Les frères Kouachi et Amedy Coulibaly ont semé la terreur pendant trois jours de janvier 2015, entre Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hyper Cacher, arrachant la vie à 17 personnes. Le procès historique de ces attentats s’ouvre ce mercredi pour juger ces crimes qui ont meurtri tout un pays.
Retour en 5 points chronologiques sur ces trois attentats meurtriers dans l’hexagone.
1 / Bain de sang dans la rédaction de Charlie Hebdo
Le 7 janvier 2015 à 10 h 30 comme chaque mercredi, la bande de Charlie Hebdo se réunit pour une conférence de rédaction afin d’évoquer les futurs sujets à traiter dans le journal. Ce jour-là, Charlie Hebdo va vivre l’attentat le plus meurtrier de janvier 2015 lorsqu’une heure plus tard deux hommes cagoulés prêtant allégeance à l’Etat Islamique, et armés jusqu’aux dents font irruption dans les locaux du journal. La première des douze victimes est un agent de maintenance employé par le groupe Sodexo, Frédéric Boisseau qui travaillait le 7 janvier 2015 dans le hall de l’immeuble sans même savoir que le siège du journal se trouvait à cette adresse. Après lui avoir demandé «c’est où Charlie ?», les frères Kouachi l’ont tué et ont pénétré la conférence de rédaction tuant neuf autres personnes dont huit membres historiques de Charlie Hebdo : Bernard Verlhac alias « Tignous », Jean Cabut alias « Cabu », Philippe Honoré alias « Honoré », Stéphane Charbonnier, dit « Charb », Bernard Maris, Georges Wolinski, Elsa Cayat et Mustapha Ourrad.
En sortant dans la rue Nicolas-Appert à Paris, où le siège du journal se trouvait, les frères Kaouchi ont crié « On a tué Charlie Hebdo, on a vengé le Prophète Mohammed ! » faisant référence aux dessins publiés par le journal satirique sur le prophète Mahomet. Les deux terroristes ont ensuite pris la fuite dans leur véhicule, une Citroen C3 II, avant de tomber nez à nez successivement avec trois patrouilles de police trop peu armées pour lutter face aux kalachnikov des frères Kaouchi. Tuant à bout portant un policier à vélo, les assaillants ont repris la route mais vont littéralement encastrer leur véhicule dans un plot devant une boulangerie. Il décide donc de prendre de force le véhicule d’un usager auquel les frères Kouachi ont déclaré « Si les médias t’interrogent, tu diras : c’est Al-Qaïda au Yémen » dans un calme très surprenant selon l’automobiliste. Ils réussissent à semer les services de police mais ils vont abandonner leur voiture en laissant des indices précieux. La traque est lancée.
2 / La tuerie de Montrouge
Le lendemain à 8 heures, alors que les frères Kaouchi sont dans toutes les têtes, une fusillade a lieu à Montrouge par Amedy Coulibaly, une relation étroite des deux meurtriers de Charlie Hebdo. Équipé d’une arme de point et d’un fusil d’assaut, il agresse deux policiers présents pour un contrôle de routine et tue Clarissa Jean-Philippe , l’une d’entre eux de plusieurs balles dans le dos. L’assaillant a ensuite pris la fuite à bord d’une Renault Clio avant de la laisser à la gare RER d’Arcueil-Cachan. À ce moment là, Amedy Coulibaly n’a toujours pas été identifié par les services de police, l’assaillant étant cagoulé. Pourtant, c’est avec cette cagoule oubliée et arrachée lors de l’agression des deux policiers que son identification a pu être réalisée. Dès minuit, s’ajoute donc à liste des recherchés Amedy Coulibaly dont le lien avec Chérif Kouachi, l’un des deux frères, est bien réel. Les enquêteurs découvrent que les deux protagonistes se sont rencontrés lors d’un passage en prison en 2005.
