The Kettering Incident découverte au Festival Séries Mania en 2016 est portée par Elizabeth Debicki, bientôt dans Tenet de Christopher Nolan. Retour sur cette série avec sa créatrice Victoria Madden
The Kettering Incident c’est quoi? Anna Macy se réveille en Tasmanie. Résidant à Londres, elle n’a aucune idée de la manière dont elle est arrivée là… Son retour sur l’île, qu’elle avait quittée suite à la disparition inexpliquée de l’une de ses amies, est de plus mal perçu par la population.
High concept drama australien, The Kettering Incident nous a intrigué comme ce fut le cas avec la suédoise Jordskott. Mystérieuse, angoissante, envoûtante, portée par une héroïne magnétique et charismatique, The Kettering Incident porte en elle les germes d’une série qui rend addict. Le premier épisode de la série est en ça un parfait exemple car même s’il pose les bases de ce que sera la série, il adopte un rythme qui lui est propre et sait conserver une lenteur nécessaire pour s’immerger dans la série.
Nous avons pu nous entretenir longuement avec la créatrice de la série, Victoria Madden, sur la création de cette série
Pour vous, The Kettering Incident est une série australienne ou tasmanienne ?
C’est une série australienne. C’est la première série faite en Tasmanie, mais la Tasmanie fait partie de l’Australie – même si beaucoup de non-unionistes prétendent le contraire ! C’est quelque chose de différent, parce que personne n’avait jamais utilisé les paysages que nous avons dans The Kettering. J’ai travaillé à l’étranger – au Royaume-Uni et en Irlande – et j’ai été marquée par la manière dont ils utilisent leurs paysages, mais aussi par les séries scandinaves et Les Revenants, qui ont été une grande influence. J’adore cette série. Je sais qu’il y a une saison 2 et je ne l’ai pas encore vue. J’ai failli rencontrer la productrice, mais elle a été appelée ailleurs et c’était un peu décevant parce que j’ai trouvé cette série étonnante et incroyable, tout comme le fait qu’elle soit française et qu’elle ait si bien marché au Royaume-Uni , dans une autre langue. Ça, les séries scandinaves le font extrêmement bien, et mon sentiment personnel, c’est que les séries scandinaves sont très focalisées sur un lieu ; il devient central , comme dans The Kettering Incident. Et avec The Kettering Incident, beaucoup de gens m’ont demandé où ça se situait en Tasmanie, si c’était vraiment aussi sombre et gothique. C’est un endroit que les gens recherchent, auquel ils s’intéressent, et ils se disent qu’ils ne verraient pas d’inconvénient à le visiter. C’est une île magnifique.
Comment avez-vous imaginé The Kettering Incident ? C’est une série très particulière, et je suppose que même en Australie, c’est difficile de vendre un concept comme celui-ci ?
Comme je vous l’ai dit, j’ai vécu à l’étranger pendant assez longtemps. Je voulais rentrer en Tasmanie pour passer un peu de temps avec ma mère, qui devient âgée. La Tasmanie, c’est l’endroit où j’ai grandi et ça a toujours été mon refuge spirituel. Dès que quelque chose allait de travers dans ma vie, je revenais en Tasmanie, comme dans une sorte de paradis. Il en a toujours été ainsi. Après plusieurs années à l’étranger, j’ai décidé de ré-emménager à la maison, pour passer du temps avec ma mère. Quand je suis arrivée, quelque chose avait fondamentalement changé et, tout à coup, j’ai eu la sensation de ne plus appartenir à ce lieu. Ça a provoqué un vrai dilemme en moi, parce que j’ai pensé que je ne venais plus de cet endroit, que quelque chose avait changé. C’était très troublant. J’ai commencé à penser à ce qui se passait lorsqu’on perd cette connexion à son foyer ; c’est l’essence d’Anna, cette fille qui retourne à l’endroit d’où elle vient.
En Tasmanie, on a tourné plusieurs films, mais pas de drame. Mais j’ai été en Irlande, qui est très similaire dans ses relations avec le Royaume-Uni, et ils tournent des drames ; je travaillais sur les séries en regardant comment ils y étaient parvenus. Je suis revenue ici, et j’ai parlé aux investisseurs, au gens qui financent les séries, et je leur ai dit que je voulais vraiment essayer de tourner un drame. J’ai donc commencé à développer l’idée d’Anna qui revenait, mais comme j’ai vécu à l’étranger, j’étais aussi très attirée par ce que j’appelle le genre hybride. Vous avez vu Life on Mars ? Ce genre de séries, où le réel et le surnaturel s’agrègent, d’une façon assez logique mais en dehors de la réalité. Le genre criminel, je suppose que ce n’est pas ma spécialité, mais c’est ce que j’ai toujours aimé faire et j’ai essayé de marier plusieurs idées. La Tasmanie est réputée parce que nous sommes très proches de l’Antarctique ; nous avons donc la lumière australe et la lumière du Nord comme en Norvège, il y a beaucoup de phénomènes dans le ciel, beaucoup de lumières étranges.
