Les Paraguayens redoutent la réforme constitutionnelle adoptée en fin de semaine dernière par une majorité de sénateurs. Celle-ci permettrait de rendre possible la réélection du président sortant, actuellement interdite par la Constitution de 1992. Une hypothèse qui fait ressurgir, dans l’esprit des citoyens, les souvenirs violents de 35 ans de dictature.
Depuis l’adoption du projet de loi, ce vendredi 31 mars, les manifestations se multiplient à Asuncion, la capitale du pays, au point de provoquer une véritable crise institutionnelle. L’actuel président, Horacio Cartes, au pouvoir depuis 2013, souhaite briguer un second mandat en avril 2018.
« Plus jamais la dictature »
Démocratie encore fragile, le Paraguay a été marqué par 35 douloureuses années de dictature du général Alfredo Stroessner de 1954 à 1989. Dans l’esprit de la Constitution de 1992, le mandat unique de cinq ans s’était alors imposé comme une garantie contre les dérives dictatoriales.
L’opposition redoute un retour en arrière et dénonce un véritable « projet dictatorial » du conservateur Horacio Cartes. Il est, paradoxalement, soutenu par son prédécesseur de gauche, Fernando Lugo, qui pourrait alors bénéficier, lui aussi, de la possibilité d’être réélu.
« Plus jamais la dictature », c’est le slogan que scandent les manifestants depuis plusieurs jours devant le Parlement. Les affrontements ont parfois été violents ce week-end. Plus de deux cent arrestations ont eu lieu ce week-end, des incendies ont été déclenchés, des vitres brisées… Un militant des Jeunesses Libérales à été tué par un policier alors qu’il essayait de s’introduire dans le bâtiment. Deux parlementaires et des centaines de manifestants ont également été blessés.
Appel au calme
Devant la violence des affrontements, Horacio Cartes a appelé au calme. Il a, par ailleurs, assuré qu’une réélection ne serait pas une menace pour la démocratie, prenant appui sur nombre de pays ayant intégré ce fonctionnement.
Mensaje al pueblo paraguayo sobre los eventos acontecidos en las últimas horas. https://t.co/5MiXL8X1ro
— Horacio_Cartes (@Horacio_Cartes) 1 avril 2017
« Message au peuple paraguayen sur les événements survenus dans les dernières heures » Horacio Cartes.
Le président a également annoncé l’ouverture d’un débat national avec les représentants des partis politiques, de la Cour Suprême et des élus.
Les étudiants sont particulièrement mobilisés. Installés devant le Parlement ils recueillent les signatures d’opposants à la réforme. Le Président du Sénat, Roberto Acevedo, a qualifié « d’inconstitutionnel » le vote du 31 mars et a appelé la Cour Suprême à l’invalider.
L’amendement devait être, ce mardi, à l’ordre du jour de la séance plénière de la chambre des députés. Si les deux chambres du Parlement l’adoptent, l’autorité électorale devra organiser un referendum dans un délai de trois mois. Si le « oui » l’emporte, la réélection pourra entrer en vigueur.
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Crédits photo à la Une : AFP / Cesar Olmedo