Un appel à témoins pour retrouver le terroriste et sa femme est lancé par la préfecture de Police puis son domicile est fouillé de fond en comble à Fontenay-aux-Roses. Ville où Amedy Coulibaly est suspecté d’avoir agressé à l’arme automatique un joggeur sans raison le 7 janvier à 20 h 30. Toutefois, les enquêteurs n’ont pas encore réussi à trouver de preuves irréfutables. Le lendemain soir, une voiture explose à Villejuif mais la police ne fait pas le rapprochement avec les événements qui se passent en France. Pourtant l’auteur de cet acte est bien Amedy Coulibaly sans pour autant connaitre son objectif. Personne ne sait ensuite où se trouve le meurtrier alors que le matin du 8 janvier 2015, les frères Kaouchi sont vus dans une station-service en Picardie.
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3 /Les frères Kaouchi retranchés dans une imprimerie
Le 9 janvier 2015 vers 8 heures du matin dans l’Oise, les frères Kaouchi, cachés dans une forêt, prennent de force une Peugeot 206 à un automobiliste et se lancent dans une course-poursuite avec la police pendant 27 km. C’est à Dammartin-en-Goël dans… une imprimerie que les deux individus s’arrêtent. Ils prennent en otage le patron de l’entreprise munis de Kalachnikovs, d’un lance-roquette et de cocktails Molotov. Au moment où les frères Kaouchi pénètrent dans les lieux, deux employés sont présents. Le patron de l’entreprise est libéré deux heures plus tard après avoir discuté et… soigné les terroristes. Le second, c’est Lilian Père, le graphiste de l’entreprise, caché sous un évier sans que les assaillants ne soient au courant. Sans le vouloir, il va avoir un rôle clé, car ce dernier, toujours en possession de son téléphone portable, entre en contact avec le GIGN. Il a fourni de nombreuses indications aux unités d’élites chargées de l’opération avant de lancer l’assaut comme la position des frères Kouachi ainsi que la teneur de leurs discussions.
Alors que la première patrouille de gendarmerie arrive sur place, Saïd Kouachi sort fusille en main, et crible leur voiture de balle. Avant de passer à l’assaut, le GIGN a tenté pendant plusieurs heures de rentrer en contact avec les frères Kouachi sans succès, ces derniers souhaitaient « mourir en martyrs » et n’ont aucune envie de se rendre. C’est à 16 h 56 précisément que l’assaut va prendre une autre tournure. Les deux frères Kouachi ont décider de passer à l’attaque et tirent des coups des feux depuis une porte entrouverte. Le GIGN a répliqué et tué les deux assaillants en moins d’une minute.
Le saviez-vous ? Le président de la République François Hollande avait demandait à ce que les cartes de vœux de l’Élysée soient réalisées par cette imprimerie à sa réouverture.
4 / Amedy Coulibaly sème la terreur dans un Hyper Cacher Porte de Vincennes
Dans le même temps, Porte de Vincennes, Amedy Coulibaly prend en otage 17 personnes dans une supérette Hyper Casher depuis le début de l’après-midi. Lourdement armé, l’assaillant a déjà tué froidement une première personne après lui avoir demandé son nom. À cet instant, le directeur de la supérette, blessé à l’épaule, parvient à s’échapper pour rejoindre les policiers à l’extérieur. Il donnera accès aux forces de l’ordre aux caméras de surveillance du magasin afin de pouvoir situer l’assaillant. Le groupe d’otage va se diviser au sein de l‘Hyper Casher, une partie va se réfugier dans la chambre froide du magasin avec l’aide d’un employé qui réussira à s’enfuir via une sortie de secours. Les otages entourés des corps des victimes tentent de contre-attaquer. Yohan Hattab a réussi à s’emparer d’une des armes du terroriste, mais elle était enrayée… Il a été tué par le djihadiste d’une balle dans le crâne. Selon plusieurs témoins, Amedy Coulibaly aurait eu des propos antisémites envers les Juifs et la Palestine. François Hollande avait par ailleurs qualifié cette prise d’otage comme « un acte antisémite ».