Ma mère m’a beaucoup influencée quand j’étais petite : elle est très superstitieuse et j’ai grandi en croyant réellement à ces lumières dans le ciel et à toutes ces choses. Et j’ai toujours été obsédée par les personnes disparues : où sont-elles passées ? Il y a une grosse histoire d’OVNI en Australie, en Tasmanie, à propos d’un pilote qui s’appelle Frederick Valentich. Il a disparu en volant au-dessus de Bass Strait, un bras de mer entre l’Australie et la Tasmanie. Avant de tomber à l’eau – ou quoi que ce soit qui lui soit arrivé – il a passé un appel de détresse en disant qu’il y avait quelque chose, une lumière au-dessus de lui, et que ce n’était pas un avion. J’étais et je suis toujours obsédée par cette histoire. On l’aborde dans la série, avec le retour d’Anna chez elle, les personnes disparues…
Vincent, mon collaborateur, a tourné un film en Tasmanie, bien qu’il ne soit pas tasmanien, et il est tombé amoureux de l’atmosphère mystérieuse, parce que la Tasmanie est une terre clanique, si vous voyez ce que je veux dire. C’est très tribal, il y a de nombreuses familles renfermées sur elles-mêmes. Ça l’a fasciné, tout comme l’a fasciné le fait qu’il ne pouvait pas y pénétrer, parce qu’il vient de l’extérieur. Il s’est trouvé qu’il a parlé aux investisseurs, en leur disant, « J’adorerais tourner autre chose là-bas. », et ils lui ont répondu « Eh bien, elle vient juste de rentrer de l’étranger, pourquoi n’allez-vous pas lui parler ? » Il est donc venu me trouver, en disant qu’il aimerait beaucoup faire quelque chose avec moi. On s’est lancés, c’était le genre de choses qui m’intéressait. Il était plutôt ouvert à tout, il adorait le fait que je sois tasmanienne, que je puisse frapper aux portes, accéder à toutes les choses qu’il avait trouvées si intéressantes. C’est de là qu’est né The Kettering Incident, c’est à partir de là que nous avons tout construit.
Kettering, c’est un peu un endroit comme le Triangle des Bermudes ?
Oui, le plan d’eau, est en fait surnommé par certains le triangle de Bass Strait, parce qu’il y a eu tant de disparitions de bateaux, d’avions, de choses comme ça… Pour Kettering, où nous avons tourné, nous avons dû aller au Sud parce que c’était plus pratique pour installer notre base de tournage. C’était très difficile, en Tasmanie, de trouver une base que nous pouvions utiliser, ça devait être un endroit central, et Hobart est devenu notre point d’ancrage. Kettering, c’est juste une petite ville portuaire, mais un port assez important, la côte ouvre sur l’océan austral qui conduit directement en Antarctique, et tous les grands bateaux de course y viennent. Il y a quelques semaines, nous y étions pour la promotion, et il y avait un bateau français, en route vers l’Antarctique. On s’est dit que c’était étrange, très excitant. C’est donc un port, et nous avons essayé d’exploiter l’idée de la présence de l’Antarctique. Dans la saison 2 – et même déjà en saison 1, en fait – il devient clair qu’il existe une connexion avec l’Antarctique. Et en saison 2, on se focalisera sur ce qui se passe là-bas, en Antarctique, sur ce que vont y faire tous ces bateaux français, allemands ou russes. Ça pourrait être très intéressant. Donc Kettering, c’est cet endroit : il y a ce joli petit port, et j’aime ce nom ; c’est un très joli nom. Que ça plaise ou pas, c’est une petite ville qui va avoir beaucoup de publicité !
A-t-il été difficile de convaincre une chaîne de diffuser une série comme The Kettering Incident ? Parce qu’il n’y a pas d’épisodes indépendants, c’est une histoire qui couvre toute une saison.
