
A mesure que le conflit Israélo-palestinien s’intensifie, les discussions concernant la reconnaissance de l’Etat palestinien se multiplient en France. Le président de la République, Emmanuel Macron, a rappelé vouloir reconnaître l’Etat de Palestine très prochainement, courant juin. Plusieurs pays ont déjà donné lieu à cette reconnaissance, mais dans quel but ? Quels sont les effets concrets de cet acte diplomatique ?
La Palestine, quel statut sur la scène internationale ?
Depuis le Plan de partage de la Palestine en 1947, les accords mentionnent le partage du territoire entre un Etat hébreu et un Etat Palestinien. Ainsi, le texte initial à l’origine même d’Israël prévoit le cheminement vers un Etat de Palestine.
Lorsque que Yasser Arafat déclare l’Etat de Palestine en 1988 et accepte la résolution 242 délimitant les territoires palestiniens et israéliens, déjà plusieurs dizaines de pays reconnaissent la Palestine en tant qu’Etat, notamment la Ligue Arabe, l’URSS ou plusieurs Etats Africains. En 1993, les accords d’Oslo marquent une grande étape dans ce processus de souveraineté, avec la reconnaissance mutuelle d’Israël de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine).
Aujourd’hui 147 pays sur 193 Etats membres de l’ONU reconnaissent l’Etat de Palestine. En 2024, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont eux aussi annoncé reconnaître cet Etat. Ainsi, le fait que la France reconnaisse un Etat Palestinien, c’est-à-dire un territoire souverain et politiquement organisé, ne constituerait pas une avancée révolutionnaire à l’échelle régionale.
En droit international, on définit un Etat comme « une collectivité qui se compose d’un territoire et d’une population soumis à un pouvoir politique organisé [et] se caractérise par la souveraineté« . (Commission d’arbitrage pour l’ex-Yougoslavie : « Commission Badinter » 1991). Il est aussi précisé que « les principes du droit international … permettent de définir à quelles conditions une entité constitue un Etat », mais que « l’existence [ou la disparition] de l’Etat est une question de fait ».
Ainsi, il est important de rappeler que l’existence d’un Etat est préalable à sa reconnaissance. En conséquence, le fait que la France reconnaisse l’Etat de Palestine ne voudrait pas dire que la Palestine viendrait de remplir les conditions pour être un Etat : la France prendrait simplement acte de son existence.
La volonté pour la France d’une solution à deux Etats
Globalement, si Macron reconnaît l’Etat de Palestine, cela voudrait dire que la France s’engagerait à respecter sa souveraineté, c’est-à-dire le droit pour la Palestine de disposer de « la compétence de sa compétence ». L’Etat français reconnaîtrait donc que la Palestine doit avoir l’exclusivité de l’autorité interne et externe sur son territoire, sans aucune ingérence. Une avancée diplomatique, qui permettrait peut-être à l’Allemagne ou au Royaume Uni de reconsidérer la question, mais aussi d’ajouter un troisième pays reconnaissant l’Etat de Palestine au conseil de sécurité de l’ONU. Une majorité de 3 membres permanents sur 5 reconnaitraient alors la Palestine comme Etat au conseil de sécurité, une avancée plutôt symbolique qui ne pèserait pas face au droit de veto individuel.
Si la France veut reconnaitre l’Etat de Palestine, c’est parce qu’elle voudrait avancer vers une solution à deux Etats – celle initialement prévue dans le Plan de partage de la Palestine, texte résultant du mouvement sioniste. En ce moment, Emmanuel Macron tente d’ailleurs, comme le souligne Bertrand Badie dans un entretien pour l’Opinion, de faire reconnaître l’Etat Israélien par certains pays arabes. Une sorte de médiation sans effet concret au Proche Orient, qui remanie simplement les relations diplomatiques entre la France, les puissances Occidentales et Israël.
Pourquoi tant de débats autour de l’Etat de Palestine?
Si déjà 147 Etats reconnaissent l’Etat Palestinien, et que finalement ce n’est pas la reconnaissance de la communauté internationale qui définit l’existence d’un Etat, pourquoi débattons-nous encore de cet acte diplomatique ?
Dans un premier temps, il est important que les Etats reconnaissent mutuellement leur existence pour assurer leur souveraineté respective – bien qu’elle existe déjà. Cette reconnaissance permet d’avoir une meilleure voix et une meilleure place, considérée comme plus légitime, sur la scène internationale. C’est précisément ce pourquoi certains s’opposent à la reconnaissance française de l’Etat palestinien.
Plusieurs arguments de l’opposition consistent à dire qu’il n’existe pas de réelle entité politique institutionnalisée en Palestine et donc pas d’Etat palestinien. D’autres mettent le doigt sur l’idée que reconnaître l’Etat palestinien reviendrait alors à reconnaître un gouvernement Hamas, ce qui intensifie les débats. Il est cependant important de souligner qu’au niveau international, c’est toujours l’Autorité Palestinienne et non le Hamas qui représente la Palestine, même si l’organisation islamiste a pris le contrôle de Gaza en 2007. Il s’agit aussi de ne pas s’adonner à un sophisme mélangeant la bande de Gaza et la Palestine.