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On débriefe pour vous … Brexit, The uncivil War (HBO) – guerre perfide en Albion

Benedict Cumberbatch endosse le rôle du fer de lance de la campagne du Brexit, dans un téléfilm partial qui soulève pourtant des questions de fond.

C’est quoi, Brexit : The uncivil war ? En 2016, les Britanniques sont appelés aux urnes pour décider si le pays reste ou non au sein de l’union européenne. Le résultat ne semble guère faire de doute et les électeurs devraient massivement se prononcer en faveur du maintien. Quelques semaines avant le référendum, le conseiller politique Dominic Cummings (Benedict Cumberbatch) est choisi par les partisans du Brexit pour organiser la campagne. Intelligent et fin stratège, il va tout mettre en œuvre pour retourner l’opinion, quitte à manipuler les chiffres et tromper le peuple britannique.


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En juin 2016, une majorité de citoyens britanniques a voté en faveur de la sortie de l’Union européenne lors d’un référendum qui a provoqué un véritable séisme et plongé le pays dans une crise durable, que doit aujourd’hui affronter le premier ministre Theresa May. Ce sujet brûlant est au cœur de Brexit: The Uncivil War. Réalisé par Toby Haynes (Black Mirror : USS Callister), diffusé sur Canal Plus et projeté lors du Festival Séries Mania, le téléfilm de 90 minutes revient sur la campagne dérangeante voire illégale menée par les tenants du Brexit.

Si Boris Johnson (interprété par Richard Goulding) était le partisan le plus médiatique du Brexit, le véritable stratège de la campagne s’appelait Dominic Cummings (Benedict Cumberbatch), et c’est lui que l’on suit au cours des semaines précédant le vote. A priori, la victoire des partisans du maintien au sein de l’UE semble acquise ; lui-même farouche partisan de la sortie de l’Union européenne, Cummings comprend que les sondages ne reflètent pas forcément la réalité. Et qu’il a plusieurs cartes à jouer, avec des slogans tels que « Reprendre le contrôle », des assertions douteuses et la manipulation des chiffres. Ce n’est pas sa seule manœuvre discutable, puisqu’il recourt aussi à une entreprise spécialisée dans l’analyse des données informatiques afin de cibler son électorat, en totale violation de la loi… Avec le résultat que l’on sait : à la surprise générale, les Britanniques se prononceront en faveur du Brexit.

Vote Leave ! Les artisans du Brexit

Brexit est habile dans la forme : bien qu’on connaisse le dénouement, c’est un thriller prenant et rythmé, avec par moments une touche de sarcasme very british. Sur le fond, on aborde avec une relative fluidité des problèmes aussi complexes que l’opposition entre pro-européens et eurosceptiques, l’intellectualisation de l’argumentation du parti travailliste, l’intrusion des nouvelles technologies et du Big Data dans la campagne, la fracture générationnelle… Mais le scénario reste extrêmement orienté, traçant un portrait au vitriol et sans nuance des pro-Brexit. Et si Benedict Cumberbatch est aussi bon qu’à l’accoutumée, son interprétation est un peu frustrante dans la mesure où il joue Dominic Cummings comme Sherlock Holmes ou Alan Turing : volubile, redoutablement intelligent, arrogant et cynique.

Malgré tout (et que l’on y adhère ou pas), Brexit est porté par deux thèses principales qui lui permettent de soulever de vraies questions de fond. D’une part, Cummings a su stigmatiser l’Union européenne et l’accuser de tous les maux, pour capitaliser sur le désenchantement d’une partie de la population ; d’autre part, il a perçu un nouvel élément en vertu duquel la façon de faire de la politique a changé.

Fini le temps des affiches, des tracts et des débats télévisés ; nous vivons à l’ère d’internet et des données personnelles. Le pouvoir ne réside plus dans l’argent ou le soutien politique (de fait, la grande majorité des partis étaient opposés au Brexit), mais dans la maîtrise des outils de communication numérique. Car les réseaux sociaux sont devenus le moyen le plus efficace de toucher les électeurs voire  d’aller chercher ceux qui se désintéressent du débat politique, pour leur délivrer le message qu’on souhaite véhiculer en le présentant sous une forme qu’ils souhaitent entendre. Face à cette campagne agressive, les partis traditionnels apparaissent déconnectés des réalités, incapables de contrer les mensonges des pro-Brexit. Les démentis et rectifications n’atteignent pas leur cible ; pire, ils ne font que renforcer l’opinion des électeurs sensibles aux théories complotistes et de ceux qui prennent les assertions de Cummings pour argent comptant.

Benedict Cumberbatch dans la peau de David Cummings

Grâce aux données obtenues par AggregateIQ,  Cummings a pu passer un milliard d’annonces, ciblant chaque utilisateur sur son mur Facebook ou son compte Twitter.  Une stratégie payante mais illégale : plusieurs flash-forward montrent Cummings en 2020, traduit en justice. Dans la réalité, les responsables de la campagne Vote Leave ont été condamnés pour violation de la loi électorale ; Mark Zuckerberg a comparu  pour s’expliquer sur l’utilisation des données des usagers de Facebook ; l’un des soutiens de l’UIKP (parti d’extrême-droite pro-Brexit) a admis avoir embauché une entreprise spécialisée dans l’informatique, Cambridge Analytica. Et Brexit se conclue en énonçant un fait, donc chacun est libre de tirer les conclusions qu’il souhaite : derrière AggregateIQ et Cambridge Analytica, on trouve  le milliardaire Robert Mercer – soit un important donateur de la campagne électorale d’un certain Donald Trump…

Orienté et partial, Brexit prend le parti de dénoncer comment les britanniques ont été poussés à faire l’erreur historique d’opter pour la sortie de L’UE. Le téléfilm apporte toutefois un éclairage sur cet événement, encore incompréhensible pour beaucoup d’entre nous. Entre mensonges, populisme et  utilisation des données privées, Brexit sonne aussi comme un avertissement, un Black Mirror sans la dimension uchronique. Ce monde dans lequel l’électeur est plus vulnérable aux fake news que jamais, où l’on se prononce sur la foi d’informations non vérifiables ou qu’on ne prend pas la peine de passer au crible, où l’on pense faire un choix objectif quand on est en fait manipulé : ce monde, c’est celui de Brexit. Et c’est le nôtre.  


Brexit (HBO)
90′ environ.
Diffusé sur Canal Plus et présenté lors du festival Séries Mania.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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