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On a vu pour vous … Un homme ordinaire, la série inspirée de l’affaire Dupont de Ligonnès

Un homme ordinaire, librement inspirée de l’affaire Dupont de Ligonnès arrive sur M6 et est sans aucun doute la fiction événement de cette rentrée.

C’est quoi Un homme ordinaire ? En avril 2011, la famille de Salin est retrouvée assassinée, enterrée sous la terrasse de la maison familiale. La mère, les quatre enfants et les deux labradors. Seul le père manque.  Il s’est volatilisé. Cet homme c’est Christophe de Salin, il devient alors le principal suspect de cette tuerie. Introuvable, il bénéficie de la présomption d’innocence, même si tout semble l’accuser. C’est à travers l’enquête d’une hackeuse qui apporta un grand nombre de réponses à la police que nous allons rentrer dans les arcanes de cette affaire librement inspirée d’un fait divers qui secoua la France.  Cette histoire s’attache à comprendre comment un homme, bien sous tous rapports, bon père de famille au dessus de tout soupçon, aurait été pris dans un engrenage infernal, au point de n’entrevoir qu’une solution : L’élimination de tous les siens.

« Nous souhaitons proposer notre hypothèse »

Pierre Aknine

Adapter l’affaire Dupont de Ligonnès : l’impossible challenge ?

Incontestablement, l’affaire Dupont de Ligonnès est l’exemple même de la réalité qui dépasse la fiction, au sens où si on avait créé une telle histoire, on aurait sans doute trouvé ça excessif. Assez naturellement donc, cette réalité amenait une transposition en fiction.
Pourtant l’exercice même de l’adaptation du fait divers est par essence « casse-gueule ». Beaucoup de cinéastes ou de téléastes s’y sont essayés avec plus ou moins de succès : Yves Boisset avec L’affaire Seznec, Pierre Boutron avec L’affaire Dominici, ou encore des séries et unitaires comme L’affaire Villemin (France 3), Flic tout simplement et tant d’autres. Dans les cas cités ici, quasiment toutes les affaires ont eu une forme de conclusion, comme un procès et /ou une condamnation. Toutes à l’exception de l’affaire Grégory, ce qui explique sans doute que la série de France 3 s’y soit cassée les dents.

Alors que la forme sérielle, tout du moins la mini série, suppose un début, un milieu et une fin, comment fait-on quand l’affaire n’est pas résolue ? Et encore plus quand l’affaire ne comporte qu’un seul et unique suspect mais qui, bien qu’introuvable comme avec Dupont de Ligonnès, bénéficie comme tout le monde, de la présomption d’innocence ?
Se risquer à donner « sa version » c’est se rapprocher dangereusement de la pente sensible de la « diffamation ». Ne reste alors qu’un moyen : raconter l’histoire telle qu’on la connaît … mais en changeant les identités (de nombreuses séries l’ont fait, c’est souvent le cas dans la série Law and Order qui a, par exemple, raconté l’histoire de DSK). Tout le monde saura de qui on parle, mais le projet sera inattaquable. Ne reste alors plus qu’à porter un jugement, un avis sur l’œuvre ainsi créée.

A lire aussi : 5 éléments pour comprendre … l’affaire Dupont de Ligonnès

Crédit : Fabrice Lang / Capa Drama / M6

Un homme ordinaire : une série entre thriller et reconstitution

On ne va pas se le cacher. Quand la série a été présentée l’an passé en ouverture du dernier Festival de la Fiction TV de la Rochelle, nous n’avons pas été convaincu par le premier épisode. L’accueil dans la salle fut même un peu difficile on l’imagine pour l’équipe. Un an plus tard, en découvrant cette fois-ci l’intégralité de la série, le sentiment est différent. Si on comprend toujours ce qui a pu gêner, force est de constater que la série prend des directions et des partis pris assez intéressants. Le principal problème de Un homme ordinaire c’est précisément l’option choisie pour adapter cette affaire qui n’a pas de fin. Ici créer une histoire dont la charpente est un fait réel. Pour permettre de rentrer dans l’affaire, découvrir et évoquer de nouvelles pistes, on a créé le personnage de Anne-Rose (Emilie Dequenne), une hackeuse professionnelle qui va se passionner pour l’affaire De Salin et qui, comme hasard l’a rencontré et habite en face de chez lui. Toute cette partie de l’intrigue, sa rencontre avec le mystérieux informateur Dédale n’est vraiment pas la plus réussie car elle emprunte assez facilement des ressorts narratifs déjà vus dans de nombreuses séries et films. Et ce, jusqu’au « dénouement final » pas forcément très convainquant. Cette partie plombe un peu celle bien plus intéressante et qui touche plus à l’affaire en elle même.

