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Turquie: à bas la liberté d’expression

Qui sème la contestation récolte les geôles. La cour criminelle d’Istanbul a condamné jeudi deux journalistes turcs à deux ans de prison chacun pour avoir illustré en 2015 leur éditorial d’une caricature de Mahomet parue dans Charlie Hebdo. 

La Turquie n’est pas Charlie. Et ces deux journalistes l’ont appris à leurs dépens. S’il est déjà risqué de caricaturer le prophète en France, le faire en Turquie exige une sacrée dose de courage. Sauf qu’à l’inverse de notre cher Hexagone, les dangereux radicalisés ne sont pas les seuls à vouloir étouffer la libre expression des médias. Là-bas, le gouvernement aussi. Il scrute les informations d’un oeil despotique, et à la première provocation, au cachot ! En 2015, ces deux journalistes ont fait le pari téméraire de consacrer pleinement leur une à l’offense ultime: une caricature de l’Indessinable, l’Inreprésentable, l’Incalquable, l’Inimitable, le Grand, le Tout Puissant, j’ai nommé Mahomet. Mal leur en a pris, les deux audacieux n’ont pas échappé à Big Brother. La sentence est tombée aujourd’hui : deux ans de prison. De quoi leur faire passer l’envie d’estampiller leur canard d’un dessin outrageux.

« L’Allemagne nazie » de 2015 ?

Ce totalitarisme ne date pas d’hier. Cette si jolie contrée au bord de l’eau turquoise est un enfer pour les intellectuels à contre-courant. Début septembre, un groupe de quelques 180 érudits turcs éminents exprimaient dans une déclaration commune leur crainte de voir la Turquie suivre la pente de l’Allemagne nazie. Celle d’un gouvernement légitimement élu se muant en dictature impitoyable, qui évince ses opposants un à un, avant de conduire le pays à la catastrophe. Cette pétition, également signée par des étrangers de renom comme le linguiste américain Noam Chomsky, a suscité l’ire du Chef d’État. Comme tout despote, il n’accepte pas la contestation. La tue dans l’oeuf, et réprime ceux qui en sont les artificiers. Piqué d’un violent délire colérique dans un discours à Ankara, Recep Tayyip Erdogan a notamment déclaré : « Cette horde d’universitaires s’est clairement rangée dans le camp de l’organisation terroriste et a craché sa haine sur le peuple turc« . Il ne tardait pas à la démembrer quelques mois plus tard…

Pensée unique, arrestations multiples

Ainsi le 15 janvier dernier, le Président lançait sa Gestapo aux courses des intellectuels. Sur ordre du procureur, 21 universitaires sont interpellés dans la nuit à leur domicile, et placés en garde à vue à Kocaeli, dans le nord-ouest du pays. Motif de l’arrestation : « propagande terroriste » et « insulte aux institutions et à la République turque ». Ça rappelle doucement les pratiques d’un tyran soviétique à la moustache fournie et celles d’un petit nerveux le bras toujours levé. Il y a quelques jours, une correspondante néerlandaise exerçant en Turquie a également payé cher son goût à la provocation. Le « dictateur mélagomaniaque » n’a pas plu à Sa Majesté Erdogan, qui l’a fait arrêter sur le champs. Plus trouble en revanche, son appartement au Pays-Bas a été cambriolé. Assignée à résidence, elle est toujours retenue en Turquie. Il n’est pas rare de trouve des cas comme celui-ci. Très récemment, le journaliste Can Dündar a été condamné à 9000 euros d’amende pour « espionnage » et « insultes » envers l’Autocrate, lisez plutôt : dénonciations d’un gouvernement corrompu.

Fin octobre, un tribunal d’instance d’Ankara a confié la gestion des vingt-deux compagnies du groupe Koza Ipek à des administrateurs judiciaires pour la plupart issus de milieux proches de Son Altesse Sérénissime Erdogan. Et un mois plus tard, d’un fantastique tour de passe-passe, une soixantaine de journalistes disparaissaient soudainement des locaux. Une combine astucieuse bien connue des médias français, appelée la « Bolloré » !

Lire aussi :

Deux journalistes condamnés : l’information mise sous tutelle en Turquie

TURQUIE : 11 mois de prison pour un doigt d’honneur

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