Nous avons eu de la chance. Une grosse partie dépend de la chance, quand les choses se combinent comme ça. Il y a beaucoup de séries, comme Les Revenants ou les séries suédoises, qui commençaient à avoir un réel impact dans le monde entier et même ici. Foxtel, qui est une chaîne du câble, cherchait justement quelque chose qu’ils qualifiaient d’audacieux et de différent, et leur but était d’avoir une série comme Les Revenants, une série de marque. La première fois que nous nous sommes tournés vers eux, le fait que nous ayons beaucoup d’expérience – moi à la télévision et Vincent au cinéma – a beaucoup aidé pour engager la discussion. Ils adoraient l’idée de la fille disparue, de la forêt, de la Tasmanie, mais ils étaient un peu inquiets quant à l’aspect surnaturel, sur la direction qu’on allait prendre. Mais globalement, je dois dire que je me suis sentie soutenue, et je les ai vraiment poussés. Je n’arrêtais pas de leur répéter : « Vous vous souvenez, quand vous avez dit que vous vouliez quelque chose d’audacieux ? »
A leur décharge, ils nous ont vraiment suivis. Je pense qu’ils étaient parfois un peu nerveux, parce que c’était quelque chose de nouveau, et nous étions donc très prudents. Comme il y a une intrigue criminelle, qui nous fournit une épine dorsale, vous pouvez regarder la série même si vous n‘aimez pas le surnaturel, comme une bonne série criminelle dans le genre de Broadchurch ou quelque chose comme ça. Je voulais juste pousser un peu plus loin, parce qu’il y a en Tasmanie une atmosphère gothique, une ambiance mystérieuse que je voulais garder. A mesure que vous avancez dans la série, ça devient plus évident. Donc, ça n’a pas été facile, mais nous avons eu la chance que la chaîne soit prête à le faire ; un an plus tôt, je ne suis pas certaine que ça aurait été le cas. J’ai vraiment cité Les Revenants en exemple, parce que la série a été très populaire aux Royaume-Uni. Une bonne partie a donc consisté à bluffer et à tenter de convaincre les gens ! Et pour eux, c’était une série couteuse.
L’autre élément, c’était Elizabeth Debicki. C’est eux qui l’ont trouvée, j’avais quelqu’un de totalement différent en tête. J’ai reçu un appel me proposant de rencontrer Elizabeth, et elle est étonnante, elle a une allure surprenante. Elle mesure 1m90 et ça m’a un peu déstabilisée, je me suis dit qu’il allait falloir modifier un peu l’histoire… J’étais assez réticente parce que je pensais qu’elle allait détourner l’attention, mais quand nous avons vu son audition, on ne pouvait pas nier qu’on assistait à la naissance d’une star. Et elle voulait vraiment le rôle ! Nous nous sommes rencontrées, et elle m’a dit : « Je ne sais pas si vous me choisirez, mais je veux vraiment ce rôle, je suis prête à travailler très dur et vous serez contente de m’avoir prise. » Comment pouvais-je refuser ? Et elle a réussi, alors que c’est un rôle très physique et qu’elle devait vraiment comprendre intrinsèquement le personnage. Elle est très antipathique dans les deux premiers épisodes…. Le retour que nous avons eu est très intéressant : beaucoup de femmes l’ont aimée, alors que je pensais que ce ne serait pas le cas, que ce serait difficile pour elles d’être en empathie. Mais j’ai vraiment l’impression que les femmes ont changé, elles n’ont plus besoin de s’attacher aux autres, mais elles ont besoin de créer un lien, et je crois qu’elles le peuvent grâce à son désespoir dans les deux premiers épisodes, au rejet qu’elle subit de la part de son père… Mais j’ai découvert que pour d’autres, c’’est un vrai défi. Une journaliste m’a demandé si elle allait devenir plus sympathique, et j’ai répondu, « peut-être, ou peut-être pas ! » J’aurais dû prévenir que ce n’était pas une propriétaire terrienne romantique, parce que je voulais une vraie héroïne, une femme forte. Une femme qui doit survivre malgré ses faiblesses, élucider un mystère à l’intérieur d’elle-même, et qui a cette incapacité à se connecter aux autres. On dit toujours que les femmes ont une manière étonnante de se lier aux autres, mais ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas si facile. Et je voulais montrer une femme comme ça, ce que les Danois font très bien avec Sarah Lund dans The Killing.