Cet « homme ordinaire » qu’incarne littéralement et même viscéralement Arnaud Ducret est passionnante mais perturbante. Le comédien que l’on savait déjà très bon, retranscrit avec une vraie maîtrise la froideur et le double visage nécessaire à cette homme qui, si l’on ne basait que sur le sourire qu’il affiche sur les photos, nous inspirerait la plus grande confiance. Le côté « mécanique » du jeu de Ducret (voulu pour l’occasion), qui peut au début déconcerter, convient très bien à la froideur du personnage et contribue à le rendre glaçant. Cette capacité de De Salin à préparer son plan et à le mettre en œuvre est terrifiante et très bien mise en scène dans des flashbacks glaçants qui oscillent sans arrêt entre « avant les meurtres » et « après les meurtres » sans jamais montrer le passage à l’acte, en tout cas pas avant l’épisode 4. Même si la culpabilité de De Salin ne fait jamais vraiment de doute, et ce n’est d’ailleurs pas tellement le principe de la série, le montage permet de tenter de saisir les motivations multiples qui l’ont conduit à tuer toute sa famille. Un homme ordinaire c’est l’histoire du désespoir d’un homme que la folie et l’héritage familial ont poussé à commettre l’impensable. La scène d’assassinat montrée dans l’épisode 4, dérangeante mais sans doute nécessaire, achève le spectateur. Certains regretteront sans doute de se retrouver en position de « voyeur » d’un acte odieux mais c’est sans aucun doute un passage nécessaire pour saisir le folie d’un homme. Ducret livre ainsi une performance d’acteur dans un cadre mentionné plus haut sans doute trop étroit par moment pour se déployer pleinement.

Crédit : Fabrice Lang / Capa Drama / M6

Avec Un homme ordinaire, M6 se lance dans la course aux adaptations de faits divers, si populaires en ce moment à la télévision et les plateformes. En attendant peut-être l’adaptation en série de l’enquête de Society, Un homme ordinaire (tournée il y a plus d’un an) offre son hypothèse sur ce qu’aurait pu devenir Dupont de Ligonnès, une hypothèse que l’on ne découvre pas mais qui semble totalement crédible. L’entre-deux de la série entre thriller et reconstitution de faits divers aura peut-être du mal à en convaincre certains, elle rend aussi difficile la capacité de comprendre ce qui est du domaine de la vraie histoire et de l’invention. Mais on retiendra la partition saisissante d’un comédien, Arnaud Ducret, qui parvient à nous faire comprendre toutes les zones d’ombres d’un homme qu’on ne finalement pas tant ça.

Ce que l’on retient de Un homme ordinaire

La partition d’Arnaud Ducret, dont le jeu ici mécanique sert pleinement la complexité et la froideur d’un homme

La mise en scène assez saisissante, notamment des flashbacks, qui nous permet de mieux saisir les éléments qui ont pu conduire au drame

On regrette en revanche la partie plus thriller et les éléments scénaristiques qu’elle entraîne jusque dans le 4ème épisode. Cet épisode moins nécessaire n’était pas tellement nécessaire et la série aurait pu s’arrêter à l’épisode 3 sans aucun problème.

Crédit : Fabrice Lang / Capa Drama / M6

A lire aussi : On a vu pour vous … La part du soupçon, une autre version de l’affaire Dupont de Ligonnès avec Kad Merad

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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