Après Safe (avec Michael C Hall) et Access (avec Ahmed Sylla), C8 poursuit ses créations originales en lançant Les ombres rouges co-produite par Cyril Hanouna (H2O). Que vaut ce nouveau soap teinté de polar ?
C’est quoi Les ombres rouges ? 1993. Clara Garnier, 5 ans, est enlevée. Ses ravisseurs demandent contre sa libération une énorme somme d’argent. L’échange de la rançon se termine en bain de sang : la mère de Clara est tuée et l’enfant ne réapparaitra jamais. Vivante ou morte, le mystère s’installe, provoquant un traumatisme dans la région et dans sa famille, l’une des plus fortunées de la Côte d’Azur. 25 ans plus tard, Aurore Garnier, la sœur aînée de Clara est devenue officier de police. À l’occasion d’une enquête, elle découvre que Clara est toujours vivante mais vit sous une autre identité sans connaître ses origines. Aurore va tout mettre en œuvre pour que Clara retrouve sa famille. Mais ce retour inespéré va déclencher une série d’événements violents et faire remonter à la surface des secrets de famille que chacun pensait enfouis à jamais…
C8 relance la saga familiale
Si vous n’aimez pas les sagas familiales comme on dit en France (les soaps aux Etats-Unis) façon Dallas ou Revenge, passez votre tour, Les ombres rouges n’est pas vous. Pourquoi cette précision ? Tout simplement car il y a une dichotomie entre le trailer qui parle clairement de « saga » et le pitch trompeur qui renvoie à énième polar.
En fait, comme c’est le cas depuis le début des années 2000, la grande saga dite de l’été (mais qui ne l’est plus) a fusionné avec le polar pour donner un genre hybride qui a trouvé son paroxysme avec des séries comme Zodiaque ou Dolmen. Aux Etats-Unis, c’est par exemple Revenge qui a, 4 ans durant, mélangé allègrement les deux registres. Chez nous, La vengeance aux yeux clairs a enfin assumé de construire son récit non pas dans le cadre serré de la mini saga bouclée en 6 ou 8 épisodes (comme dans les sagas), mais possiblement sur plusieurs saisons (comme dans le prime time soap). Difficile de savoir dans quelle direction ira la série Les ombres rouges mais c’est clairement le choix qu’elle opère. Si le point de départ est policier (avec une intrigue assez basique), on comprend assez vite que les histoires ne trouveront pas toutes une solution en fin de saison (là où dans Zodiaque, tout servait à raconter l’histoire du tueur en série, sans chercher à développer au delà les personnages). Certes, Les ombres rouges n’est pas une série « originale » dans le sens qu’on (re)connaît les ficelles de ce type de narration, mais elle parvient à tenir en haleine jusqu’au le spectateur.
Les ombres rouges : un casting réussi pour des rebondissements efficaces
La force de Les ombres rouges est d’avoir soigné et surtout équilibré son casting. La série n’oublie pas de mettre en avant une, voire deux héroïnes, sans oublier de nourrir tous les autres personnages qui existent, non pas comme chair à canon de l’intrigue principale mais bien par eux mêmes. Si Nadia Farès apparaît a priori comme l’héroïne – elle est celle qui mène la quête et indirectement conduit à la cascade d’événements dramatiques qui vont suivre -, à mesure que la série avance, elle se fait plus chorale tout en faisant surgir celle qui en réalité va prendre le lead à savoir Manon Azem. La comédienne évolue au milieu d’une brochette de comédiens confirmés et talentueux (Nadia Farès, Raphaël Lenglet, Antoine Duléry, Lannick Gautry, Mhamed Arezki ou encore l’excellent André Oumansky en patriarche abjecte) et parvient une fois de plus à émerger, à démontrer tout le talent qui est le sien. Magnétique, belle mais aussi badass, Clara est le personnage qui tire tout et pourrait bien porter la série dans la saison 2. Manon Azem lui donne toute l’épaisseur nécessaire.
Si tous les codes de la saga sont présents, et même parfaitement repérables, la série a modernisé ses personnages en les rendant plus sombres, plus complexes et surtout en ne les emmenant pas dans la direction attendue. Pire, on se demande qui pourrait apporter vraiment la rédemption à la famille Garnier tant ils sont tous « troubles ».
Les ombres rouges emprunte par exemple plus à une série comme Bloodline qu’aux traditionnelles feuilletons. Les auteurs se payent même un luxe pour le coup assez rare dans nos fictions dans l’épisode 5 (twist totalement inattendu) et la fin de la saison n’est pas de la couleur qu’on aurait pu penser : en gros, le « happy end » n’est pas forcément une option, terme pas totalement juste puisqu’en réalité, les auteurs construisent leur intrigue sur le long terme et n’apporte pas de solution globale aux intrigues développées. Et c’est tant mieux.
Les ombres rouges ne révolutionne pas le paysage des séries françaises mais est un feuilleton efficace, prenant jusqu’à la dernière minute « étonnante », divertissant, servi par un casting réussi et des personnages boderlines. Si personne ne parle encore de saison 2, tout est fait pour qu’elle ait lieu et objectivement, à la fin de la saison, on en redemande.