Apparemment, quand elle a reçu les indications pour le rôle, les producteurs lui ont dit, « Tu es Clint Eastwood » ! Et quand vous regardez la série en sachant cela, vous comprenez ce qu’il y a de tellement fascinant en elle : elle ne se comporte pas comme une femme, elle est asociale, elle n’aime pas parler aux gens, elle part en plein milieu d’une conversation, elle fait toutes ces choses masculines. Parce qu’elle a un rôle masculin, ça la rend très intrigante en tant que femme. Anna n’a pas été pensée comme un personnage masculin, elle n’a pas besoin d’être aimée, mais je ne voulais pas écrire un personnage féminin affaibli pour que les gens l’aiment. Elle a un début de relation dans un épisode, mais ce n’est pas une romance classique, c’est plus un besoin de connexion, parce que c’est ce qu’elle recherche. C’était ça, le défi avec elle.
Pour une série comme The Kettering Incident, l’atmosphère est un autre élément très important. C’est un endroit étrange et effrayant mais pourtant, on aimerait venir à Kettering. Comment avez-vous travaillé avec le réalisateur, qui tient un grand rôle sur la série ?
Nous avons eu de nombreuses discussions avec nos deux réalisateurs. Nous avions deux réalisateurs, et nous avons beaucoup parlé du style de la série. Nous avons pris d’autres séries comme point de repère, en quelque sorte comme des pistes. Nous tournions toujours dans la foulée, et on ne savait donc pas vraiment ce qui allait arriver. Nous ne voulions pas quelque chose de traditionnel, nous voulions nous éloigner d’une réalisation classique. Et créer cette sorte d’ambiance légèrement effrayante. On ne sait pas ce qu’il y a dans la forêt, et il fallait que ça fonctionne – ce qui était un défi. C’était un tournage assez lent, parce que nous voulions bien faire les choses. La directrice de la photographie est également une femme, et toutes les deux nous avons eu de longues conversations à propos des souvenirs que je gardais de la Tasmanie de mon enfance, de mon regard d’enfant. Il y a une lumière très intéressante là-bas, une lumière très différente, très belle, très blanche, et elle est vraiment parvenue à tomber juste, à obtenir ce rendu. Et il y avait des nuances de rouge omniprésentes : je voulais des paysages hostiles, avec les arbres de la forêt, du sang partout, il y a des saignements de nez tout le temps, des traces de rouge, une typographie rouge pour porter les premières scènes… On voulait vraiment styliser l’ensemble, pour coller au concept et à l’esthétique. C’était nouveau pour tout le monde, et il y a des moments où j’aimerais pouvoir revenir en arrière, maintenant que nous avons autant appris.
Mais l’un dans l’autre, on en était tous au même point et je crois que c’est en partie parce que les auteurs et les producteurs ont su conserver le script à l’écran. Parce que souvent, en Australie, l’auteur se retire assez vite et le producteur prend la pas ; mais il perd quelque chose, il perd la voix de l’auteur ou son intention. Comme j’ai pu rester tout du long, nous avons pu garder l’essence du scénario. Tout est donc dans le script, je me suis assurée de l’écrire d’une façon bien particulière, pour que nous puissions toujours nous y référer, pour la symbolique que nous voulions montrer, la manière dont devait apparaître la forêt, ce genre de choses… Et il y a toute la mythologie des contes de fée. J’aime beaucoup les contes de fée, je voulais vraiment rendre ce sentiment, y compris avec la musique. On a pris un compositeur pour cette mythologie de conte de fée : quand Anna repense à son enfance, vous entendez cette musique et elle vous rappelle cette période. Tout ça était très réfléchi.
A propos de la musique, et surtout du générique, c’est quelque chose de très important dans une série. Comment avez-vous travaillé cet aspect ? Parce qu’il nous donne toute l’atmosphère de la série…
Et c’était très important. La séquence d’ouverture montre deux enfants qui marchent dans la forêt, c’est l’incident de Kettering. On avait un compositeur avec qui on a parlé des contes de fée et nous avons une musique pour chaque personnage ou axe narratif. Il y a donc le conte de fée au début, et c’était important d’avoir cette musique enfantine. Pour la musique du générique, c’est presque comme s’il y avait quelque chose d’obsédant mais aussi de terrestre, c’est presque une musique indigène. On a utilisé certains instruments qui constituent une grande part de cette musique, c’est une bande-son originale et inhabituelle. Nous avons beaucoup de bruits de forêt, il y a beaucoup de chouettes, beaucoup d’animaux sauvages… En fait, il nous a amené son studio, où il a tous ces instruments étonnants et bizarres qu’on n’a jamais vus auparavant, pour obtenir cette bande-son originale et que nous voulions absolument pour les paysages de forêt gothiques. Il a été très bon.
Que vouliez-vous raconter dans le générique, à propos de votre série ?
