Si le spin-off de Sons of anarchy, Mayans MC, n’est pas mauvais, il ne sort pas indemne de l’inévitable comparaison et ne parvient pas à exister par lui-même.
C’est quoi, Mayans MC ? La ville californienne de Santo Padre, près de la frontière mexicaine, est le fief d’un chapter du gang de bikers latino des Mayans. Libéré de la prison où il était incarcéré pour le meurtre d’un policier, EZ Reyes (JD Pardo) rejoint le Mayans MC grâce à son frère Angel. Pour gagner ses galons en tant que prospect, il se retrouve impliqué dans les trafics et méfaits du club. Ses membres transportent notamment de la drogue pour un puissant cartel dont le chef, l’impitoyable Miguel Galindo (Danny Pino) n’est autre que le mari de l’ex-petite amie d’EZ, Emily (Sarah Bolger). Déchiré entre loyauté familiale, désir de vengeance et fantômes du passé, EZ est vite emporté dans un engrenage de violence.
C’est en Septembre dernier que FX a lancé Mayans MC, spin-off de Sons of anarchy dont la diffusion s’était achevée quatre ans plus tôt. La série étaient attendue par un public d’inconditionnels avec impatience et aussi une certaine méfiance. De toute évidence, rééditer le même succès en évitant de se répéter était un sacré défi. Kurt Sutter a tenté de le relever avec une histoire se déroulant après le final de SOA et centrée sur le club des Mayans.
Quand, comme l’auteure de cet article, on est fan de Sons of anarchy, il n’est pas simple de porter un regard neutre sur Mayans MC face à laquelle (soyons honnêtes) on a des attentes contradictoires : on espère une série qui se rapproche de l’originale… tout en étant différente. Au prix de gros efforts, on arrive à une approche plus raisonnable, et l’on tente de voir Mayans MC pour elle-même ; on découvre alors une série correcte et plaisante. Ni plus, ni moins. C’est-à-dire que Mayans MC n’est jamais ennuyeuse, et jamais passionnante.
D’emblée, Mayans MC trouve son rythme avec un pilote qui met en place les personnages et le contexte avec efficacité. Immédiatement, surgissent plusieurs intrigues criminelles entre les motards, les trafiquants, le groupe terroriste des olvidados et les autorités ; en arrière-plan émergent des drames familiaux – celui d’EZ en particulier. Malgré quelques arcs narratifs plus faibles (la relation bien plate entre EZ et Emily ou la présence des Olvidados, susceptible de donner la parole aux victimes des cartels mais finalement simple ressort scénaristique), l’ensemble est bien mené et comporte son lot de rebondissements. L’histoire entremêle le tout et précipite ses personnages dans les méandres inextricables d’une intrigue dense et torturée comme aime à les construire Kurt Sutter. Mais pourtant, il manque à l’ensemble le souffle et l’intensité auxquels il nous a habitués.
Une des raisons vient sans doute de l’absence de personnages forts et charismatiques auxquels s’attacher. Le club des Mayans est pour l’instant composé de figures quasiment anonymes et sans substance (excepté peut-être Coco, joué par Richard Cabral) – au point qu’on vous met au défi de donner le nom du président du chapter ! (Réponse : Obispo Bishop Losa) Et quand un Edward James Olmos donne au père d’EZ une réelle intensité, le reste du casting n’est pas au même niveau. A commencer par un JD Pardo inexistant dans le rôle principal et un Danny Pino manquant d’âpreté dans la peau de Galindo.
Mayans MC rencontre une autre difficulté : quoi qu’on fasse, il s’avère impossible de s’affranchir de la comparaison. La difficulté majeure consistait sans doute à concilier la tentation de reprendre l’univers de SOA et la nécessité de s’en écarter. Pris entre deux feux, Sutter et son co-auteur James Elgin ne parviennent pas à trouver l’équilibre et, au fil des épisodes, ne cessent de renforcer la connexion entre les deux séries.
Passons sur l’atmosphère : avec ses bikers à la frontière mexicaine, ses multiples scènes de violence et son désir de symbolisme (un animal donne son titre à chaque épisode et prend valeur de métaphore), Mayans MC s’appuie sur le même style et les mêmes thèmes que SOA – mais puisqu’elle suit les méfaits d »un gang de motards criminels, on pouvait difficilement faire autrement… En revanche, la transposition de plusieurs intrigues de la série originale est déjà plus dérangeante. En dépit de légères variations, le meurtre perpétré par Coco, l’enlèvement du fils de Galindo, la pression exercée par les autorités sur EZ ou la mission confiée par Potter aux frères Reyes ne sont finalement que des reprises d’arcs narratifs déjà vus dans SOA.
Dernier point – et non des moindres : l’irruption de plusieurs personnages de Sons of Anarchy. Si au départ, quelques allusions et caméos (Gemma et Les Paker par exemple) pouvaient passer pour des clins d’œil aux fans, les apparitions récurrentes de Alvarez (Emilio Rivera), Chucky (Michael Ornstein) et de l’assistant du procureur Lincoln Potter (Ray McKinnon) laissaient deviner un lien beaucoup plus tangible. C’est finalement la toute dernière scène qui établit une connexion irréversible entre les deux séries, avec une révélation-choc. Celle-ci augure d’une intrigue intense pour la saison suivante, mais on voit mal comment Mayans MC pourrait maintenant exister par elle-même sans y inclure Samcro. Le cross-over est servi… Reste à savoir s’il faut le regretter ou s’en réjouir.
Si objectivement, Mayans MC n’est pas mauvaise série, elle échoue à s’affranchir du modèle de Sons of anarchy en raison des références constantes et d’une intrigue construite sur un modèle similaire sans toutefois atteindre la même intensité. Abandonnant apparemment l’idée de développer un univers indépendant centré uniquement sur les Mayans, les scénaristes finissent même par établir une connexion inattendue en donnant un rôle essentiel à l’un des membres de SAMCRO. Se piégeant elle-même dans une comparaison qui n’est pas en sa faveur, Mayans MC est loin d’atteindre le niveau de Sons of anarchy. Pour l’instant, du moins ; peut-être y parviendra-t-elle, mais la route est encore longue.
Mayans MC (FX)
Saison 1 – 10 épisodes de 50 à 70 min.
Diffusée en France sur Canal Plus.