Ultime tentative de SEGA pour relancer une série mal-aimée hors du Japon, Valkyria Revolution partait la fleur au fusil mais peine à convaincre.
Les joueurs aguerris connaissaient déjà Valkyria Chronicles, RPG tactique qui revisitait la Seconde Guerre mondiale à la sauce kawaii dans un mélange temps réel / tour-par-tour audacieux qui n’a pas su trouver son public en Occident. SEGA avait alors préféré battre en retraite, sortant deux épisodes sur PSP réservés au territoire japonais. Spin-off de la dernière chance surfant sur le regain du jeu vidéo japonais, Valkyria Revolution réécrit l’histoire à travers une Révolution industrielle où le charbon aurait été remplacé par la Ragnite, matériau précieux aux propriétés magiques. Alors que les puissances du Vieux continent se disputent le contrôle des ressources minières, le titre nous place à la tête d’une escouade bien décidée à mettre un terme au mystérieux programme des Valkyries.
Engagez-vous, qu’ils disaient…
Sensible au regain de popularité de la cathédrale Musou / Dynasty Warriors, Media Vision en a abondamment récupéré les rouages pour rendre la licence Valkyria plus accessible. Le pari de réconcilier le grand public avec une une licence mal-aimée aurait pu réussir si les équipes de développement ne s’étaient pas encombrées d’éléments superflus qui parasitent l’expérience au lieu de l’enrichir. Les missions suivent toujours le même schéma bien connu : objectifs, combats en arène, capture de bases, loot, boss de fin de niveau.
Valkyria Revolution incorpore l’alliance temps réel / tour par tour par le biais d’une jauge d’action qui déterminera la fréquence d’utilisation des sorts, objets et armes à longue distance. Les coups au corps-à-corps se font en temps réel, tandis que les commandes plus spécifiques (sorts, soins, objets, etc.) sont accessibles par un menu en pause active, à la manière d’un Tales of. Hélas, le titre de Media Vision pèche sur les deux tableaux. Comble du beat-them-all, chaque personnage dispose d’un combo unique qui le suivra du début à la fin du jeu, sans amélioration ni customisation possible. Aucune notion de timing n’est nécessaire : il suffit de maintenir Croix enfoncé pour le déclencher. Pour le reste, on se bornera à utiliser des attaques de zones trop limitées dans leur portée pour engager le joueur dans une démarche tactique. Aucun raccourci n’est proposé pour accéder à ses coups favoris : pour chaque commande, il faudra s’en remettre systématiquement à la pause active. Autant dire que le rythme s’en trouve plombé ! Le titre aurait pu se distinguer par ses quelques mécaniques d’infiltration et couvertures, si les bidasses qui servent de coéquipiers ne se jetaient pas systématiquement dans la gueule du loup. On se contentera donc de combats en arène pas très passionnants…
Entre les affrontements, la cité d’Elsinore fera office de hub central. Outre les habituels magasins d’équipements et les échoppes de Ragnite pour acheter de nouveaux sorts, il sera possible d’entretenir ses liens avec ses unités par un système de « Circles » qui semble tout droit repris de Fire Emblem et Persona, sans que l’écriture des dialogues ne permette d’y donner un véritable intérêt. Chaque personnage dispose de ses talents propres, que l’on pourra modifier au gré de l’aventure sans pour autant en ressentir les effets dans le feu de l’action. Un seul set d’équipement est disponible pour toute l’équipe. Amateurs de la personnalisation, passez votre chemin…
À l’Est, rien de nouveau
Marchant dans le sillon des RPG japonais tels qu’on les connaît depuis les années 2000, le pitch ne fait pas non plus dans l’originalité. Alors que le scénario sait prendre son temps pour exposer son contexte géopolitique, il se limite trop souvent à une querelle d’egos entre hauts gradés. Le récit d’une escouade d’anti-héros parasitant un empire de l’intérieur aurait pu apporter quelques variations bienvenues s’il n’avait pas été court-circuité par une narration inutilement verbeuse : entre deux écrans de chargement longuets, les interludes cinématiques dépassent parfois la quinzaine de minutes (!), et il faut attendre trois ou quatre heures de jeu pour que les grandes lignes se mettent en place. Niveau casting, il faudra s’en tenir au minimum syndical : outre les waifus de service, les protagonistes se contentent d’entretenir les stéréotypes des productions japanime les plus paresseuses. On sait d’avance que certains personnages auront droit à davantage de développement dans des missions additionnelles gratuites, sans que l’on sache si ces DLC sauront combler les nombreux raccourcis pris par le scénario.
Enfin, la direction artistique peine à trouver son identité. Là où le filtre « Canvas » des précédents opus flattait la rétine, le nouveau filtre « Gouache » est assez mal exploité. Si le choix des couleurs et les ombres crayonnées offrent un rendu plutôt agréable à l’oeil, la rigidité des animations et les textures parfois luisantes renvoient aux balbutiements de la PlayStation 3. Enfin, les musiques martiales, ronflantes et rébarbatives ne font pas tellement honneur à la discographie de Yasunori Mitsuda, quand elles ne sont pas recouvertes par les gimmicks vocaux des protagonistes décidément bien bavards sur le champ de bataille.
On aurait aimé croire à la résurrection de la série Valkyria en Occident, mais n’y allons pas par quatre chemins : Valkyria Revolution n’a pas grand chose pour lui. Outre un gameplay bancal et une narration qui mettra votre patience à rude épreuve, le jeu peine à trouver son identité tant il puise dans des répertoires éprouvés et bien mieux maîtrisés par la concurrence. Sa direction artistique chatoyante, qui aurait pu être un véritable atout, est gâchée par des défaillances techniques d’un autre âge. Un tel résultat vaut-il la peine de s’engager ? À vous de décider. En ce qui le concerne, votre serviteur a déjà déserté.
Édité par SEGA et Deep Silver, Valkyria Revolution est disponible sur PlayStation 4, Xbox One et PS Vita.
Visuels : SEGA