Je voulais dire que vous alliez embarquer dans une aventure, comme quand on ouvre un conte de fées par Il était une fois. Mais c’est un conte de fée sombre, un conte des frères Grimm plutôt que de Disney, et ça ne va probablement pas bien se terminer. Les paysages sont effrayants, et vous découvrez qu’il y a des transgressions dans l’histoire, pour tous les personnages. Avec Anna présente dans la forêt ce jour-là, vous découvrez que c’est en quelque sorte une forêt interdite, et c’est ça la transgression. Et plus on s’y enfonce, plus la musique devient sombre. Dans un conte de fée, de mauvaises choses arrivent quand vous désobéissez. Et nous voulions vraiment obtenir cette atmosphère de conte de fée sombre.
Pour moi, The Kettering Incident c’est comme un hommage à Twin Peaks. Etes-vous d’accord ?
Oui. David Lynch est un de mes grands héros. J’adore tout dans son travail, parce que même si les histoires sont étranges, il utilise toujours une symbolique et j’adore la narration symbolique. Il a un esprit très original, et même si l’on s’éloigne de la norme, la première série de Twin Peaks a marqué un tournant selon moi, à sa sortie. Et cette bande originale ! Je l’écoute encore, c’est une des plus belles et je pense que c’est à ça que doit ressembler une série. Elle doit être complète – on doit pouvoir couper les images et écouter la musique, ou couper le son et regarder les images. C’est davantage que des personnages qui parlent, et il y a beaucoup de cette transgression et de ces contes de fée qui mettent en garde, ce qu’il fait avec beaucoup de style et d’esthétisme. Et cette musique, quand on pénètre dans la ville… On a ce genre de paysage en Tasmanie avec la forêt, mais ça ne rate jamais : j’ai toujours le frisson, même si je regarde la série aujourd’hui. Ça me donne toujours des frissons, et je trouve qu’il est toujours aussi envoûtant, dans tout ce qu’il fait. Il reste toujours honnête avec lui-même.
Dernière question, mais elle est très importante : je trouve que ce qui est très intelligent dans la série, c’est la façon dont vous jouez avec tous les codes pour les casser, et c’est très pertinent-à-vis d’un public international. Quand vous avez écrit la série, avez-vous pensé que vous pourriez la vendre partout dans le monde ? Que ce ne serait pas seulement une série australienne, mais une série internationale, comme le font les Américains ?
C’était un élément-clé pour moi, parce que j’ai travaillé à l’étranger et à mon retour, j’ai constaté que nous faisions une télévision très locale – ce qui est très bien pour un public local, mais ça ne se vend pas à l’international et pour moi, c’était très important. Je voulais faire une série internationale : de grandes choses, une grande histoire dans laquelle tout le, monde pourrait se retrouver. Même si c’est une série australienne, elle n’est pas si australienne que vous ne puissiez vous y sentir connecté. Ce sont des sujets, des préoccupations universelles comme l’environnement, l’exploitation économique. C’est un monde très violent, un monde très tasmanien. La Tasmanie fait partie du patrimoine mondial, et il y a toujours beaucoup de protestations : la Tasmanie est une ile en guerre permanente à cause des exploitants. C’est un sujet que j’ai apporté avec moi, et ça arrive encore aujourd’hui : tous les ans, il y a une grosse manifestation parce que les gens essayent de protéger la forêt.
Une des premières choses que Foxtel a aimé dans la série, c’est qu’on n’avait jamais vu une histoire racontée du point de vue des exploitants, parce que les gens les voient comme des ennemis. Mais j’ai grandi dans cet endroit, et même si je suis une écologiste, je sais aussi ce que c’est que de dépendre des mines et des exploitations pour survivre. Je voulais raconter cette histoire, parce que personne d’autre ne le faisait. Certains acteurs jouent des exploitants : le type qui joue Grayson – Ben – c’est un vrai écologiste, un activiste bien connu en Australie. Il a d’abord trouvé que c’était un défi, puis il a rencontré des exploitants et toute son attitude a changé. Parce que vous savez, ce sont juste des gens qui essayent de gagner leur vie. Des générations ont vécu ainsi. C’est quelque chose que je voulais vraiment raconter, et c’est ce qui a attiré Foxtel au début – la fait qu’on n’avait jamais vu ce côté-là de l’histoire. Et c’est très bien qu’ils aient voulu faire cela, parce que ce n’est pas un sujet très populaire. Mais j’en savais beaucoup là-dessus, et je pense qu’ils l’ont compris. J’avais un lien personnel avec tout ça.