Il était considéré comme l’un des maîtres du cinéma italien d’après-guerre. Francesco Rosi s’est éteint samedi 10 janvier à l’âge de 92 ans, à Rome, et laisse pour héritage des films engagés, populaires, réalistes et utiles.
Francesco Rosi est né le 15 novembre 1922 à Naples. Ses jeunes années ont pour décor la Seconde Guerre mondiale. Le cinéma, c’est sa vocation. Réprimée par son père, il se retrouve ainsi étudiant en droit. En 1943, il passe a tout autre choses et devient illustrateur de livres pour enfants et s’essaie dans le même temps à l’animation radio sur Radio Naples. Il a aussi été marionnettiste et metteur en scène. En 1948, il fait la rencontre du réalisateur Luchino Visconti dont il devient l’assistant sur La Terre tremble, film majeur du néoréalisme italien. C’est alors qu’il renoue avec sa passion. Par la suite, il écrit quelques scénarios, fais l’acteur dans un film et en codirige un autre. Mais c’est en 1946 que sa carrière de réalisateur est lancée. Il réalise Le Défi, une histoire mafieuse qui se déroule dans sa ville natale, qui lui vaut le prix du jury à la Mostra de Venise. La patte Rosi est déjà distinguable, avec un premier film socio-politique.
Inventeur du « film-dossier », il traitait de sujets avec précision
Son style s’affirme avec Salvatore Guiliano (1962), son deuxième film, qui lève le voile sur l’étrange assassinat d’un bandit qui menaçait l’ordre social en Sicile. Son troisième long métrage, Main basse sur la ville (1963), pour lequel il remporte un lion d’or à Venise. C’est une analyse tranchante sur la spéculation immobilière à Naples où il dénonce, via l’effondrement mortel de deux immeubles, les tours de passe des pouvoirs publics pour étouffer l’affaire. Le ton est donné pour la suite de sa carrière. A travers ses seize réalisations, il traitera de sujets de société divers dans le but d’approcher une réalité pas toujours glorieuse, au service du citoyen. En 1972, L’Affaire Mattei met en lumière le combat d’Enrico Mattei contre les grandes compagnies pétrolières américaines, qui lui coûta la vie. Pour cela, il reçoit le grand prix du jury du Festival de Cannes. Francesco Rosi poursuit dans le genre du « film-dossier » avec Lucky Luciano (1973), où l’histoire d’un parrain de la mafia qui aida les Américains à débarquer en Sicile en 1942. S’en suit Cadavres exquis (1976) avec Lino Ventura, sur l’assassinat de trois magistrats, et Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979) qui traite du confinement de médecins antifasciste. Avec La Trêve (1997), il signe le récit douloureux du retour des déportés d’Auschwitz.
Une certaine idée du cinéma
« J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. » disait-il. Auteur d’un cinéma nécessaire, il se sera positionné en tant que poseur de questions pour répondre aux préoccupations de ses concitoyens. En 1970, dans Les Hommes contre, il dénonce la conduite de l’état major italien lors des combats de la Première Guerre mondiale. Oublier Palerme (1990) conte lui le chantage envers un émigré sicilien voulant devenir maire de New-York. En somme, Francesco Rosi, c’était la maîtrise d’un art au service de la société. Un cinéma utile et nécessaire pour effacer le flou dans des histoires politiques, mafieuses et sociétales.
Francesco Rosi laisse une trace indélébile de son passage sur les grands écrans. Respecté pour son travail minutieux, c’est un exemple pour toute une génération de cinéastes qui s’en est allé samedi, à Rome.