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On a vu pour vous … Mr. Mercedes, le polar de Stephen King

Malgré quelques défauts, Mr. Mercedes est une excellente adaptation de Stephen King : un thriller sombre, glauque et sans concession. Âmes sensibles s’abstenir.

C’est quoi, Mr. Mercedes ? A la veille d’un salon pour l’emploi, les candidats à l’embauche font la queue  en attendant l’ouverture des portes lorsque surgit une Mercedes. Le véhicule fonce dans la foule et écrase tout sur son passage, faisant des dizaines de morts et de blessés. Chargé d’enquêter sur le massacre, l’inspecteur Bill Hodges (Brendan Gleeson) ne parvient pas à résoudre l’affaire. Deux ans plus tard,  notre homme est désormais à la retraite ; solitaire, alcoolique et dépressif, il n’est plus que l’ombre de lui-même. Lorsqu’il reçoit un e-mail particulièrement sordide du tueur à la Mercedes, alias Brady Hartfield (Harry Treadaway), Hodges décide de reprendre l’enquête et se lance sur les traces du tueur. Il ignore dans quel engrenage va le conduire le jeu pervers initié par Mr. Mercedes

Décidément, le cinéma et la télévision adorent Stephen King – pour le meilleur ou pour le pire. Récemment, on retiendra au cinéma le succès de la nouvelle version de Ça ou la série 23.11.63 (pour le meilleur), et l’échec cuisant de La tour sombre et des séries Under The Dome et The Mist (voilà le pire). Cet été, AT&T a diffusé une autre série tirée d’un de ses romans : Mr. Mercedes, premier volet d’une trilogie qui se démarque de l’œuvre de l’auteur puisqu’il s’agit d’un polar, sans les éléments surnaturels dont il est coutumier. L’inégale qualité des adaptations précédentes avait de quoi laisser sceptique, et ce malgré les grands noms présents en coulisses. Mettons fin au suspense ! Avec un scénario écrit par Dennis Lehane (auteur de Shutter Island, Gone Baby Gone), signée David E. Kelley (Boston Justice, Ally McBeal, Big Little Lies), coproduite par Stephen King, Mr. Mercedes appartient sans conteste à la  catégorie des bonnes adaptations.


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Bill Hodges, inspecteur à la dérive

 

Bill Hodges est un inspecteur de police à la retraite. Alcoolique, passant ses journées seul avachi devant la télé, notre homme sombre dans la dépression, hanté par une affaire qu’il n’a jamais pu résoudre :  le massacre de toute une foule, perpétré par un tueur fou au volant d’une Mercedes. Et voilà que  l’assassin entre en contact avec lui : modeste employé d’une entreprise informatique, vivant encore chez sa maman, Brady Hartsfield adresse une série d’e-mails extrêmement perturbants à l’ex-flic, le harcelant et menaçant de recommencer. Hodges décide alors de traquer son correspondant, et s’engage à son insu dans une relation psychologique perverse, un jeu  du chat et de la souris aux conséquences funestes. Mais ironiquement, cette relation malsaine va aussi lui être bénéfique, la recherche du tueur lui donnant enfin un but, une raison de se lever le matin.

La séquence d’ouverture est impressionnante : violente, graphique et sanglante, c’est un coup de poing dans le ventre. Ensuite, le rythme retombe quelque peu. Posément, lentement, Mr. Mercedes introduit le personnage de Hodges avec soin mais au prix de quelques longueurs. Elles sont néanmoins justifiées puisque l’intrigue repose sur la manière dont la relation perverse qui s’instaure entre Hodges et le tueur les affecte psychologiquement. A partir de là se développe une dynamique efficace, l’action progressant au rythme des actions et réactions successives des deux antagonistes que l’on suit en parallèle.

Brady Hartsfield. Chez Stephen King, même les vendeurs de glaces sont flippants

 

D’un côté, l’enquêteur ; de l’autre, le tueur en série. Une construction classique mais parfaitement maîtrisée ici où les deux récits sont équilibrés, et les personnages aussi approfondis et importants l’un que l’autre. L’interprétation de Gleeson et Treadaway est magistrale. Tous deux risquaient de tomber dans le stéréotype, tant les personnages du policier à la dérive et du tueur fou ont été vus et revus dans la fiction. Sous la plume de Stephen King, Hodges et Hartsfield avaient déjà la complexité et la présence nécessaires pour faire oublier les poncifs du genre ; Gleeson et Treadaway achèvent de les réinventer à l’écran. Le premier donne à Hodges une fragilité et une étonnante légèreté, tandis que le second incarne un Hartsflield parfaitement terrifiant, un monstre dont on comprend l’origine de la folie sans pour autant ressentir la moindre empathie.

Mr. Mercedes accentue le parallèle entre ces deux personnages grâce à une utilisation particulièrement inspirée de la musique. Hodges et Hartsfield sont tous deux des amateurs de musique, mais dans des genres radicalement différents : le premier écoute du blues, le second est un fan de punk rock. Omniprésente mais jamais pesante, la bande-son est donc aussi une manière de caractériser les deux héros et un pont qui permet de passer de l’un à l’autre. Les Ramones, The Cramps, Anti-Nowhere League illustrent la violence et la folie de Harstfield ; le quotidien de Hodges est rythmé par Leonard Cohen, Orb Mellon ou encore T-Bone Burnett, dont le superbe It’s not Too late sert de générique à la série.

Certes, il y a quelques passages nettement moins réussis dans Mr. Mercedes. En particulier dans les premiers épisodes, fidèles au livre jusqu’à la maniaquerie ; mais lorsque Dennis Lehane met les mains dans le cambouis, la série prend ses distances avec le texte sans pour autant le dénaturer. La paranoïa de Hodges est par exemple accentuée, et la modification apportée à un personnage renforce la portée de sa relation avec le héros. Étrangement, c’est là que Mr. Mercedes réussit à recréer l’univers de Stephen King. S’il s’est imposé comme un maître de l’horreur avec des histoires glauques et sordides, il y a toujours dans son écriture une humanité et une forme de chaleur mélancolique. Même chose dans la seconde partie de la saison, où les scènes violentes et malsaines (certaines sont à peine soutenables) succèdent à des séquences intimistes plus douces, les deux aspects contradictoires se renforçant l’un l’autre.

Les inconditionnels de Stephen King seront probablement séduits par cette adaptation de Mr. Mercedes, mais elle plaira aussi aux autres – à condition qu’ils aient le cœur bien accroché. Malgré quelques passages à vide, Mr. Mercedes est un thriller glaçant, avec une histoire simple mais efficace, deux personnages forts magistralement interprétés, une atmosphère prenante… La série ayant été renouvelée pour une saison 2, la trilogie se poursuivra donc  (vraisemblablement) avec Carnets Noirs. En attendant, foncez ! En voiture, Simone…

Mr Mercedes (Audience TV)
10 épisodes de 52′ environ.
Mr Mercedes de Stephen King – disponible au Livre de Poche.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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