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On a vu pour vous … Shardlake, détective de l’ombre

shardlake

Sous le règne de Henry VIII et alors que le Roi a rompu avec la Papauté, Shardlake enquête sur un meurtre dans un monastère.

En 1537, l’avocat Matthew Shardlake (Arthur Hughes) est convoqué par Thomas Cromwell (Sean Bean), ministre tout-puissant de Henry VIII. L’un de ses émissaires, envoyé dans le Monastère de Scarnsea afin de recueillir des preuves pour le démanteler, a été violemment assassiné. Cromwell a choisi Shardlake, réputé pour son intelligence, pour faire la lumière sur cette affaire. Accompagné du bras droit du Ministre, l’arrogant Jack Barak (Anthony Boyle), Shardlake se rend sur place. Malgré le silence et l’hostilité de la communauté, les deux hommes découvrent vite qu’il ne s’agit pas du premier meurtre perpétré ici. Entre trafic de reliques, tensions religieuses et pression politique, Shardlake va tenter de démasquer l’assassin. 

A lire aussi : Séries historiques : le nécessaire mensonge de la fiction (vl-media.fr)

Série de Disney+ , Shardlake est adaptée des romans de C. J. Sansom. Logiquement, cette saison suit l’intrigue de Dissolution, premier des sept livres consacrés par l’auteur au héros éponyme. A savoir un brillant avocat engagé par Thomas Cromwell pour enquêter sur différentes affaires, sous le règne de Henry VIII. Ici, il est envoyé dans un monastère pour démasquer le coupable du meurtre d’un émissaire du Ministre. 

Avant d’aller plus loin, signalons que dans les romans, Shardlake est décrit comme « bossu », son handicap étant une caractéristique essentielle du personnage et de la manière dont il est perçu par ses contemporains. L’acteur qui l’interprète, Arthur Hughes (par ailleurs excellent) souffre lui-même d’une forme de dysplasie particulièrement visible au niveau du bras droit. Ce choix qui ajoute un élément de réalisme au personnage est sensé – mais la démarche inclusive est aussi suffisamment rare pour être saluée.

Shardlake : un polar dans un cadre historique

Shardlake,  c’est d’abord un polar historique et le crime à résoudre est au centre des quatre épisodes. Une grande partie de l’intérêt consiste à comprendre qui a tué la victime, comment et pourquoi ; et comment Shardlake va réussir à élucider le mystère. En ce sens, l’époque dans laquelle se déroule l’action ne change pas les règles du jeu ou conventions du genre. Shardlake arrive au monastère, examine le cadavre, interroge les moines, étudie l’environnement, cherche des indices, formule des hypothèses, avance des théories, va de fausses pistes en percées décisives. Le tout flanqué du bras droit de Cromwell, Jack Barak, de toute évidence là pour l’espionner plutôt que pour l’aider. 

Shardlake flanqué du bras droit de Cromwell

Cependant, dans Shardlake, il y a une tension supplémentaire : notre héros n’a pas seulement pour mission de démasquer un assassin, il est aussi chargé de rassembler des éléments susceptibles de permettre à Cromwell de décréter le démantèlement du monastère et la saisie de ses biens. La scène dans laquelle Shardlake rencontre Cromwell pour la première fois et reçoit ses consignes est d’ailleurs l’une des meilleures de toute la saison : la conversation, policée et formelle, montre à elle seule le conflit qui se joue et l’opposition entre la rigueur et l’honnêteté de Shardlake d’un côté, et l’opportunisme cynique et politique de Cromwell de l’autre. Cette divergence éthique et morale, qui semblait nette au début, n’est finalement pas aussi évidente que cela et s’estompe de plus en plus au fil des épisodes…

En tant qu’enquête policière, Shardlake est efficace, à défaut d’être très originale. Dans sa construction, dans ses rebondissements et les fausses pistes vers lesquelles elle oriente son héros (et ses spectateurs), elle reste en terrain connu. Même si l’on se laisse parfois surprendre, il n’y a finalement rien qu’on n’ait pas déjà vu ou lu ailleurs. En tant que série historique, la reconstitution de l’époque est bonne tant dans les costumes que les décors, et la réalisation joue beaucoup sur l’obscurité en privilégiant une atmosphère sombre dans les scènes nocturnes ou entre les dédales du monastère. Et ce, même si le cadre et certains personnages évoquent forcément Le nom de la rose – Shardlake étant toutefois plus plate et moins flamboyante. 

Une intrigue qui se nourrit du contexte de l’époque

Séquence Franck Ferrand. Rappelons rapidement le contexte historique : nous sommes en 1537 en Angleterre, sous le règne de Henri VIII. Le Roi, connu pour ses multiples mariages et sa propension à répudier ou exécuter ses épouses, s’est brouillé avec le Pape en raison de son divorce avec Catherine d’Aragon. Il s’est ensuite remarié avec Anne Boleyn qu’il vient juste de faire décapiter pour – next ! – épouser Jane Seymour. 

Mais les tensions avec le Vatican ont surtout abouti au schisme qui a donné naissance à l’Église anglicane, avec le Roi à sa tête (comme c’est encore le cas aujourd’hui.) Le Premier ministre Thomas Cromwell est alors confronté à un problème : l’opposition de nombreux monastères restés fidèles à la papauté. Il a donc pour mission de les démanteler et, au passage, de récupérer leurs biens pour renflouer les caisses de la Couronne.

Un petit air de Le nom de la Rose, forcément

Simplement évoqués, les événements concernant Henry VIII n’en constituent pas moins un cadre essentiel. Au-delà de la reconstitution visuelle de l’époque, c’est la reconstruction de la dimension politique qui ajoute une autre dimension à l’histoire.  Il y a certes un meurtre à résoudre dans un monastère du XVIème siècle, mais l’intrigue s’enrichit des dynamiques entre des personnages aux intérêts divergents, des enjeux politiques et du contexte religieux de l’époque.  De sorte que là où la série se démarque, c’est finalement dans la manière dont elle utilise des ressorts classiques du genre auquel elle appartient, tant policier que historique, pour les insérer dans un cadre plus large. 

Shardlake est un polar historique bien construit,  toutefois cantonné au genre. Si elle ne bouleverse pas les codes et manque d’audace, la série a néanmoins l’intelligence de s’appuyer sur le contexte politique et religieux de l’époque, au moment du Schisme entre la Papauté et l’Église anglicane fondée par Henry VIII. Une enquête scrupuleuse, qui manque parfois de nerf mais nimbée du halo de la politique et de l’Histoire. 

Shardlake
4 épisodes de 50′ environ
Disponible sur Disney+.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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