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On a vu pour vous … The staircase, la fiction après le documentaire

La série retrace l’affaire mystérieuse de la mort de Kathleen Peterson, mais aussi la création du documentaire qui lui est consacré et dont elle reprend le titre. 

C’est quoi, The Staircase ? En décembre 2001, Michael Peterson (Colin Firth) appelle les urgences après avoir trouvé sa femme Kathleen, morte au pied des escaliers de leur maison. Mais les circonstances de l’accident laissent penser à un meurtre, et Michael est arrêté. Tandis que la famille se déchire, la machine judiciaire se met en marche et Michael prépare son procès avec son avocat (Michael Stuhlbarg). A Paris, une équipe de documentaristes s’intéresse à l’affaire, et décide de tout filmer pour en tirer un docu-fiction. La monteuse (Juliette Binoche) se passionne pour le dossier et commence à douter de la culpabilité de Peterson à mesure qu’elle découvre les rushs et les interviews. 

Cette histoire est certainement familière aux amateurs d’affaires criminelles : elle est en effet au cœur de The Staircase, docusérie du Français Jean-Xavier de Lestrade, diffusé sur Canal + en 2004. Une série dont l’immense succès a lancé l’essor du genre true crime, et qui a la particularité d’avoir suivi tout le dossier de l’intérieur, avec la famille Peterson, à partir du moment où Michael a été accusé du meurtre de sa femme jusqu’au bout, soit bien après le verdict. C’est de cette affaire mais aussi de la création du documentaire que s’empare The Staircase, sous forme de fictionnalisation. 

Revenons aux faits. Le 9 décembre 2001 à Durham (Caroline du Nord), les services d’urgence reçoivent un appel de Michael Peterson. La voix brisée, il explique que sa femme Kathleen est tombée dans les escaliers et ne respire plus. Cependant, certains éléments ne cadrent pas et semblent indiquer que la victime a été battue à mort. Seul suspect, Michael est immédiatement arrêté. Lorsque l’autopsie confirme que Kathleen a reçu des coups répétés sur le crâne, incompatibles avec une simple chute, il est accusé de meurtre. Peterson sera reconnu coupable et passera huit ans en prison, avant que l’affaire ne connaisse des rebondissements fracassants. 

The Staircase retrace l’histoire à partir de l’appel de Michael aux secours, en entremêlant trois lignes temporelles : la vie du couple avant « l’accident », ce qui s’est passé ensuite jusqu’au procès en 2003, et ce qui survient plus tard en 2017.  Entre récit chronologique et flashback, la série montre  la relation entre Kathleen et Michael, la dynamique complexe du clan Peterson (une famille recomposée avec cinq enfants de six pères et mères différents, où chacun prend parti pour ou contre Michael), la douleur de la famille, la vie intime que Michael entend cacher, recrée aussi les différentes hypothèses, envisage un mobile ou se penche sur d’étranges coïncidences…

Un mariage épanoui… en apparence

Si la mort de Kathleen Peterson suscite autant d’intérêt, c’est qu’il est impossible de savoir ce qui s’est passé. La justice a rendu son verdict, mais le doute plane encore parce que Michael a toujours clamé son innocence, parce que diverses théories n’ont cessé d’émerger, parce qu’il semble que tout repose finalement sur la question de l’intime conviction. C’est ce qui semble fasciner le créateur de la série, Antonio Campos, qui entretient volontairement le doute tout au long des huit épisodes – jusqu’à l’ultime scène, extrêmement perturbante. D’expertises en contre-expertises, de faits en théories, d’indices en révélations, The Staircase nous entraîne dans une danse macabre – un pas en avant, deux pas en arrière – faisant sans cesse vaciller nos certitudes et notre conviction.  

Indéniablement, l’une des grandes réussites de la série vient de son casting éblouissant : Colin Firth et Toni Collette dans les rôles principaux, auxquels s’ajoutent notamment Michael Stuhlbarg, Juliette Binoche ou Sophie Turner. Tous sont excellents, mais on retient surtout la performance impressionnante de Colin Firth, qui capture non seulement la démarche, les gestes et la façon de parler du vrai Peterson, mais qui parvient surtout à distiller un sentiment de malaise face à toutes les zones d’ombre et l’ambiguïté de son personnage. 

The Staircase ajoute une couche supplémentaire à l’histoire criminelle : une réflexion sur le true crime. Alors que Peterson se prépare pour son procès, il accepte d’être suivi par une équipe de tournage française et son réalisateur (Vincent Vermigon). Les rushes du documentariste mettent en lumière le système judiciaire américain et certaines de ses failles,  l’instrumentalisation de l’affaire par les médias… et des médias par les avocats et le procureur. Et en insérant le tournage du documentaire dans l’intrigue judiciaire, The Staircase joue aussi sur la métafiction pour s’interroger sur les limites du true crime. La notion d’objectivité, la manière dont la présentation des images peut leur donner un autre sens, le dilemme entre la position d’observateur et d’acteur du dossier, la difficile neutralité dès qu’on interagit avec quelqu’un – fût-il suspecté de meurtre. 

Colin Firth, brillant dans le rôle de Michael Peterson

C’est peut-être l’aspect le plus intéressant de The Staircase – en tous cas celui qui compense les quelques longueurs du scénario et qui apporte quelque chose de plus à cette histoire que nombre d’entre nous connaissent déjà, pour avoir vu le documentaire en question. Même si l’on n’apprend rien sur le dossier, sur le dénouement ou sur les diverses théories qui ont été imaginées, The Staircase parvient à nous accrocher et à donner un autre point de vue – non pas sur la mort de Kathleen, mais sur l’emballement médiatique qui s’est créé autour. Et signalons au passage qu’il existe aussi une parodie irrésistible : Trial and error, comédie hilarante avec John Lithgow dont la première saison est une reconstitution absurde de l’affaire Peterson.

En proposant une version scénarisée de l’affaire Peterson, The Staircase reconstruit non seulement cette histoire mystérieuse, mais joue aussi sur la mise en abyme en suivant l’équipe qui a réalisé le documentaire du même titre, offrant ainsi une réflexion sur le genre du documentaire criminel. En s’appuyant sur la complexité de l’affaire et sur l’ambiguïté de Michael Peterson, la série prend le parti de… ne pas prendre parti Coupable ou innocent ? Libre à chacun de se forger sa propre opinion.

The Staircase
8X55′ environ.
Le 13 Octobre sur Canal +.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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