Lors de la prise d’otage, Amedy Coulibaly a exprimé ses revendications auprès de BFM TV et précise avoir attaqué le magasin pour s’en prendre aux Juifs. Coup de théâtre, l’assaillant a mal raccroché le téléphone, permettant ainsi aux policiers d’entendre à l’intérieur du magasin. Quelques minutes après l’élimination des frères Kaouchi, le RAID et la BRI passent à l’action en tentant de rentrer dans le magasin. Les forces de l’ordre cassent la vitrine et ouvrent le rideau de fer grâce à une télécommande donnée par un otage. « Je vais tuer tout le monde ! », ce sont les propos d’Amedy Coulibaly à ce moment-là, qui essaye de s’enfuir de l‘Hyper Cacher en tirant de tous les cotés. Il fut immédiatement tué par les policiers. Bilan de la prise d’otage : quatre victimes (trois clients et un employés). Cotés policiers, deux agents du Raid et un de la BRI sont blessés. Si les forces de l’ordres patientent encore quelques instants, soupçonnant la présence d’explosifs dans le magasin, les trois jours d’horreurs de janvier 2015 s’achèvent. S’en suit un hommage planétaire aux victimes, devenu un symbole contre le terrorisme.
Le saviez vous ? François Hollande avait décidé un assaut simultané sur les deux prises d’otages car Amedy Coulibaly menaçait de tuer tous les otages si le GIGN donnait l’assaut à l’imprimerie où se trouvait les deux frères Kouachi.
5 / « Je suis Charlie », un hommage universel
La France pleure ses morts, la France est touchée en plein coeur, mais le peuple français va s’unir contre le terrorisme sous le slogan « Je suis Charlie », aujourd’hui ancré dans la société et devenu une devise de la liberté d’expression. Des manifestations sans précédent sont organisées dans l’hexagone et dans le monde entier pour rendre hommage aux 17 victimes des attentats de janvier 2015. Le plus émouvant, c’est le 11 janvier. Près d’un million personnes est rassemblé à Paris pour manifester, du jamais-vu en France depuis la libération. Des milliers de drapeaux et affiches « Je suis Charlie » sont brandis par toutes les communautés. Les barrières tombent, les plus jeunes comme les plus anciens marchent ensemble contre le terrorisme.
Une autre image marquante apparaît lors des manifestations. La France salue les forces de l’ordre pour leur bravoure face aux terroristes. Sous les applaudissements d’un pays entier, les polices et gendarmes sont considérés comme de véritables héros pour la nation, parfois même embrassés physiquement par les français. Les «Je suis Charlie» se décline en «Je suis flic», un vrai sentiment de gratitude envers les forces de l’ordre. Le chanteur Renaud en fera même une chanson intitulé « J’ai embrassé un flic« . Après les attentats de janvier 2015, trois Français sur quatre estiment ainsi que les forces de l’ordres sont « tout à fait capables de gérer une attaque terroriste » selon une enquête d’opinion de 20 Minutes. Loin du contexte actuel.
C’est aussi une forte image diplomatique. En moins de 48 heures, près d’une cinquantaine de chefs d’états et de gouvernement s’unissent contre la terreur lors d’une marche républicaine qui restera à jamais dans l’histoire. Appelé le « G50 » par la majorité des journaux, ils sont en réalité bien plus nombreux. 44 chefs d’État et de gouvernement, 15 dirigeants d’organisations internationales et une trentaine de ministres étrangers avancent doucement près de la place de la République pour symboliser leur union. Des événements toujours aussi marquants alors que le procès inédit de ces attentats s’ouvre aujourd’hui. Un procès hors norme de dix semaines d’audience filmées, une première en matière de terrorisme.
Crédit photo à la une : GONZALO FUENTES/REUTERS