L’exposition « Indiens des Plaines » qui se tient au musée du quai Branly jusqu’au 20 juillet 2014, célèbre la créativité de 135 artistes des Plaines d’Amérique du Nord, du début du 16ème siècle à nos jours. Les 140 œuvres qu’on y découvre témoignent d’une relation profonde et dynamique avec la terre et le ciel, le monde naturel et l’univers spirituel : autant d’éléments qui font la richesse de la culture amérindienne.
Si vous vous sentez l’âme d’un Indien, si vous avez toujours rêvé de traverser les Grandes Plaines des Etats-Unis en chevauchant un Mustang, si vous adorez Pocahontas et aimeriez dormir dans un tipi après avoir fait la danse du Soleil autour d’un totem tout en fumant le calumet de la paix, alors l’exposition « Indiens des Plaines » au musée du quai Branly est faite pour vous. Et même dans le cas contraire, il y a fort à parier que vous soyez séduit par la culture amérindienne après le voyage qui vous y est proposé.
Après une première partie mettant en avant les œuvres contemporaines d’artistes amérindiens, les objets sont présentés chronologiquement : de la période précédant le contact avec les premiers Européens, à la création des réserves, plus de 140 chefs-d’œuvre au total sont réunis dans un même lieu pour la première fois. L’occasion pour le visiteur de découvrir d’impressionnants témoignages laissés en héritage par ces Indiens des Plaines. L’exposition révèle la puissance de leur culture, qui n’a cessé de se transformer au fil du temps malgré sa remise en question au 19ème siècle. Chaque objet présenté raconte ainsi à sa manière un morceau de l’histoire de cette culture indienne, symbolisant l’évolution de son expression artistique.
L’exposition est organisée en sept parties, divisées en quatre salles principales. On y découvre tout d’abord le renouveau artistique dans la vie contemporaine (1965-2014), les communautés et diaspora (1910-1965), les peuples anciens, la vie dans les Grandes Plaines (1700-1820), l’épanouissement d’une culture (1820-1860), la mort du bison (1860-1880), et les vestiges des terres ancestrales (1880-1910).
La première salle de l’exposition vous permettra de rencontrer de grands noms des peuples amérindiens : Red Cloud et Sitting Bull, deux chefs Lakota, ou encore Quanah Parker, chef des Comanches, vous souhaiteront la bienvenue et vous guideront vers les premières œuvres exposées.
Entre tradition et modernisme
Là, vous serez plongé dans un univers onirique, si proche et si lointain à la fois de notre culture. Lointain, par sa distance géographique mais aussi temporelle. Pourtant, ce sont des œuvres récentes qui y sont présentées, allant de 1965 à 2014. Mais les techniques utilisées dans ces œuvres peuvent paraître, pour des yeux occidentaux, assez archaïques, et c’est bien là ce qui leur donne une dimension identitaire d’autant plus sensée.
En effet, le renouveau artistique des Indiens des Plaines est loin de rompre avec leurs traditions ancestrales : les œuvres témoignent de la mémoire indienne, s’en inspirent et lui rendent hommage, – notamment pour son respect de la nature et son univers spirituel – mais s’inscrivent en même temps dans le monde de l’art contemporain, à travers des patchworks par exemple. Elles sont en cela représentatives d’un certain choc des cultures : tout en étant largement imprégnés des techniques artistiques de leurs ancêtres, les amérindiens contemporains y ajoutent un brin de modernisme, associant ainsi la transmission des traditions à la liberté créatrice. Et ce sont ces œuvres qui se retrouvent aujourd’hui exposées dans les musées, et contribuent à la reconnaissance internationale du patrimoine culturel amérindien.
Un dispositif tactile
La deuxième partie de l’exposition est en partie pensée pour les non-voyants. Quatre pièces majeures sont représentées sur une table, en miniature. En relief, avec une échelle à taille humaine nous indiquant la taille réelle de la pièce représentée, le toucher nous guide pour comprendre ces œuvres dans leurs moindres replis. De plus, l’explication est, comme pour toute l’exposition, disposée à côté de l’œuvre, mais celle-ci est également écrite en braille. Un casque disposé à côté de chacune d’elles nous les explique de manière auditive.
Une salle de cinéma
Après cette salle particulière, en longeant un couloir orné de vêtements datant du début du XXème siècle, nous débouchons sur une pièce à la fonction bien précise. Ici, plusieurs scènes de films finement sélectionnés sont diffusées, les unes après les autres, par un rétroprojecteur dans une petite salle sombre ; un cinéma aménagé pour l’occasion. Sept extraits sont présentés au public, parmi eux : Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. De Mille (1936) ; Le Grand Passage, de King Vidor (1940) ; La chevauchée fantastique, de John Ford (1939) ; Buffalo Bill, de William A. Wellman (1944) ainsi que Au-delà du Missouri, d’William A. Wellman également (1951) ; La captive aux yeux clairs, d’Howard Hawks (1952) et Les Cheyennes, de John Ford (1964).
Cette programmation, intitulée « stéréotypes » et conçue par Michel Ciment, critique et historien du cinéma, nous captive pendant vingt minutes et nous laisse nous immerger en Amérique du Nord. Le cinéma hollywoodien est ici mis en avant pour nous donner une idée des stéréotypes véhiculés selon les époques et les réalisateurs. De John Ford, qui peint une image d’agresseurs sans pitié à Cecil B. DeMille qui présente une version archétypale, les différents portraits se succèdent, nous laissant nous forger notre propre idée sur ces temps anciens. L’univers des indiens est ici atteignable, une entrée dans le monde des plaines qui manque peut-être un peu à l’exposition dans son ensemble. En effet, quelques mises en scènes font défaut ; hormis les deux tipis installés près de la sortie, seules des pièces de collection sont exposées derrière des vitrines, laissant peu de places à l’imagination et n’intégrant pas vraiment le visiteur au monde des Indiens des Plaines. Mais certaines installations, notamment des jeux interactifs dédiés aux enfants, donnent à l’exposition une dimension multi-sensorielle !
Au son calme du tam-tam
La dernière salle de l’exposition, immense, regorge d’objets amérindiens : d’impressionnantes robes de femmes squaw, sur lesquelles des motifs animaliers ou spirituels sont peints, peuvent être interprétées comme de véritables tableaux. Chaque vêtement raconte une histoire, de même que les impressionnantes coiffes que d’illustres grands chefs powhatans ont jadis portées. Quant aux tambours disposés sous verre, avec un peu d’imagination, on peut encore les entendre résonner…
Elisa Gorins et Manon Labat