Phénomène mondial depuis sa diffusion sur Netflix, La casa de papel revient avec une troisième partie parfois improbable… mais toujours efficace.
C’est quoi, La casa de papel (3ème partie) ? Deux ans après le braquage de la fabrique de la monnaie, les malfaiteurs mènent la belle vie, éparpillés à travers le monde. Mais lorsque Rio (Miguel Herran) est arrêté et conduit dans une prison secrète, le Professeur (Alvaro Morte) décide de reconstituer le groupe et d’organiser un nouveau coup pour obtenir sa libération. Tous acceptent de reprendre du service : Nairobi (Alba Flores), Helsinki (Darko Peric), Denver (Jaime Lorente), Tokyo (Ursula Corbero), Stockholm / Monica (Ester Acebo) et l’ex-inspectrice Raquel Murillo devenue Lisbonne (Itzar Ituno) sont rejoints par Palerme (Guillermo de La Serna) et Marseille (Luka Peros). Ensemble, ils vont à nouveau défier le système… et attaquer la banque d’Espagne.
Disponible depuis quelques semaines sur Netflix, la troisième partie de La Casa de Papel était très attendue. Il faut dire que la série espagnole, créée par Alex Pina, a connu un succès colossal l’année dernière, lorsque le géant du streaming a diffusé dans le monde entier les deux premières saisons (ou plutôt, les deux parties) qui, au départ, étaient sensées constituer un tout et ne pas connaître de suite. Mais son essor mondial a conduit Netflix d’une part à en racheter les droits, d’autre part à commander deux parties supplémentaires.
Cette troisième partie débute deux ans après la conclusion de la précédente, qui voyait le groupe (amputé de Berlin, Oslo et Moscou, morts pendant le braquage) s’enfuir avec un butin considérable. Désormais à l’abri dans divers endroits du globe, ils n’ont plus aucun contact les uns avec les autres et ignorent où chacun se trouve même si les couples – Le Professeur et Raquel, Denver et Monica, Tokyo et Rio – sont restés ensemble. Une imprudence commise par Rio va toutefois sceller son sort : localisé et arrêté, il est conduit en toute illégalité dans une prison secrète en dehors de l’Espagne pour y être interrogé et torturé. C’est le point de départ de l’intrigue, les braqueurs se réunissant alors pour le faire libérer sous la houlette du Professeur qui monte un nouveau coup : rien moins que le braquage de la banque d’Espagne. Face à eux, la cellule chargée de les mettre en échec est cette fois dirigée par le colonel Tamayo (Fernando Cayo) et l’inspectrice Sierra (Najwa Nimri), qui ne reculeront devant rien pour parvenir à leurs fins.
Pur divertissement, La casa de Papel repend les grands codes des histoires de braquage (ou plutôt celles des suites, en obligeant ses héros à rempiler) et tous les ingrédients de son succès précédent. A savoir une histoire simple à la mécanique bien huilée et aux ressorts narratifs éprouvés : un vol a priori impossible dans un endroit emblématique, un compte à rebours et des phases bien établies pour effectuer l’opération, des flash-back renvoyant à la préparation du braquage (et même à sa genèse, ce qui donne l’occasion de revoir Berlin, incarné par Pedro Alonso), les manœuvres de la police pour déjouer les plans du Professeur, les contre-mesures prises par celui-ci et sa traque par les autorités, les désaccords entre les membres du groupe, l’implication de certains otages… En somme, ceux qui ont aimé la série trouveront les mêmes éléments – dans des épisodes toutefois plus rythmés et plus spectaculaires car bénéficiant d’un budget nettement plus conséquent.
Avec sa symbolique familière et immédiatement identifiable, La Casa De Papel a aussi largement débordé du cadre des écrans. Dans la fiction comme dans la réalité, ses braqueurs ont curieusement pris des airs de héros en lutte contre l’iniquité du système financier et cette fois contre les abus commis par les autorités. Le contre-sens est facile et nos braqueurs, aussi sympathiques soient-ils, n’ont rien de Robins des Bois ; ils n’en sont pas moins devenus les symboles d’un mécontentement et d’un sentiment d’injustice. Et il y a toujours quelque chose de jubilatoire à voir un groupe marginal damer le pion au système. Les scénaristes n’ont pas manqué l’occasion de mêler réalité et fiction dans cette troisième partie, entre auto-célébration et fan service – on pense à la scène où Le Professeur évoque l’impact du premier braquage, tandis qu’apparaissent à l’écran des images tirées de la réalité montrant plusieurs groupes protestataires à travers le monde qui se sont inspirés de la série, en reprenant à leur compte la combinaison rouge, l’hymne révolutionnaire Bella ciao ou le masque de Salvador Dalì.
Restent toutefois les mêmes maladresses, reproche récurrent envers la série. Menée tambour battant, l’intrigue est aussi pleine de raccourcis, d’incongruités voire d’incohérences. Qu’importe, puisque cela fonctionne ! La Casa de Papel est vite prenante avec ses rebondissements incessants, ses scènes haletantes ou ses montées d’adrénaline (la traque du Professeur ou le redoutable cliffhanger final qui laisse le sort de plusieurs personnages en suspens) et ses protagonistes emblématiques. Au point qu’on peut pardonner l’introduction à la va-vite de Palerme et Marseille, les réflexions factices de Tokyo en voix off, ou les réactions stupides de braqueurs au sentimentalisme exacerbé… Après tout, c’est aussi une bonne excuse pour retrouver les personnages auxquels on s’est attachés – Tokyo, Rio, Denver, Nairobi, Le Professeur et même Berlin. (Par contre, on se serait volontiers passé du retour de l’insupportable otage Arturito.)
C’est un nouveau braquage, mais pour le reste, La Casa de Papel ne change rien ou pas grand-chose. Si elle n’était pas nécessaire, cette troisième partie reste efficace et divertissante malgré de grosses ficelles. Le braquage de l’hôtel de la monnaie vous a laissé sceptique ? Celui de la banque d’Espagne ne vous convaincra pas davantage. Les autres se laisseront certainement à nouveau prendre au jeu. D’autant que la partie est loin d’être terminée ; elle se conclura dans la quatrième partie dont la diffusion est prévue en 2020.