il se glisse dans la peau de Paul, et le couple qu’il forme à l’écran avec la comédienne Daisy Haggard est attachant et crédible. Ils sont unis, ils s’aiment, et ils vivent dans un paisible quartier résidentiel de banlieue avec Ava et Luke, leurs deux enfants de 5 ans et 7 ans qu’ils aiment passionnément. Cependant, leur vie est loin d’être parfaite: leurs rejetons ont une étonnante capacité à les rendre fous en enchaînant les bêtises, en posant des questions idiotes ou en les empêchant de dormir (leur fils a une peur panique des incendies et sa petite sœur pleure dès que son frère est réveillé).
Stressés et accaparés par leur travail, Paul et Ally n’ont absolument aucune idée de la manière d’éduquer leurs enfants et ils improvisent – ce qui n’est pas toujours une bonne idée. Pour aggraver les choses, les grands-parents ne sont d’aucun secours : le père de Ally (Micheal McKean – Chuck dans Better Call Saul) est un hippie sur le retour qui vient squatter chez eux ; les parents de Paul pensent s’installer en maison de retraite et évoquent joyeusement l’euthanasie pour éviter d’être un fardeau pour leur fils.
Le point de départ de la série n’est pas forcément original, les difficultés inhérentes à la parentalité étant un thème récurrent dans les comédies. Il y a, bien sûr, la joie d’être parent et l’émerveillement constant devant ces chères têtes blondes qu’on aime à la folie. Et il y a le revers de la médaille : les nuits blanches, la demande constante d’attention, les crises de colère, les pleurs, les poux, les vomissements, l’absence d’intimité… C’est ce que raconte Breeders, et il y aurait de quoi faire paniquer les futurs ou jeunes parents si la série ne s’appuyait pas sur des scènes légèrement outrancières et un humour qui lui permettent de désamorcer les situations les plus pessimistes ou angoissantes.
Toutefois, Breeders ne tombe jamais dans la farce ou le ridicule. En fait, on sourit plus qu’on ne rit et la série utilise un ton un peu acide, presque désenchanté, pour mâtiner l’humour des situations ou des dialogues en créant une légère sensation d’inconfort et souligner ce que le couple affronte au quotidien, entre réalisme et exagération. Ils tentent désespérément de faire dormir leur progéniture quand eux-mêmes sont épuisés, veulent que l’enseignante leur confie que leurs enfants sont au-dessus de la moyenne (alerte, spoiler : leurs enfants sont parfaitement normaux), hésitent à se rendre à l’hôpital pour la troisième fois consécutive lorsque leur fils fait une nouvelle chute accidentelle dans les escaliers, accumulent les bourdes quand les services sociaux viennent leur rendre visite.
Derrière la comédie, Breeders trace un portrait convaincant de ces protagonistes et montre comment, en tant que parents, ils sont sans cesse confrontés à leurs propres limites. Les flash backs de leur couple avant la naissance des enfants montrent combien tout était plus simple alors, mais Paul et Ally ne sont pas des parents négligents, ils aiment leurs enfants… sauf qu’ils commettent des erreurs, se sentent souvent démunis, ne savent pas du tout ce qu’il convient de faire. Et parfois, ils en ont marre.
Ils doivent aussi composer avec leur vécu et leur enfance, et la manière dont ils se sont construits – soit par imitation, soit par rejet. Paul vient d’une famille conventionnelle, il exerce un travail routinier et ses parents vieillissants ne cessent de lui répéter qu’ils ne veulent pas être un fardeau quand en réalité, ils suggèrent exactement le contraire et veulent entendre leur fils leur assurer qu’il ne les laissera pas partir en maison de retraite. Ally, elle, a souffert du départ de son père quand elle était petite et elle a choisi pour mari un homme sérieux et posé (certains diraient barbant), à l’opposé de la figure paternelle.
Sans porter aucun jugement, avec une honnêteté brute teintée de cet humour un peu cynique qui frappe toujours juste, Breeders s’impose au fil des épisodes comme une série divertissante, sans concession mais souvent délicieusement tendre. Oui, Paul et Ally sont maladroits et accumulent les erreurs éducatives qui les font passer pour de mauvais parents ; ensemble, ils avancent pourtant main dans la main sur le chemin semé d’embûches qu’est la parentalité. Et ils adorent leurs deux enfants – même sils ont parfois envie de les étrangler…
Vous savez ce que disait Sigmund Freud ? « Parents : quoi que vous fassiez, vous le ferez mal. » En explorant le hiatus existant entre le bonheur et la difficulté d’être parent, Breeders parvient à faire entendre une voix originale : avec humour et sincérité, elle amuse en traçant l’image imparfaite de ce à quoi peuvent vraiment ressembler aujourd’hui la parentalité, la famille, l’éducation. C’est compliqué, c’est fatiguant… mais ce n’est que de l’amour.