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On débriefe pour vous … Derry Girls, adolescentes en temps de guerre

Dans une Irlande du Nord en pleine guerre civile, Derry Girls, une bande de filles qui se débat avec des problèmes autrement plus importants : ceux de l’adolescence.

C’est quoi, Derry Girls ? Dans les années 1990, Erin (Saoirse-Monica Jackson) est une adolescente de seize ans qui vit à Derry,. La jeune fille  traîne en permanence avec sa bande d’amies : sa cousine Orla (Louisa Harland), la naïve Clare (Nicola Coughlan) et l’excentrique Michelle (Jamie-Lee O’Donnell). S’ajoute au groupe le cousin anglais de cette dernière, James (Dylan Llewellyn). L’Irlande du Nord est secouée par la guerre civile , mais la situation préoccupe très peu nos héroïnes, accaparées par des questions beaucoup plus essentielles telles que la musique, leurs études dans un strict collège catholique, ou encore les garçons…

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Diffusée sur Channel 4 en Janvier 2018 (et désormais disponible sur Netflix), la série Derry Girls a immédiatement rencontré un succès surprise, tant auprès des critiques enthousiastes que d’un public prompt à  s’enflammer sur les réseaux sociaux. En six petits épisodes de vingt minutes, la série créée par Lisa McGee (qui a elle-même grandi à Derry) raconte l’histoire d’adolescentes insouciantes dans une Irlande du Nord  pourtant au cœur des tensions et émeutes qu’a connues le pays dans les années 1990. Mais elle le fait sur le ton de la comédie potache, relevant le pari audacieux de faire rire ses spectateurs en suivant les (més)aventures d’héroïnes confrontées à des problèmes d’adolescentes qui les affectent bien plus que le contexte socio-politique.

Les héroïnes de Derry Girls sont des ados comme les autres. Issues de la classe moyenne, au sein de familles pleines de cousins, d’oncles et de tantes, Erin, sa cousine Orla, leurs amies Michelle et Clare profitent au maximum de la vie tout en surmontant les difficultés inhérentes à cet âge. S’ajoute au petit groupe le cousin de Michelle, James . Seul garçon et surtout seul Anglais de la bande, il est régulièrement moqué pour son accent britannique par les filles… qui s’expriment avec un accent irlandais à couper au couteau. Ensemble, ils suivent les cours d’une école catholique menée de main de fer par la principale, Sœur Michael (excellente Siobhan McSweeney). Stricte et rigide, la religieuse ne sait plus à quel saint se vouer pour contrôler ses jeunes élèves insouciantes, excentriques et rebelles, qui se retrouvent impliquées dans toutes sortes de mésaventures délirantes.

Nos cinq ados, convoqués chez la proviseure. Encore.

On l’a dit, l’Irlande du Nord est alors en pleine guerre civile. Coupée en deux, la ville de Derry subit des attentats, les marches protestataires sont réprimées par l’armée britannique, les tanks stationnent près des barricades, la tension est quotidienne. Mais aussi prégnant soit-il, le contexte n’est jamais l’axe central de la série – contrairement à This Is England, où les drames vécus par les personnages découlent directement de la situation politique. Ce n’est pas le cas ici, où l’insouciance de la jeunesse n’est pas corrompue par la violence. Nos héroïnes ont des problèmes bien plus importants à régler et se soucient à peine de la guerre entre protestants et catholiques. Cet aspect n’est présent qu’en toile de fond ( par exemple, lorsque le bus scolaire est contraint de s’arrêter à cause d’une alerte à la bombe), dans la manière dont Sœur Michael résume le conflit («  Nous sommes les gentils, bienvenue à Derry. ») ou à travers l’opinion des adultes (La résignation du père d’Erin s’oppose au bellicisme farouche de son grand-père – interprété par Ian McElhinney, alias Barristan Selmy de Game of Thrones).  Les événements désignés sous le nom de « troubles » sont un cadre, pas un sujet.

Alors, que reste-t-il ? Une comédie brillante, entre Skins et une transposition de The Inbetweeners au féminin, avec les préoccupations banales d’un groupe d’adolescentes. Soit les copines, les fringues, le maquillage, la musique, éventuellement les examens, les parents qui ne comprennent rien, la chouette qui sert de principale, les garçons, le sexe, la rivalité avec la garce du lycée. Et une succession de mésaventures hilarantes (incluant notamment une statue de la vierge, une nonne décédée et  des réfugiés de Tchernobyl) dans lesquelles sont précipités nos cinq héros, autant à cause de leur caractère bien trempé que de leur naïveté et de leur manque d’expérience.

Sœur Michael. Que Dieu lui vienne en aide…

Comédie drôle et fraîche, souvent audacieuse et politiquement incorrecte (l’heure de colle dans le premier épisode est  ridiculement hilarante), Derry Girls frôle l’absurde et l’outrance. Elle joue sur les quiproquos et le décalage entre des héroïnes extravagantes et la rigidité de leur école religieuse, mais aussi sur le rythme enlevé de dialogues savoureux, balancés avec un débit de mitraillette. Les cinq acteurs principaux prennent leurs rôles à bras le corps et rendent à la perfection tout l’humour des situations et des échanges – même si leur jeu volontairement théâtral peut déconcerter, du moins au début.  

Derry Girls bénéficie en outre d’une bande-son formidable, où s’enchaînent les tubes de Supergrass, R.E.M., Genesis, 2Unlimited, Blur, The Corrs ou les Cranberries. La saison commence et s’achève d’ailleurs par une leurs chansons, mais pas celle à laquelle vous pensez… Ce n’est pas Zombie et sa dénonciation du conflit en Irlande du Nord, mais la douce et mélancolique Dreams. Ce choix est à lui seul une déclaration d’intention : Derry Girls ne cherche pas à se poser en chronique d’une époque, mais à tracer le portrait – outrancier, drôle mais aussi touchant – de ses héroïnes.
Avec en toile de fond le contexte délicat des troubles en Irlande du Nord (et alors qu’un attentat revendiqué par l’IRA vient de frapper la ville, le 19 Janvier dernier),  Derry Girls est  une excellente comédie, divertissante et plus subtile qu’elle n’en a l’air au premier abord. Avec ses situations cocasses, ses dialogues inspirés et ses héros attachants et hauts en couleur, cette première saison est un shoot d’énergie, dont les  six épisodes de 20 minutes filent sans qu’on s’en aperçoive. A découvrir d’urgence sur Netflix, en attendant la deuxième saison dont la diffusion est imminente outre-Manche.


Derry Girls (Channel 4)
6 épisodes de 20′ environ.
Disponible sur Netflix.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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